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Qui parmi les sachants sur FA peut se devouer pour presenter l'histoire de l'Ibadisme algerien ?

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  • Qui parmi les sachants sur FA peut se devouer pour presenter l'histoire de l'Ibadisme algerien ?

    Une petite synthese en faisant aussi la presentation d'Ibn Rostom ( Un membre de FA a demandé ) et les conflits entre obediences musulmanes en Afrique du Nord..ayant poussé les ancêtres de ces Algeriens de souche que sont les Mozabites à fuir la region de Tiaret (Sersou) pour aller dans le Sahara...où, près d'une oasis, ils bâtirent des cités.....

    Merci d'avance...

    Y a déjà pas mal de problèmes pour en plus , laisser les ignorants ou les mal intentionnés (wahaby appelant à la condamnation des Ibadites dans des TV et sur le net) semer plus de troubles encore et de malheurs .
    Discussions théologiques OK, mais négation des personnes Algériennes ibadites..Niet !.....Et ce devrait être direct : les menottes et condamnation pénale pour atteinte aux intérêts supérieurs de la Nation et apologie de la violence.

    La police algérienne aurait, selon El Watan, commencé la chasse aux internautes qui attisent le feu au Mzab ..( arrestations de facebookers Algeriens en Algerie ce jour)
    Dernière modification par Sioux foughali, 10 juillet 2015, 23h42.

  • #2
    Bonsoir Sioux Foughali,

    Je ne suis pas expert mais ce que je peux dire et qui est connu c'est que les Mozabites ont été les premiers à habiter cette région.

    A l'origine ils faisaient partie de la grande tribu Berbère des Zenetes (Iznaten) à l'Ouest du pays. Ils habitaient Tiaret, qui était la capitale de leur royaume Rostemide. Mais en l'an 909 un feu a totalement ravagé la ville. Il a toujours été fortement soupçonné que le feu était d'origine criminelle et instigué par Abou Abdallah Al Chii l'homme fort des Fatimides, qui venaient de créer leur dynastie cette année là et d'instaurer Abou Mahmoud Abdallah El Mehdi comme premier khalif Fatimide.

    Les Fatimides était une dynastie Chiite nouvelle qui est allé conquérir le reste de l'Afrique du Nord, pour réformer l'empire Islamique qui était perçu comme injuste. Il ont adopté le dogme Chiite et vont arriver en Egypte grâce notamment aux troupes de la tribu des Koutama en Algérie. Arriver en Egypte, ils pillent les pyramides (notamment les blocs de façades lisses de ces dernières) et fondent Le Caire au passage.

    Bref, c'est donc en 909, avec l'avénement des Fatimides que les Mozabites quittent Tiaret suite à son incendie et aux attaques incessantes qui le suivirent et se déplacent à Sedrata près de Ouargla.

    C'est là, que les Mozabites font la rencontre de Cheikh Abou Yacoub Al Ouargli qui leur enseigne le rite Ibadite. Deux cheikhs Mozabite (cheikh Ammi Brahim et Ba Abderahamane El Kourthi) adoptent le rite Ibadite et entrainent avec eux les Mozabites dans cette école.

    Entre temps au nord du Maghreb, les Fatimides ont laissé derrière des familles régnantes qui étaient Chiite comme eux: les Zirides, dont l'un des princes Bologhine Ibn Dziri a laissé son nom à Alger (et par extension plus tard à tout le pays). En 1048/1049, les Dzirides ont la merveilleuse idée de renier les Fatimides, prêtent allégeance au Khalife Abbasside à Baghdad, et décident de revenir à la Sunna du Prophète (QSSL).

    Échaudé par la persécution, et connaissant les capacités de représailles des Fatimides, les Mozabites décident de migrer la même année encore plus au Sud afin d'éviter les problèmes. Ils décident de se sédentariser dans la vallée du Mzab la même année en 1048 et fondent Ghardaia, la capitale du Mzab puis 4 autres villes: Beni Izguen, Melika, Bou Noura et Al Atteuf. Cela leur a pris environ 50 ans et vers 1100, les Mozabites étaient fermement établis dans la vallée.

