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Exclusif/ Nacer Boudiaf: “Mon père a été assassiné parce qu’il voulait éliminer les mafias”

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    Exclusif/ Nacer Boudiaf: “Mon père a été assassiné parce qu’il voulait éliminer les mafias”
    Par Abdou Semmar | juin 29, 2015 12:12


    Comme le 29 juin de chaque année, l’Algérie commémore un triste anniversaire, celui du lâche assassinat de l’ancien Chef de l’Etat, Mohamed Boudiaf. Le 29 juin 1992, cette date sera à jamais marquée du sceau de l’infâmie. En plein discours, Mohamed Boudiaf a été assassiné en direct à la télévision. Des millions d’Algériens ont regardé en direct cette exécution sommaire d’un président revenu de son long exil pour redresser son pays en proie à la guerre civile. Beaucoup de choses ont été dites sur les dessous de cet assassinat. Mais les jeunes, qui ignorent ce lugubre épisode de l’histoire de leur pays, n’en saisissent pas tous les tenants et aboutissant. Et que reste-t-il du souvenir de Mohamed Boudiaf en 2015 ? Dans cette interview, le fils du défunt Président, Nacer Boudiaf, réponds à nos questions en toute franchise pour nous rafraîchir la mémoire et nous fournir de précieux éclairages afin que nul n’oublie.

    Propos recueillis par Abdou Semmar

    Algérie Focus: Aujourd’hui, nous commémorons le 23e anniversaire de l’assassinat de votre père, et ancien Chef de l’Etat, Mohamed Boudiaf. Quel est le souvenir que vous gardez de lui ?

    Nacer Boudiaf: Le souvenir que je garde de lui, c’est d’abord cette main tendue au peuple algérien, sa sincérité, son amour pour son pays et surtout, l’espoir qu’il a suscité dans le peuple en un laps de temps très court (166 jours).

    Que pensez-vous sincèrement du travail et du traitement de la justice algérienne concernant les circonstances de son assassinat ?

    Qu’attendez-vous d’une justice qui juge l’assassinat d’un chef d’Etat comme un fait divers ? La justice algérienne n’est pas indépendante. Elle n’aurait jamais dû accepter de juger l’assassin présumé, puisque il est membre des services secrets. C’était donc à la justice militaire de le faire. Plus tard, l’assassin, lui-même, a considéré que le procès est une pièce de théâtre et les audiences ont tourné court dès le début. Elles se sont déroulées en l’absence des avocats de la défense, récusés par l’accusé et la partie civile. Il s’est basé sur un défilé de témoins dont la plupart n’ont pas été capables de reconnaître Boumaârafi. Ce dernier s’est retranché dans un mutisme absolu, exigeant le droit de choisir ses avocats et accusant ses quatre défenseurs commis d’office d’avoir été “désigné par les services de sécurité”. Et le procureur, Abdelmalek Sayeh, n’a rien trouvé de mieux que de répondre à l’accusé : “Et alors ils sont algériens” ! Et pour clôturer cette parodie de justice, Boumaârafi a affirmé avoir parlé d’acte isolé « pour préserver sa vie ».

    Avez-vous réellement réussi à faire votre deuil ? Avez-vous pu trouver des réponses aux questions qui ont été soulevées à la suite de l’assassinat de votre père ?

    Le deuil ne sera jamais fait parce que les commanditaires n’ont jamais été inquiétés. Boudiaf a été assassiné parce qu’il voulait rassembler les forces vives de la Nation pour un retour à la démocratie véritable. Les commanditaires du lâche assassinat ont empêché Boudiaf d’accomplir sa dernière mission dont l’objectif était l’élimination des mafias, la démocratisation du système et surtout la sauvegarde de l’Algérie.

    Quels sont, d’après vous, les commanditaires de cet acte ignoble ?

    Ce sont les gens qui l’ont ramené, à savoir les généraux Nezzar, Belkheir, Toufik, Smain Lamari et Mohamed Lamari. Ils sont responsables d’une façon ou d’une autre de son lâche assassinat.

    Est-ce vrai que votre père dérangeait beaucoup les décideurs militaires algériens de cette époque ?

    Dès son retour en Algérie, Mohamed Boudiaf a rapidement compris qu’il dérangeait sérieusement le système établi depuis longtemps par les généraux. Ils pensaient avoir affaire à une potiche. Dès son installation à la tête de l’Etat, il se donna pour objectif de s’informer afin d’établir un profond diagnostic. D’abord combattre la corruption qui a gangrené la société et qui continue encore aujourd’hui à ravager l’Algérie. Comprenant parfaitement le peuple algérien, il était convaincu que tout projet de société devait émaner des citoyens, et l’Algérie avait besoin d’un projet qui n’existait ni au FLN ni au FIS. Le pays avait besoin d’un projet qui devait jaillir des tréfonds du peuple. Voila à mon sens sens la raison de son assassinat.

    Pensez-vous vraiment que le sous-lieutenant Lembarek Boumaârafi est celui qui a fomenté cet assassinat ?

    Boumaârafi n’est que l’exécutant de la sale besogne. Les commanditaires sont toujours protégés par l’injustice.

    L’Algérie aurait-elle pu mettre fin aux horreurs de la décennie noire, si votre père avait continué sa mission à la tête de l’Etat algérien ?

    Et comment ! Boudiaf allait réussir, mais les décideurs l’ont empêché d’accomplir sa dernière mission. Une fois éliminé, sa stratégie a été très vite abandonnée par ses successeurs. Les conséquences sont connues : 250 000 morts, des milliers de disparus et des milliards de dégâts matériels, sans oublier l’ assassinat de l’Homme, l’ancien coordinateur du déclenchement de la Révolution du 1er novembre 1954. Quel gâchis !

    Si Mohamed Boudiaf était encore Président, comment, selon vous, aurait-il réagi face aux scandales de corruption et de détournement des richesses qui bouleversent les Algériens ?

    Boudiaf n’a jamais caché son aversion pour la corruption. D’ailleurs, c’était son thème de prédilection. Il disait que “notre crédibilité dépend de notre lutte contre la corruption”. Boudiaf n’aurait jamais accepté de voir les voleurs se pavaner en toute tranquillité et impunité à Paris et ailleurs.

    Durant les jours qui ont précédé la mort de votre défunt père, vous a-t-il confié ses angoisses, ses peurs, ses espoirs ou ses rêves ? Et Aujourd’hui, en 2015, qu’espérez-vous et qu’attendez-vous des Algériens ? Quel hommage voulez-vous qu’ils rendent à la mémoire de votre regretté père ?

    Mohamed Boudiaf était convaincu qu’il allait réussir là ou tous ses prédécesseurs ont échoué. Mohamed Boudiaf faisait confiance à son entourage, qui malheureusement n’a pas été à la hauteur de la mission. Le meilleur hommage que les Algériens pourraient rendre à mon père, c’est sans conteste la concrétisation du projet du Rassemblement Patriotique, avec comme devise : “l’Algérie avant tout” ! Je lance un appel à tous les Algériens, qui aspirent à vivre dignement dans ce pays, à m’aider a concrétiser ce projet salutaire pour notre pays. Je profite enfin de cette occasion pour souhaiter à tous les Algériens un Ramadhan moubarek
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