Un quart des hommes japonais seraient toujours vierges à 30 ans. Marasme économique, précarisation... les Nippons vivraient une profonde crise d’identité. Pour eux, un cursus vient de s’ouvrir à la bien nommée “Virgin Academia”.
C’est un témoignage édifiant : « Je n’ai jamais fréquenté de femme. Pour tout vous dire, une femme me paraît aussi étrangère qu’un étranger. Que dire à une femme ? Comment l’intéresser, l’attirer ? Franchement je n’en ai pas la moindre idée. » Ce récit apparaît dans Confidences du Japon, de la sociologue française Muriel Jolivet (Elytis 2014, illustré par le mangaka J.-P. Nishi), passionnant petit journal qui évoque les choses vues ou entendues par l’auteure, qui vit depuis 1973 dans cet archipel confronté à des problèmes démographiques et sociaux profonds.
L’homme qui parle se présente comme un otaku de plus de 40 ans, c’est-à-dire une personne qui vit enfermée dans un monde imaginaire, construit autour de l’univers des mangas ou des films d’animation. Il estime qu’à peine 10 % des personnes avec qui il échange sur Twitter « ont l’air de fréquenter quelqu’un ». Lui-même fait partie des quelque 25 % d’hommes japonais de plus de 30 ans toujours vierges.
Ce chiffre, établi par l’Institut national de recherche sur la population, a progressé de 3 % entre 1992 et 2010. Pour les femmes, il a baissé de 15 points, passant de 40 à 25 %. Les statistiques de l’institut indiquent que seuls 30 % des Japonais perdent leur virginité avant 20 ans, contre 80 % des Allemands par exemple.
Le handicap financier
Pour expliquer ce phénomène, certains évoquent les deux décennies de marasme et de précarisation économiques, qui ont rendu les hommes moins à l’aise avec les femmes. Ainsi cet homme, également cité par Muriel Jolivet, qui aimerait bien avoir une relation et se marier, « mais [il] ne gagne pas de quoi fonder une famille ». Un point qui confirme les résultats d’enquêtes montrant que les femmes prêtes à se marier aimeraient idéalement trouver un conjoint gagnant au moins 6 millions de yens (45 000 euros) par an. Or le revenu moyen d’un salarié trentenaire est d’environ 4,3 millions de yens (32 000 euros).
Les difficultés économiques favoriseraient des phénomènes comme celui des « herbivores », des jeunes hommes qui ne draguent pas, fuient les filles sexy et n’aiment pas les discussions. Ce terme a été imaginé en 2006 par la chroniqueuse spécialiste des tendances Maki Fukusawa, en opposition à celui de « carnivores », qui qualifiait dans les années 1980 les hommes passant leur temps à draguer. Les « herbivores » seraient sans ambition professionnelle, attentifs à la mode, proches de leur mère, sans appétence sexuelle et assez près de leurs sous. Pour eux, entretenir une relation est quelque chose de mendokusai, à savoir « embêtant ».
A l’école du bonheur par le sexe
Ce phénomène a donné l’idée à Shingo Sakatsume de créer une Virgin Academia. Déjà créateur d’une ONG, White Hands, aidant notamment les handicapés à vivre leur sexualité, il a lancé un cursus d’un an, coûtant 3 600 yens (27 euros) par mois, pour vaincre sa timidité et apprendre à construire une relation. L’objectif est « d’acquérir la capacité à trouver le bonheur avec un partenaire, par le sexe », précise la Virgin Academia. Mais pour y parvenir, encore faut-il trouver des partenaires potentielles. Or, certaines jeunes femmes rejettent, elles aussi, l’idée d’une relation. Outre celles qui privilégient leur vie professionnelle, il y a également, explique Muriel Jolivet, les himono onna, des casanières qui « préfèrent se shooter devant la télé ou passer leur temps à dormir, plutôt que de se fatiguer à avoir un petit ami ». La télé en a d’ailleurs fait des héroïnes de séries qui se taillent un franc succès.
Le Monde
C’est un témoignage édifiant : « Je n’ai jamais fréquenté de femme. Pour tout vous dire, une femme me paraît aussi étrangère qu’un étranger. Que dire à une femme ? Comment l’intéresser, l’attirer ? Franchement je n’en ai pas la moindre idée. » Ce récit apparaît dans Confidences du Japon, de la sociologue française Muriel Jolivet (Elytis 2014, illustré par le mangaka J.-P. Nishi), passionnant petit journal qui évoque les choses vues ou entendues par l’auteure, qui vit depuis 1973 dans cet archipel confronté à des problèmes démographiques et sociaux profonds.
L’homme qui parle se présente comme un otaku de plus de 40 ans, c’est-à-dire une personne qui vit enfermée dans un monde imaginaire, construit autour de l’univers des mangas ou des films d’animation. Il estime qu’à peine 10 % des personnes avec qui il échange sur Twitter « ont l’air de fréquenter quelqu’un ». Lui-même fait partie des quelque 25 % d’hommes japonais de plus de 30 ans toujours vierges.
Ce chiffre, établi par l’Institut national de recherche sur la population, a progressé de 3 % entre 1992 et 2010. Pour les femmes, il a baissé de 15 points, passant de 40 à 25 %. Les statistiques de l’institut indiquent que seuls 30 % des Japonais perdent leur virginité avant 20 ans, contre 80 % des Allemands par exemple.
Le handicap financier
Pour expliquer ce phénomène, certains évoquent les deux décennies de marasme et de précarisation économiques, qui ont rendu les hommes moins à l’aise avec les femmes. Ainsi cet homme, également cité par Muriel Jolivet, qui aimerait bien avoir une relation et se marier, « mais [il] ne gagne pas de quoi fonder une famille ». Un point qui confirme les résultats d’enquêtes montrant que les femmes prêtes à se marier aimeraient idéalement trouver un conjoint gagnant au moins 6 millions de yens (45 000 euros) par an. Or le revenu moyen d’un salarié trentenaire est d’environ 4,3 millions de yens (32 000 euros).
Les difficultés économiques favoriseraient des phénomènes comme celui des « herbivores », des jeunes hommes qui ne draguent pas, fuient les filles sexy et n’aiment pas les discussions. Ce terme a été imaginé en 2006 par la chroniqueuse spécialiste des tendances Maki Fukusawa, en opposition à celui de « carnivores », qui qualifiait dans les années 1980 les hommes passant leur temps à draguer. Les « herbivores » seraient sans ambition professionnelle, attentifs à la mode, proches de leur mère, sans appétence sexuelle et assez près de leurs sous. Pour eux, entretenir une relation est quelque chose de mendokusai, à savoir « embêtant ».
A l’école du bonheur par le sexe
Ce phénomène a donné l’idée à Shingo Sakatsume de créer une Virgin Academia. Déjà créateur d’une ONG, White Hands, aidant notamment les handicapés à vivre leur sexualité, il a lancé un cursus d’un an, coûtant 3 600 yens (27 euros) par mois, pour vaincre sa timidité et apprendre à construire une relation. L’objectif est « d’acquérir la capacité à trouver le bonheur avec un partenaire, par le sexe », précise la Virgin Academia. Mais pour y parvenir, encore faut-il trouver des partenaires potentielles. Or, certaines jeunes femmes rejettent, elles aussi, l’idée d’une relation. Outre celles qui privilégient leur vie professionnelle, il y a également, explique Muriel Jolivet, les himono onna, des casanières qui « préfèrent se shooter devant la télé ou passer leur temps à dormir, plutôt que de se fatiguer à avoir un petit ami ». La télé en a d’ailleurs fait des héroïnes de séries qui se taillent un franc succès.
Le Monde
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