    Leur calcul avait était judicieux: la réponse des Fatimides au reniement des Dzirides fut féroce : l'envoi d'une tribu Arabe bédouine sauvage composée de 6 grande familles qui avait carte blanche pour raser et piller partout au Maghreb. En 1054 cette tribue arrive à Tunis et la saccage.

    Sedrata à coté de Ouargla ou était précédemment établi les Mozabites avant de déménager dans la vallée du Mzab a été pillée de manière féroce au point de disparaître vers 1130 : aujourd'hui il en reste encore ses ruines qui sont un lieu de pèlerinage pour les Mozabites. Mais la vallée du Mzab était suffisamment isolée et bien défendue pour les prémunir des Banu Hilal.

    En 1185, les Banu Hilal font l'erreur de se révolter contre les Mouahidines, nouvel empire fort de la région. Les armées des Mouahidines leur infligent une défaite à Sétif et les poursuivent jusqu'à Tebessa. Après les avoir massacré en bonne partie, leur avoir enlevé une bonne partie de leur troupeau et de leur femmes, les Mouahidines s’arrêtent.

    C'est alors que les Banu Hilal se mettent à nomadiser dans les hauts plateaux et à arrivant jusqu'à la vallée du Mzab. Là certains s'installent doucement à partir de 1220. Ils nomadisent autour de la vallée et utilise l'oued Metlili sans s'installer définitivement et les disputes entres Mozabites et ceux que l'on appellent aujourd'hui Chaamba commencent là. Il faut savoir que chez les Mozabites la propriété n'est pas la terre, mais l'eau. On ne divisait pas (jusqu'à très très récemment) la terre dans la communauté mais l'eau en quota. D’où les disputes autour de l'amont de l'oued Metlili de la vallée.

    En 1317, Cheikh Bouhafs, un savant venu de Labiod Sidi Cheikh s'installe au bord de l'oued Metlili et il est tout de suite adopté par les Mozabites qui voit en lui un homme sage et pieux. A son tour constatant que les Mozabites et les Chaambas se disputaient beaucoup il fait une proposition de paix entre d'un coté 3 chefs Chaambi: Bourouba, Hamadi et Berezka, et de l'autre coté Cheikh Sidi Aissa pour les Mozabites.

    La proposition de paix stipule que le groupe de Bourouba se déplace à Ourgla pour s'y installer, tandis que le groupe de Hamadi ira à Al Meneaa. Finalement le groupe de Berezqa s’installera à Metlili. Après que les 3 chefs Chaambi ont accepté, Cheikh Bouhafs propose alors à Cheikh Sidi Aissa des Mozabites que des familles Chaambi soient aussi déplacées de Metlili vers Melika et Al Atteuf, et que des familles Mozabites de déplacent vers Metlili au milieu des Chaamba afin de garantir la paix. Chacun "détiendra" en quelque sorte des familles des uns et des autres. Les Mozabites acceptent et c'est le premier accord de paix entre les 2 communautés: celui de 1317.

    En 1414, le Sultanat de Touggourt déclare son indépendance et s'appuie lourdement sur les Chaambi de Ouargla descendants du groupe de Bourouba pour faire régner son autorité. Cela n'impacte pas outre mesure la vallée du Mzab jusqu'à ce que Alger ne soit livrée au Ottomans et que ces derniers mènent une expédition punitive contre Touggourt en 1552 face à son refus de payer l’impôt.

    A partir de là les Chaambi se positionnent plutôt en opposition à l'autorité Ottomane et les Mozabites en font des alliés. Les disputes reprennent à l'avantage donc des Mozabites.

