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Le retour de la crise de l’euro

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  • Le retour de la crise de l’euro

    « Il n’y a plus de triomphalisme à l’Institute of International Finance. Le niveau absurde des taux d’intérêt à cause des interventions massives des banques centrales. L’horizon reste bouché et le brouillard entoure les marchés internationaux.

    Dans sa lettre au FMI, l’IIF pointe sur ce risque d’un monde financier qui ne peut continuer à se développer dans un environnement de taux aussi bas. Les risques associés à cet environnement ne sont pas suffisamment analyses. C’est en effet une « première » dans un mode plus habitué à agir contre des taux trop élevés.

    Cela repose toute la question de l'intervention massive des banques centrales. »

    Georges Ugeux, La mondialisation financière est-elle incontrôlable ?, 20 avril 2015


    L’Euro a, de mars 2011 à septembre 2012, traversé une crise soigneusement cachée par les médias économiques français.

    Au cours de cette période, les taux des obligations d’Etat, au Portugal, en Espagne, et même en Italie se sont envolés comme autant de corbeaux (cela, les médias économiques français n’ont pas pu le cacher), mais ce qui suit, le lecteur des médias français ne pouvait pas le savoir.

    Ainsi, les entreprises ont vidé leurs dépôts bancaires au Portugal, en Espagne, en Italie pour les replacer dans la sûreté des refuges d’Allemagne et d’Europe du Nord.

    Tout s’est passé comme si un Euro espagnol ou italien était moins sûr qu’un Euro allemand. Ainsi donc, les trésoreries des entreprises ont quitté un midi incertain pour un nord rassurant.

    Avec l’arrivée de Mario Draghi, très digne ancien partenaire de Goldman Sachs, la Banque centrale européenne (BCE) est intervenue pour noyer la crise sous les Euros.

    Tout d’abord, la BCE a tenté un « LTRO » (« Long term refinancing operations », prêts à long terme accordés aux banques par la BCE) sous la forme de crédits à trois ans accordés aux banques pour un montant de 1100 milliards € à destination surtout des banques espagnoles, italiennes, grecques et portugaises.

    …Et pourtant, cinq mois après, les ânes et les banquiers avaient toujours soif.

    En fait, la crise de l’Euro a été douchée par le « QE3 » (Quantitative Easing 3) de la Federal Reserve américaine.

    Peu après le martial discours de Mario Draghi : « Je ferai ce qu’il faut pour maintenir l’Euro et croyez-moi cela suffira », en septembre 2012, la Federal Reserve décide d’acquérir chaque mois pour 40 milliards $ de Bons du Trésor américain et 45 milliards $ de titres hypothécaires dits de 1ère catégorie.

    Elle a continué jusqu’à une fin progressive de mars 2014 à octobre 2014.

    Mario Draghi a eu du nez…le nez de Goldman Sachs !

    Le fait est que les actifs au bilan de la Federal Reserve sont passés de 2700 à 4500 milliards $. La fin progressive du QE3 de la Federal Reserve s’est suivie d’une nervosité des traders et investisseurs proche de la panique.

    En janvier 2015, tous les experts financiers à Wall Street et à la City proclamaient que la BCE allait acquérir pour au moins 1000 milliards € de titres financiers.

    C’est dire que sans la décision de Mario Draghi d’acquérir pour 1000 milliards € de titres financiers divers à raison de 60 milliards € par mois d’ici juillet 2016, la panique aurait plongé les marchés dans une crise financière majeure. Ainsi, la BCE a relayé la Federal Reserve avec un « QE4 » de fait.

    Aujourd’hui, les traders et investisseurs sur les marchés prennent leurs décisions sur leur perception des politiques futures des deux Banques Centrales. Il parie que la Federal Reserve ne remontera pas ses taux de plus de 0,25% d’ici la fin 2015, et qu’en 2016, la hausse des taux ne dépassera pas 1%.

    Quant à Mario Draghi, le virtuose de Goldman Sachs qui sait murmurer à l’oreille des marchés, il a déjà promis de continuer ses acquisitions de titres financiers divers au-delà de septembre 2016, et au-delà du rythme mensuel de 60 milliards € si cela est nécessaire.

    Les marchés devraient être rassurés, cependant il se révèle que les Banques Centrales vont au-delà du soutien des marchés, elles sont devenues les marchés : si elles cessent leurs « QE », elles font baisser les cours ; si elles maintiennent leurs « QE », elles font monter les cours.

    Et pourtant, malgré le soutien décidé de Mario Draghi, le retour de la crise de l’Euro redevient très vraisemblable.

    A force de payer, avec une baisse de 25% du PIB, une hausse du chômage au-delà de 27%, le poids des crédits du FMI, de la BCE et du Fonds Européen de Stabilité Financière, l’enthousiasme des Grecs à suivre fait peine à voir. Ils n’ont pour perspective qu’une croissance sans fin de l’austérité pour assurer le service de dettes qu’ils ne pourront jamais payer.

    Les négociations entre Grecs et Européens (en fait, l’Allemagne et ses petits chiens de garde) se passent mal. Les délégués grecs sont des Professeurs d’Université de très haut niveau qui méprisent quelque peu les diplômés européens des écoles de commerce, elles sont rentrées dans un poker infernal à dégoûter les professionnels américains.

