Ramadhan oblige, les Algériens de France, pour la plupart sont rentrés au bled. Mais ceux qui ont fait le choix de rester, bien que rongés par le mal du pays, tentent de créer une ambiance typiquement ramadhanesque, même au pays de Napoléon Bonaparte.
Fini le temps des premiers maçons, migrants en France, qui rentraient chez eux, éreintés et avaient à peine la force de s'agenouiller pour prier. Les pratiques religieuses étaient discrètes.
Les temps ont bien changé. 50 ans après, l'islam s'est déployé dans toute la France, où Paris et Marseille deux villes, sont portées par la deuxième génération, puis la troisième, celle de l'Internet, qui s'est familiarisée avec le Prophète (Qsssl) pendant que les salles de prière fleurissent. 70 lieux de culte et 600.000 musulmans: à l'heure où le mois de Ramadhan est dans sa deuxième quinzaine, c'est un pan de la population de France qui a jeûné. Avec un défilé permanent de jeunes vers les mosquées. «Les jeunes sont très nombreux c'est vrai, note l'imam de la mosquée des Bleuets, aux Oliviers (Marseille XIIIe). Le nombre a augmenté depuis 2007. Peut-être parce qu'il y a eu plus de prédicateurs.» Les Algériens de France sont très nombreux à se rendre aux mosquées en quête de spiritualité. C'est dire que les Algériens sont des milliers à jeûner et à pratiquer les dogmes de leur religion.
Au-delà de la masse de fidèles, le Ramadhan a une particularité cette année, car il répond à un calendrier lunaire et décale aussi dans le temps, il intervient cette année dans une période où les journées sont plus chaudes et plus longues de 4h30 à 21h30. Du coup, le jeûne dure environ 17h contre à peu près neuf en hiver (de 8h à 17h).
Le jeûne donc passe bien, une plaisanterie, en décembre et un vrai sacrifice en été. A Marseille où on va transformer quelques habitudes et même changer la physionomie de certains secteurs. Question d'habitude, les ouvriers modifient leur emploi du temps pour ne pas défaillir, écrasés par le soleil. Selon un responsable d'une société de construction BA: «Près de 70% des ouvriers sont des musulmans pratiquants. Alors, on change les horaires de travail. On commence à 6 h et on finit à13 h. Après, il fait trop chaud, c'est trop dur de travailler», a expliqué notre interlocuteur.
La «petite Algérie» de la cité phocéenne
Et d'ajouter: «Puis, en finissant à 13h, les ouvriers peuvent aller à la prière. Et ça arrange aussi ceux qui ne sont pas musulmans parce qu'ils ont l'après-midi de libre.» Autre phénomène qui se produit lorsque survient le Ramadhan entre juin et juillet, les plages se vident de leurs baigneurs.
A la Pointe Rouge, la plage des prophètes entre autres plages du littoral marseillais, il a été enregistré une baisse des baigneurs à hauteur de 30%, soit environ un million de baigneurs de moins entre juin et juillet. En revanche, les nuits vont être un peu agitées dans les cités. Car à 22h, on attaque la chorba, le bourek et autres plats traditionnels. Avant de sortir dans les cités qui s'égayent, avec les jeunes qui se regroupent et parlent de leur journée torride, pendant que les fidèles se rendent aux lieux de culte pour accomplir la prière des tarawih. En effet, au bled comme en outre-mer, le mois sacré reste le mois des coutumes religieuses et culinaires qui se perpétuent même à des milliers de miles.
Ménilmontant, ou le «Bab El Oued» parisien
Les pratiques commerciales, elles aussi sont soumises aux traditionnels caprices du jeûne. Les Algériens de Marseille et de Paris ont instauré, voire imposé une ambiance ramadhanesque, typiquement algérienne.