    A l'arrivée de la colonisation Française les liens entre les Mozabites et les Ottomans demeurent toujours très forts et ces derniers rejettent totalement la tutelle Française. Quand la France veut introduire la conscription les Mozabites rejettent cela arguant l'incompatibilité entre leur religion et le service militaire. Ils se proposent de payer en tant que communauté une taxe supplémentaire plutôt que de le faire. Les Chaamba quant à eux, acceptent la conscription et font des Français leur alliés et constituent même le gros des troupes supplétives de l'armée Française dans la région. La France leur donne en contrepartie le droit de faire des razzia en dehors du territoire Algérien et les Chaamba (vraiment désolé de le dire ainsi) retrouvent leur origine et mènent des razzias. Exemple: en 1889 ils mènent une razzia pour couper la route Tripoli-Kano entre le Nigeria et la Libye, avec l'aval de la France bien sur.

    En contrepartie, les Mozabites eux continuent à entretenir leur préférence pour l'Empire Ottoman. A titre d'exemple Slimane Al Barouni, sénateur Ottoman en Libye fait ses études à Beni Izguene chez le Cheikh Atfiache de 1895 à 1898. Le même Cheikh Atfiache ne reconnait pas l'autorité Française et par exemple en 1913 au crépuscule de sa vie, et lors de la visite du sous secrétaire d'état à l'intérieur de France Paul Morel, il exige que les fanions Français ne soient pas accroché sur les devantures des mosquées mais plutot sur les toilettes. Cela cause un scandale, et quand Cheikh Atfiache décede l'année suivante en 1914 le sénateur Ottoman Al Barouni se déplace au Mzab pour son enterrement, remet 70,000 Francs à la communauté et promet de plaider la cause de l'indépendance du Mzab chez les autorités Françaises. Cela fera que lors de l'invasion Italienne de la Libye le Mzab lèvera fonds et armes pour soutenir la résistance Libyenne.

    Bref, quand en 1954 la révolution est déclenchée les Mozabites participent avec leur argent à l'effort de guerre et donne même Moufdi Zakaria, auteur de Kassamane: l'hymne national. Les Chaambas se sont fait assez discret pendant cette période. Personne n'a retenu de grande participation de leur part à l'ALN ou au FLN. Cela dit, ils rejoignent au fil du temps comme tout le peuple Algérien la révolution et ne se rendent pas coupables de rejoindre en masse les harkis non plus.

    A l'indépendance l'état national ne connait pas son histoire, et ne fait pas dans le tribalisme ou l'ethnologie. Tout le monde est logé à la même enseigne et les efforts d'investissement sont destinés à tous. Les habitudes commencent à changer avec l'arrivée des pétro-dollars et on s'attache plus au partage de la terre que de l'eau avec les nouvelles machines permettant de creuser des puits toujours plus profonds. Dans ce contexte, avec l'officialisation par le cadastre Algérien progressivement de la propriété des terres sur lequel sont établis les Chaambas, et l'explosion démographique soutenue par l'argent du pétrole et les subventions, la tension monte.

    En 1985, les problèmes reprennent durant le Ramadhan Rouge quand les Mozabites et les Chaambis, chacun percevant de son coté que l'autre "grignote" trop de son espace vital: terre, eau, subvention, CEM, etc..

    A l’avènement du multipartisme, les Mozabites votent par opposition aux Chaambi, jusqu'aux victoires successives du RCD, puis du FFS dans la vallée. Le FIS, le FLN, le RND, etc.. sont rejeté.

    Voilà pour un tour de piste rapide. La manipulation politique des inconscients aidant (à l'image de Fekhar exclu carrément du FFS, de la LADDH pour ses positions pyromanes) la situation n'arrive pas à se calmer et l'état doit se débrouiller pour se faire l'allié des 2 parties: choses qui n'a jamais été aisée à travers les siècles.

    Voilà pour résumé rapide. J'ai du surement oublier plein de trucs.

    Saha shourkoum.
    Dernière modification par Alryib3, 11 juillet 2015, 03h36.

    ∑ (1/i²) = π²/6
    i=1

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    • #3
      Merci Alryib3 pour cette précieuse contribution.
      Je vois que t'as omis de citer un personnage très écouté des ibadites et très aimé par les malekites; cheikh Bayoud Allah yarhmou.