    Les Derringers (petit pistolet de poche) ont disparu des manches de chemise mais un « Grexit » (sortie de la Grèce) par accident semble devenir une hypothèse très probable. Serait-ce la catastrophe annoncée (et rêvée par nos économistes libéraux) pour la Grèce ?

    En fait, un retour à l’Eurodrachme (plus facile qu’à la drachme) ne semble pas irréalisable. Avec le passage de l’Euro à l’Eurodrachme, donc avec la dévaluation qui va ensemble, le tourisme grec devient compétitif, de même que l’agriculture et l’agroalimentaire. De toute façon, les Grecs ne pourront jamais payer leurs dettes.

    Par contre, ils seront obligés de payer cash, « au *** du camion », avec peut-être quelques crédits commerciaux géopolitiques (moins de 90 jours) accordés par le Président Poutine, sous forme de gaz et de pétrole.

    Ne pas payer ses dettes et redevenir compétitif, c’est cynique, mais possible, cela pourrait servir d’exemples à quelques autres sorties de l’Euro, de Syriza à Podemos. C’est oublier qu’une dévaluation ne réussit que pour autant qu’elle est austère.

    Les modèles modernes de dévaluation réussis dans les années 90, s’appellent le Canada (- 20%), la Suède et la Finlande (entre -27 et -32%). La hausse « mécanique » des prix dans l’année qui a suivi n’a pas dépassé 5%, mais par contre les « réformes de structure » et les économies budgétaires ont été féroces. L’économie est repartie de l’avant, les Canadiens vivent toujours mieux que les Américains, et les modèles sociaux scandinaves n’ont pas été détruits. Ce pourraient être d’excellents modèles pour la France.

    Hélas, les Grecs de Syriza (et les Espagnols de Podemos) ne se placent pas dans cette logique. Ils vont relancer des distributions sociales massives, financées par des taxes sur les entreprises, d’où une forte renaissance d’une fraude fiscale à grande échelle, qui n’avait d’ailleurs pas vraiment disparue. Cela s’appelle une dévaluation ratée avec une forte inflation plus que prévisible, accompagnée de la fuite des capitaux et des entreprises. Et c’est extrêmement difficile à rattraper.

    Toutefois, le « Grexit » va renouveler la crise de l’Euro. Si la Grèce quitte l’Euro, traders et investisseurs en vont déduire que d’autres pays pourront suivre, et d’abord les plus faibles, le « Club Med » et ses PIGS (Portugal, Italie, Grèce et Espagne). Et après l’Italie, Chut !

    Lorsqu’un tel problème se pose, traders et investisseurs préfèrent s’en aller d’abord avant d’être coincés par la crise. En conséquence, ils chercheront tous à fuir, d’où de belles paniques avec des vendeurs sans acheteurs. Déjà, les obligations d’Etat portugaises, espagnoles et italiennes voient leurs taux remonter plus vite que les taux allemands. Donc les écarts s’élargissent entre les taux allemands et ceux de l’Europe du midi.

    Le canari chante dans la mine… Les fonds de trésorerie des entreprises qui, depuis septembre 2012, revenaient en partie dans les banques d’Espagne et d’Italie, risquent fort de repartir.

    Des taux d’obligations qui montent, des dépôts d’entreprises dans les banques qui fuient, c’est le retour de la crise de l’Euro de 2011-2012.

    Signe des temps, la BCE intervient déjà pour acquérir sur les marchés « secondaires » les titres d’Etat déjà émis par le Portugal, l’Espagne et l’Italie. La BCE accroît ses crédits aux banques nationales du Portugal, d’Espagne et d’Italie pour que ces Banques nationales refinancent les systèmes bancaires de ces pays.

    En « novlangue » européenne, cela s’appelle les « targets ».

    Le target de la Bundesbank est positif à plus de 1000 milliard €, c’est-à-dire que la Bundesbank est créditrice de plus de 1000 milliards € sur la BCE. En contrepartie, la BCE prête autant aux Banques nationales grecques (target négatif de 100 milliards € non compris un ELA (Emergency Liquidity Assistance, soutien exceptionnel à la liquidité bancaire) 89 milliards € à la Grèce), ainsi qu’aux Banques nationales portugaises, espagnoles, italiennes et irlandaises.

    Evidemment les emprunteurs sur les targets sont toujours les mêmes, ce qui voudrait dire qu’au nom de la morale européenne, la confiance allemande est toujours bien placée.

    (Si vous devez 1 million € à votre banquier allemand, vous ne dormez pas, si vous devez 1000 milliards € aux Allemands, c’est eux qui ne dorment pas)… L’ennui, c’est que la fourmi Souabe n’est pas prêteuse, et quand elle s’apercevra qu’Angela Merkel a prêté à sa place 1000 milliards € à Mario Draghi, il ne restera plus qu’à chanter « Qu’allons-nous faire dans cette galère ? ». (Molière, Les Fourberies de Scapin)

    Devant tout cela, sur les marchés, traders et investisseurs commencent à se méfier. Ceux qui partent en premier sauvent leur mise, après c’est trop tard, et personne ne souhaite être trop tard.

    Si cela se passe, la BCE aura fort à faire, très fort à faire, souhaitons-lui une fourmi Souabe charitable… Et comme le chantait le poète : « Levez-vous, Orages désirés ».

    Morad EL HATTAB & Philippe JUMEL

    Auteurs du livre Les Mécanismes de la crise (Ed. Perspectives Libres, janvier 2015)

    Agora Vox
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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