Ménilmontant, le Bab El Oued du coeur de Paris, coule cahin-caha les derniers jours d'un Ramadhan réussi comme une parenthèse de vie moulée tant aux vertus de la spiritualité qu'aux attaches sociales et culturelles du pays d'origine. En cette période où la montée de l'islamophobie stigmatise les musulmans de France, «on ne se serait jamais douté que l'on puisse passer un Ramadhan aussi merveilleux que celui de cette année», affirme Amina, la vendeuse du seul kiosque à journaux de la station Belleville. Elle éprouve un plaisir à commenter «le retour à la spiritualité dont fait montre la foule dense et nonchalante du marché de la station Belleville. Comme tous les jours, le marché bat son plein. Les odeurs d'épices, les couleurs chatoyantes, les produits «qui viennent de là-bas, de chez-nous» le fourmillement de la foule et le brouhaha d'un marché où la vente à la criée laisse quand même discerner un méli-mélo de chansons malouf et chaâbi fusant d'un peu partout, font dire aux visiteurs que c'est tout «Bab El Oued qui est là». Le long du boulevard de Belleville, les commerces composent une fresque très colorée d'activités. Depuis la grande restauration spéciale «chakhchoukha»,
couscous comme à la ville des Jujubes, jusqu'à la vente de galette, de feuilles de diouls, en passant par la vente de «z'labia», des commerces qui rivalisent avec les bazars environnants où les tapis orientaux, ustensiles de cuisines et autres produits côtoient les dunes d'épices, de fruits secs. Sur les trottoirs, une file de vendeurs occasionnels font valoir les saveurs des produits faits maison, surtout «khobz eddar» le pain de maison, les «m'hadjeb» crêpes farcies ou encore l'incontournable et l'inimitable traditionnel «kalb ellouz». Des produits du terroir qui se vendent trop bien. El Hachemi, un Algérien vivant depuis plus de 30 ans en France, fait un tour au marché, où il sent la particularité du mois sacré. «Ramadhan a la particularité de me redonner les repères culturels dont on a nécessairement besoin», nous confie-t-il. Selon lui c'est pour voir mieux, pour voir loin, au- delà du mur. «Tous ces gens, cette ambiance, ces odeurs et couleurs c'est un peu moi qui vis», dit-il. Tout ce décor, cette ambiance et senteurs ravivent également la rue descendant la rue Timbaud, où le négoce traditionnel est le décor omniprésent, pour ces scènes anodines qui illustrent le profond lien social propre à la communauté algérienne. Sur les étals des magasins, des berthes de grand format (pot en fer blanc) de «l'ben», de «raïb» et de beurre traditionnel. Le commerce des dérivés du lait fait fortune, notamment au mois de Ramadhan. Selon un commerçant de cette rue, ces produits sont frais et de bonne qualité «ils sont produits dans une ferme proche de Paris», assure le vendeur. Si le marché de Ménilmontant est le «Bab El Oued» de Paris, il en est de même pour le marché des Capucins.
«Aâtini kilo degla men hadi», insiste une cliente, une brune habillée d'une djelabba noire. Haroun s'exécute l'air bougon et lui tend une boîte de dattes (Tolga): «Je t'aurais prévenue, elles ne sont pas encore taïbin», (mûres) lui dit le vendeur. Mi-français, mi-arabe ici on se hèle, on se tutoie et on se dispute. C'est tout comme le marché d'El Hattab, situé au centre-ville de Annaba. Les Capucins est aussi au coeur de Marseille, un espace où la datte algérienne trône sur les étals à fruits.
Les Capucins ou El Hattab de la Coquette
Originaire de Annaba, Farouk cheveux grisonnants, passe son 15e Ramadhan à Marseille, derrière ses étals à fruits et légumes. Il est donc rompu à l'exercice. «J'ai fait le plein de coriandre, de menthe, de persil et de fruits secs´´, raconte ce primeur, qui tient boutique à l'angle entre la rue du marché des Capucins et la rue Papère. Mais cet après-midi, ça ne se bouscule pas devant les marchandises de Farouk. «C'est comme ça pendant le Ramadhan à Marseille. Les familles pour la plupart repartent au bled pour être en famille.» Et d'ajouter avec un brin de nostalgie au bout de la voix: «Le commerce ralentit quelque peu. Ceux qui restent ne font pas leurs courses avant 17h», note ce primeur annabi. Le marché de Noailles se la coule douce jusqu'à l'approche du Maghreb, explique Farouk. Mais quelques minutes avant la tombée de la nuit, les jeûneurs marseillais déferlent par centaines sur la place des Capucins à la recherche de l'ingrédient qui manque à leur recette. «Le rythme est complètement inversé pendant le Ramadhan», fait valoir notre interlocuteur. En ajoutant que c'est à l'approche du f'tour que les jeûneurs viennent faire leurs achats.
Autre constat de changement durant le mois de Ramadhan en France, la vente des pâtisseries orientales, chose qui ne se fait pas tout au long de l'année. Et aussi les variétés de pain ne sont pas les mêmes. «Durant le mois sacré, on diminue la quantité de baguette française, qui se vend mal en cette période et on propose du pain brioché pour le s'hour», nous a précisé un boulanger. Dans le quartier de Noailles, la boulangerie du marché des Capucins n'est pas la seule à s'adapter au mois de jeûne. Nombreux, les snacks autour de la place du marché ne servent plus des sandwichs et pizzas mais des gâteaux traditionnels. Ils transforment leurs commerces en cuisine où ils y préparent des plateaux entiers de (baklawa), (makrout) et (taminette elouz) entre autres gâteaux traditionnels, avant de les vendre à l'entrée de snacks et de fast-foods. Ainsi, de Annaba à Marseille et d'Alger à Paris, le décor et l'ambiance ramadhanesques, semblent bien importés de l'autre côté de la Méditerranée, jusque dans le moindre détail.