      Pour ceux qui aiment la lecture, je leur suggère:
      Livres des Beni Mzab - Chronique d'Abou Zakaria
      copier-coller le titre en gras et faites une recherche sur google livre
      Dernière modification par humani, 12 juillet 2015, 03h05.

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      • #4
        Les ibadites à l’origine de l’islamisation du Maghreb »
        Pierre-Philippe Rey (Professeur d’anthropologie à l’université Paris VIII)

        Interrogé en marge du colloque sur les « Savoirs et les sciences », organisé par l’Institut d’études avancées de Nantes et le CREAD, les 31 mai et 1er juin derniers à Tipaza, Pierre-Philippe, professeur d’anthropologie à l’université de Paris VIII et historien émérite, a bien voulu répondre aux questions portant sur l’islamisation du Maghreb à travers, notamment, le courant berbère ibadite qui avait réalisé au VIIIe siècle déjà le premier grand espace musulman dans cette région berbérophone. Il évoque les conflits récurrents entre les communautés mozabites et chaâmbas, qu’il se garde d’imputer à un différend d’ordre religieux mais beaucoup à des problèmes sociologiques.


        Dans les manuels scolaires, on fait rarement état du kharidjism notamment, sa composante ibadite comme étant à l’origine de l’islamisation des Berbères du Maghreb. On doit pourtant les premières conversions de berbères à l’Islam à des prédicateurs ibadites qui, du reste, jetteront les bases de l’imamat de Tihert (Tiaret), cette vaste communauté musulmane qui s’étendait sur patiquement tout le Maghreb et une partie de l’Afrique subsaharienne...

        Il est vrai que telle qu’enseignée en Algérie, l’histoire de l’islamisation du Maghreb est quelque peu tronquée. Dans la mémoire collective algérienne, l’islamisation du pays n’est généralement perçue qu’en tant que résultat des conquêtes de Okba Ibn Nafaâ. Mais en réalité, les choses ne se sont pas passées ainsi. Les conquérants notamment Okba Ibn Nafaâ, qui a tué au cours d’une bataille contre le chef berbère Kosseila, n’ont en vérité pas obtenu de résultat tangible en termes de propagation de l’Islam dans le Maghreb. L’islamisation des Berbères s’est en réalité faite contre ces conquêtes qu’ils sont parvenus à refouler dans un petite enclave située entre Kairouan, Sousse et un peu Tripoli, tombée entre les mains de conquérants orientaux qui formeront la dynastie aghlabide de Tunisie. Les faits historiques, qui ne sont malheureusement pas mis en évidence, montrent par contre que l’islamisation du Maghreb est indéniablement le fait de missionnaires d’un courant de l’Islam, en l’occurrence l’ibadisme qui existe toujours dans le M’zab algérien, à Djerba en Tunisie, au djebel Naffoussa en Lybie et à Zanzibar en Afrique. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, l’ibadisme n’est pas une branche du sunnisme ni même du chiisme, comme on aurait tendance à le croire, celle d’un tout autre courant religieux appelé kharidjisme.

        Mais d’où viennent tous ces courants qui se distinguent du sunnisme ?

        Tous ces courants viennent de la péninsule arabique. Ils ont pris racine au moment de la bataille pour le khalifat entre Ali et Mouaouïa. Certains vont suivre dans un premier temps Ali, mais lorsque ce dernier a accepté un compromis avec Mouaouïa, beaucoup sortiront des rangs d’Ali et prendront de ce fait le nom de kharidjites, dont l’ibadisme est la seule composante qui subsiste aujourd’hui. Ceux qui ont choisi de suivre Mouaouïa seront qualifiés de sunnites et les fidèles d’Ali de chiites.

        Lequel de ces trois courants est à l’origine de l’islamisation du Maghreb ?

