Au début j’avais promis de me taire, mais ensuite, au matin
Je vous ai vus sur le pas de la porte semant
Les cendres comme l’on sème le blé,
Et je n’ai pu m’empêcher de crier : Que faites-vous ?
Que faites-vous ?
J’ai neigé pour vous toute la nuit sur la ville,
Toute la nuit pour vous j’ai blanchi : oh, si
Vous saviez comme il est dur de neiger !
Hier soir, à l’heure du coucher, je suis sortie dans les airs.
Il faisait noir et il faisait froid. Je devais
Voler jusqu’au point rare où
Le vide fait tourner les étoiles, les éteint
Et moi, je devais vibrer encore un instant dans ce coin
Pour ensuite revenir et neiger parmi vous.
J’ai ruminé, soupesé, essayé chaque flocon,
Pétri, verni du regard,
Et maintenant je tombe de sommeil, la fièvre me prend, de fatigue.
Je vous vois en train de semer la poussière du feu mort
Sur mon ouvrage tout en blancheur et d’un sourire vous avoue -
D’autres neiges bien plus grandes viendront après moi
Et tout le blanc du monde sur vous neigera,
Tâchez de comprendre sa loi dès ce moment,
Neiges infinies viendront après nous,
Et vous n’aurez pas assez de cendre,
Et, petits, les enfants apprendront à neiger,
Et le blanc couvrira votre triste désaveu,
Et la terre tournera avec les étoiles
Tel un astre brûlant, de neige.
Ana Blandiana | Une lumière dans les ténèbres
Je vous ai vus sur le pas de la porte semant
Les cendres comme l’on sème le blé,
Et je n’ai pu m’empêcher de crier : Que faites-vous ?
Que faites-vous ?
J’ai neigé pour vous toute la nuit sur la ville,
Toute la nuit pour vous j’ai blanchi : oh, si
Vous saviez comme il est dur de neiger !
Hier soir, à l’heure du coucher, je suis sortie dans les airs.
Il faisait noir et il faisait froid. Je devais
Voler jusqu’au point rare où
Le vide fait tourner les étoiles, les éteint
Et moi, je devais vibrer encore un instant dans ce coin
Pour ensuite revenir et neiger parmi vous.
J’ai ruminé, soupesé, essayé chaque flocon,
Pétri, verni du regard,
Et maintenant je tombe de sommeil, la fièvre me prend, de fatigue.
Je vous vois en train de semer la poussière du feu mort
Sur mon ouvrage tout en blancheur et d’un sourire vous avoue -
D’autres neiges bien plus grandes viendront après moi
Et tout le blanc du monde sur vous neigera,
Tâchez de comprendre sa loi dès ce moment,
Neiges infinies viendront après nous,
Et vous n’aurez pas assez de cendre,
Et, petits, les enfants apprendront à neiger,
Et le blanc couvrira votre triste désaveu,
Et la terre tournera avec les étoiles
Tel un astre brûlant, de neige.
Ana Blandiana | Une lumière dans les ténèbres