Fini le temps des premiers maçons, migrants en France, qui rentraient chez eux, éreintés et avaient à peine la force de s'agenouiller pour prier. Les pratiques religieuses étaient discrètes.
Les temps ont bien changé. 50 ans après, l'islam s'est déployé dans toute la France, où Paris et Marseille deux villes, sont portées par la deuxième génération, puis la troisième, celle de l'Internet, qui s'est familiarisée avec le Prophète (Qsssl) pendant que les salles de prière fleurissent. 70 lieux de culte et 600.000 musulmans: à l'heure où le mois de Ramadhan est dans sa deuxième quinzaine, c'est un pan de la population de France qui a jeûné. Avec un défilé permanent de jeunes vers les mosquées. «Les jeunes sont très nombreux c'est vrai, note l'imam de la mosquée des Bleuets, aux Oliviers (Marseille XIIIe). Le nombre a augmenté depuis 2007. Peut-être parce qu'il y a eu plus de prédicateurs.» Les Algériens de France sont très nombreux à se rendre aux mosquées en quête de spiritualité. C'est dire que les Algériens sont des milliers à jeûner et à pratiquer les dogmes de leur religion.
Au-delà de la masse de fidèles, le Ramadhan a une particularité cette année, car il répond à un calendrier lunaire et décale aussi dans le temps, il intervient cette année dans une période où les journées sont plus chaudes et plus longues de 4h30 à 21h30. Du coup, le jeûne dure environ 17h contre à peu près neuf en hiver (de 8h à 17h).
Le jeûne donc passe bien, une plaisanterie, en décembre et un vrai sacrifice en été. A Marseille où on va transformer quelques habitudes et même changer la physionomie de certains secteurs. Question d'habitude, les ouvriers modifient leur emploi du temps pour ne pas défaillir, écrasés par le soleil. Selon un responsable d'une société de construction BA: «Près de 70% des ouvriers sont des musulmans pratiquants. Alors, on change les horaires de travail. On commence à 6 h et on finit à13 h. Après, il fait trop chaud, c'est trop dur de travailler», a expliqué notre interlocuteur.
La «petite Algérie» de la cité phocéenne
Et d'ajouter: «Puis, en finissant à 13h, les ouvriers peuvent aller à la prière. Et ça arrange aussi ceux qui ne sont pas musulmans parce qu'ils ont l'après-midi de libre.» Autre phénomène qui se produit lorsque survient le Ramadhan entre juin et juillet, les plages se vident de leurs baigneurs.
A la Pointe Rouge, la plage des prophètes entre autres plages du littoral marseillais, il a été enregistré une baisse des baigneurs à hauteur de 30%, soit environ un million de baigneurs de moins entre juin et juillet. En revanche, les nuits vont être un peu agitées dans les cités. Car à 22h, on attaque la chorba, le bourek et autres plats traditionnels. Avant de sortir dans les cités qui s'égayent, avec les jeunes qui se regroupent et parlent de leur journée torride, pendant que les fidèles se rendent aux lieux de culte pour accomplir la prière des tarawih. En effet, au bled comme en outre-mer, le mois sacré reste le mois des coutumes religieuses et culinaires qui se perpétuent même à des milliers de miles.
Ménilmontant, ou le «Bab El Oued» parisien
Les pratiques commerciales, elles aussi sont soumises aux traditionnels caprices du jeûne. Les Algériens de Marseille et de Paris ont instauré, voire imposé une ambiance ramadhanesque, typiquement algérienne.