        C’est le courant kharidjite et, plus précisément, sa composante ibadite qui entamera l’islamisation du Maghreb. Les premières conversions de Berbères à l’Islam seront entreprises par des prédicateurs ibadites, originaires de Basra (Irak), portant le nom très significatif de « propagateurs de la science ». Ils étaient peu nombreux, à peine 5 missionnaires, parmi lesquels figuraient le Persan Abderrahmane Ibn Rostom. Ils créeront l’imamat de Tihert, auquel s’allieront progressivement la totalité des Berbères du Maghreb, à l’exception, de ceux déjà soumis aux Aghlabides de Tunis et aux Abbassides de Fès. Il assoira son autorité politique et religieuse durant près de deux siècles sur un vaste territoire s’étalant du Maroc à la Tunisie, sans compter son influence sur les tribus d’Afrique sahelienne, fortement dépendantes du Maghreb, notamment sur le plan commercial. Ils imprégneront durablement les populations autochtones des rites musulmans, en général et de ceux, plus particuliers, propres au courant ibadites. Au VIIIe siècle déjà, on relevait une forte prégnance du culte ibadite sur les populations berbères, à tel point que cela avait posé problème au sunnite Tarek Ibn Zyad, après qu’il ait conquis l’Espagne, en 742, à la tête d’une armée berbère essentiellement ibadite. Le conflit entre sunnites d’origine arabe et ibadites berbères était tel que les sunnites arabes avaient failli être expulsés d’Espagne par les Berbères ibadites. L’historien étranger à la région que je suis est aujourd’hui bien étonné de constater à quel point les Algériens, contrairement aux Tunisiens et Marocains qui revendiquent fièrement l’apport des dynasties aghlabides et idrissides qui n’avaient pourtant régné que sur une petite partie de leurs territoires, minorent les apports identitaires de l’imamat ibadite, dont la capitale (Tihert) installée dans leur pays avait rayonné durant plus de150 ans sur une vaste étendue du Maghreb.

        Les clivages entre ibadites berbères et Arabes sunnites, comme ceux qui surgissent périodiquement entre les communautés mozabites et chaâmbas, remonteraient-ils à cette époque ?

        Le phénomène existait effectivement déjà au VIIIe siècle et pour bien le comprendre, il faut savoir que très peu d’Arabes étaient impliqués dans l’islamisation originelle du Maghreb. Ceux, peu nombreux, qui y avaient pris part, évitaient de prendre souche au Maghreb, car ils avaient leurs attaches familiales en Orient. Ce sont donc les Berbères eux-mêmes qui se chargeront d’islamiser leurs contrées en se basant sur le culte ibadite. Les flux arabes ne viendront que bien plus tard, au milieu du XIe siècle, notamment avec les Béni Salam, qui trouveront du reste un Maghreb déjà très largement islamisé. Il faut toutefois bien se garder de réduire les querelles récurrentes entre Mozabites et Chaâmbas à ces seuls effets historiques. Il ne faut surtout pas que les violences qui surgissent périodiquement cachent les alliances, autrement plus bénéfiques, qu’ont nouées et que nouent chaque jour ces deux communautés pour mieux exploiter le commerce saharien et l’économie locale. Il y a aujourd’hui, effectivement, un problème de croissance démographique différentielle au profit des Chaâmbas qui se sont sédentarisés et des migrants du nord venus nombreux travailler dans la région en pleine expansion, contrairement aux Mozabites qui continuent à travailler dans les villes du nord. Ces derniers craignent évidemment d’être submergés. Le différend entre ces deux communauté est, j’en suis convaincu, d’ordre sociologique et non pas religieux.

        Les moyens pacifiques utilisés par les ibadites pour islamiser le Maghreb, contrairement à ceux plus violents employés par les Fatimides chiites par exemple, ne constitueraient-ils pas les causes essentielles de ce clivage ?

        On raconte effectivement que les premiers prédicateurs arrivés au Maghreb étaient appréciés pour leurs bonnes paroles, leur simplicité, voire même leur extrême pauvreté et leur comportement exemplaire. Ils n’avaient à aucun moment eu recours à la violence, étant du reste trop peu nombreux pour s’y risquer. On pourrait, comme l’ont fait de nombreux historiens, expliquer le caractère pacifique de ces missionnaires ibadites par leur origine. Ils sont originaires de tribus du nord de l’Arabie, bien familiarisées à certaines pratiques de gestion démocratiques, fortement ressemblantes à celles des « djemaâs » berbères. La gestion des affaires de la cité par les « djemaâs » leur convenaient tellement qu’ils n’avaient pas hésité à l’inclure comme acte de foi dans leur théologie.

        Quel était l’état de la foi au Maghreb, lorsque ces prédicateurs ibadites y avaient mis pied ?

        C’était l’état de la foi qui avait cours à cette époque, c’est-à-dire des juifs, des chrétiens, mais surtout, des animistes. Avec l’arrivée des premiers prédicateurs musulmans, il s’est produit exactement la même chose qui s’était produite dans les Lieux Saints de l’Arabie au moment de la prédication. Pour un système clanique qui existait avec notamment des guerres intestines, l’Islam était perçu comme un moyen salvateur de pacification. Les tribus arabes, qui avaient pour habitude de se battre entre elles, avaient trouvé en la prédication l’occasion d’externaliser leurs desseins belliqueux autodestructeurs. Les Berbères avaient également compris, en nous plaçant à cette époque, que l’Islam pouvait servir à atténuer l’effet dévastateur des guerres intestines que se livraient les tribus et les clans, en polarisant leur énergie combative sur les ennemis extérieurs.

        A partir de quelle période peut-on considérer l’islamisation du Maghreb comme acquise ?

        En l’an 800, à partir de la fondation du royaume aghlabide de Kairouan, par le général Aghlab, aujourd’hui revendiqué par les Tunisiens comme l’ancêtre de leur nation. La fondation de ce royaume s’est faite au terme d’un compromis entre ce général abbasside, venu d’Orient, et les Berbères ibadites locaux. Le petit royaume ainsi créé a permis de maintenir durablement une présence orientale aux côtés d’un imamat ibadite qui s’étend sur pratiquement tout le Maghreb et dont la légitimité n’est plus contestée.

        A quoi attribue-t-on l’engouement pour le commerce propre aux Berbères ibadites ?

        Leur puissance était en grande partie appuyée sur le commerce transsaharien qui leur avait permis d’accumuler des fortunes fabuleuses. Il subsiste par ailleurs chez les ibadites du M’zab des pratiques hostiles au luxe et aux comportements ostentatoires encore visibles aujourd’hui. A Ghardaïa, par exemple, il est interdit de construire une maison plus haute que l’autre. Ils ont la conviction de thésauriser des capitaux dans le but de les utiliser dans un monde futur, étant persuadés que les ibadites reprendront un jour ou l’autre la direction du monde musulman.

        « Le monde est dangereux à vivre ! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. » Albert EINSTEIN

        Commentaire


        • #5
          suite

          Comment expliquer la décadence de cet imamat qui a tout de même régné sur le Maghreb et une bonne partie de l’Afrique sahélienne durant deux siècles environ ?

          Il est très difficile de résumer dans une courte interview un processus qui s’étale sur des siècles, mais en prenant le risque d’être trop schématique, je dirai la décadence des ibadites a commencé lorsque les Fatimides chiites ont réussi à refouler ces derniers vers le désert. Les Fatimides ont beaucoup joué sur les querelles fratricides que se livraient les divers courants ibadites, mais également les populations berbères. A signaler tout de même, qu’entre 943 et 947 eut lieu une grande révolte berbère contre les Fatimides, dirigée par un métisse noir berbère, Abou Yazid, qui avait failli se terminer par le rejet des Fatimides à la mer. Les insurrections berbères reprendront quelques années plus part, contraignant les Fatimides à se retirer en Egypte et en Syrie avec une partie de leurs troupes berbères, les Koutamas, pour certaines originaires de Petite Kabylie. Bien plus tard encore avec l’arrivée des Almoravides, on assistera à l’islamisation en masse du Maghreb, mais cette fois dans un culte autre qu’ibadite, en l’occurrence, la doctrine malikite. L’islamisation en question consistera en la reconquête de l’espace qui avait été précédemment unifié par les ibadites. L’espace Maghreb-Afrique occidentale est depuis acquis au malikisme, qu’on ne retrouve, du reste, comme école que dans cet espace là. Le malikisme est aujourd’hui un courant historique très profond qu’on retrouve dans le Maghreb actuel, mais également au Mali, au Niger, au nord du Burkina, de la Côte d’Ivoire et du Ghana. Cette unité forgée à travers les siècles sera malheureusement cassée par la colonisation.