Ménilmontant, le Bab El Oued du coeur de Paris, coule cahin-caha les derniers jours d'un Ramadhan réussi comme une parenthèse de vie moulée tant aux vertus de la spiritualité qu'aux attaches sociales et culturelles du pays d'origine. En cette période où la montée de l'islamophobie stigmatise les musulmans de France, «on ne se serait jamais douté que l'on puisse passer un Ramadhan aussi merveilleux que celui de cette année», affirme Amina, la vendeuse du seul kiosque à journaux de la station Belleville. Elle éprouve un plaisir à commenter «le retour à la spiritualité dont fait montre la foule dense et nonchalante du marché de la station Belleville. Comme tous les jours, le marché bat son plein. Les odeurs d'épices, les couleurs chatoyantes, les produits «qui viennent de là-bas, de chez-nous» le fourmillement de la foule et le brouhaha d'un marché où la vente à la criée laisse quand même discerner un méli-mélo de chansons malouf et chaâbi fusant d'un peu partout, font dire aux visiteurs que c'est tout «Bab El Oued qui est là». Le long du boulevard de Belleville, les commerces composent une fresque très colorée d'activités. Depuis la grande restauration spéciale «chakhchoukha»,
couscous comme à la ville des Jujubes, jusqu'à la vente de galette, de feuilles de diouls, en passant par la vente de «z'labia», des commerces qui rivalisent avec les bazars environnants où les tapis orientaux, ustensiles de cuisines et autres produits côtoient les dunes d'épices, de fruits secs. Sur les trottoirs, une file de vendeurs occasionnels font valoir les saveurs des produits faits maison, surtout «khobz eddar» le pain de maison, les «m'hadjeb» crêpes farcies ou encore l'incontournable et l'inimitable traditionnel «kalb ellouz». Des produits du terroir qui se vendent trop bien. El Hachemi, un Algérien vivant depuis plus de 30 ans en France, fait un tour au marché, où il sent la particularité du mois sacré. «Ramadhan a la particularité de me redonner les repères culturels dont on a nécessairement besoin», nous confie-t-il. Selon lui c'est pour voir mieux, pour voir loin, au- delà du mur. «Tous ces gens, cette ambiance, ces odeurs et couleurs c'est un peu moi qui vis», dit-il. Tout ce décor, cette ambiance et senteurs ravivent également la rue descendant la rue Timbaud, où le négoce traditionnel est le décor omniprésent, pour ces scènes anodines qui illustrent le profond lien social propre à la communauté algérienne. Sur les étals des magasins, des berthes de grand format (pot en fer blanc) de «l'ben», de «raïb» et de beurre traditionnel. Le commerce des dérivés du lait fait fortune, notamment au mois de Ramadhan. Selon un commerçant de cette rue, ces produits sont frais et de bonne qualité «ils sont produits dans une ferme proche de Paris», assure le vendeur. Si le marché de Ménilmontant est le «Bab El Oued» de Paris, il en est de même pour le marché des Capucins.
«Aâtini kilo degla men hadi», insiste une cliente, une brune habillée d'une djelabba noire. Haroun s'exécute l'air bougon et lui tend une boîte de dattes (Tolga): «Je t'aurais prévenue, elles ne sont pas encore taïbin», (mûres) lui dit le vendeur. Mi-français, mi-arabe ici on se hèle, on se tutoie et on se dispute. C'est tout comme le marché d'El Hattab, situé au centre-ville de Annaba. Les Capucins est aussi au coeur de Marseille, un espace où la datte algérienne trône sur les étals à fruits.
Les Capucins ou El Hattab de la Coquette
Originaire de Annaba, Farouk cheveux grisonnants, passe son 15e Ramadhan à Marseille, derrière ses étals à fruits et légumes. Il est donc rompu à l'exercice. «J'ai fait le plein de coriandre, de menthe, de persil et de fruits secs´´, raconte ce primeur, qui tient boutique à l'angle entre la rue du marché des Capucins et la rue Papère. Mais cet après-midi, ça ne se bouscule pas devant les marchandises de Farouk. «C'est comme ça pendant le Ramadhan à Marseille. Les familles pour la plupart repartent au bled pour être en famille.» Et d'ajouter avec un brin de nostalgie au bout de la voix: «Le commerce ralentit quelque peu. Ceux qui restent ne font pas leurs courses avant 17h», note ce primeur annabi. Le marché de Noailles se la coule douce jusqu'à l'approche du Maghreb, explique Farouk. Mais quelques minutes avant la tombée de la nuit, les jeûneurs marseillais déferlent par centaines sur la place des Capucins à la recherche de l'ingrédient qui manque à leur recette. «Le rythme est complètement inversé pendant le Ramadhan», fait valoir notre interlocuteur. En ajoutant que c'est à l'approche du f'tour que les jeûneurs viennent faire leurs achats.
Autre constat de changement durant le mois de Ramadhan en France, la vente des pâtisseries orientales, chose qui ne se fait pas tout au long de l'année. Et aussi les variétés de pain ne sont pas les mêmes. «Durant le mois sacré, on diminue la quantité de baguette française, qui se vend mal en cette période et on propose du pain brioché pour le s'hour», nous a précisé un boulanger. Dans le quartier de Noailles, la boulangerie du marché des Capucins n'est pas la seule à s'adapter au mois de jeûne. Nombreux, les snacks autour de la place du marché ne servent plus des sandwichs et pizzas mais des gâteaux traditionnels. Ils transforment leurs commerces en cuisine où ils y préparent des plateaux entiers de (baklawa), (makrout) et (taminette elouz) entre autres gâteaux traditionnels, avant de les vendre à l'entrée de snacks et de fast-foods. Ainsi, de Annaba à Marseille et d'Alger à Paris, le décor et l'ambiance ramadhanesques, semblent bien importés de l'autre côté de la Méditerranée, jusque dans le moindre détail.
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