          Par Nordine Grim
          El Watan

          « Le monde est dangereux à vivre ! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. » Albert EINSTEIN

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          • #6
            je pense pour ma part, et vue la lecture et la présentation que font les médias de ces événements, il y a une réelle volonté d'embraser ce conflit et de le généraliser, en le présentant comme ibadit - sunnite, ou amazigh - arabes.

            de cette manière, il est fait appel à l’appartenance de tout un chacun (algérien) pour prendre position, un kabyle, un chaoui par exemple sera automatiquement tenté de se position du coté des mozabite, un arabe pour le coté ch3anba, de sorte que, des tensions puissent facilement être accentuées ailleurs qu'à ghardaïa. d'autres part, en présentant le conflit comme sunnite - ibadiths, c'est à l'appartenance religieuse qu'ils font appellent pour obliger les algériens à prendre position, ce sont deux moyens très puissants d'obliger les gens à prendre partie, et de créer de l'opposition entre euxs.

            tout se joue dans la sphère médiatique.
            La Réalité est la Perception, la Perception est Subjective

            Commentaire


            • #7
              A l'initiateur du thread

              Tu veux une bibliographie indicative ou bien un cours d'anthropologie sur l'Afrique du Nord ?




              ../..
              “La vérité est rarement enterrée, elle est juste embusquée derrière des voiles de pudeur, de douleur, ou d’indifférence; encore faut-il que l’on désire passionnément écarter ces voiles” Amin Maalouf

              Commentaire


              • #8
                Je ne savais pas que des mab soient ibadites.

                En fait j'essayais de comprendre leur particularité par rapport aux autres amazigh, et pourquoi les émeutes étaient meurtrière.

                Et bien, internet est entrain de faire ravage auprès des jeunes, qui deviennent de plus en plus radicaux.

                Commentaire


                • #9
                  Risk ..
                  de cette manière, il est fait appel à l’appartenance de tout un chacun (algérien) pour prendre position, un kabyle, un chaoui par exemple sera automatiquement tenté de se position du coté des mozabite, un arabe pour le coté ch3anba, de sorte que, des tensions puissent facilement être accentuées ailleurs qu'à ghardaïa. d'autres part, en présentant le conflit comme sunnite - ibadiths, c'est à l'appartenance religieuse qu'ils font appellent pour obliger les algériens à prendre position, ce sont deux moyens très puissants d'obliger les gens à prendre partie, et de créer de l'opposition entre euxs.

                  tout se joue dans la sphère médiatique.
                  et ca vient a un moment ou les mzab s'ouvrent de plus en plus sur le reste des algeriens ..
                  entre autre il font leur cinq prieres, tarawih , Aid ..vendredi ..avec nous alors que ca n'etait pas le cas ya pas si longtemps que ca ...de meme pour le contacte humain le courant na jamais passé aussi bien qu'il ne l'est maintenant .. bien sur l'allusion est faite a Alger ailleurs je ne sais si c'est le meme constat ou pas ..

                  Commentaire


                  • #10
                    ,@ l'imprévisible.

                    J'attendais une synthèse..et c'est beaucoup plus et mieux que je l'escomptais.
                    Y a beaucoup de choses, y compris une réponse sur le prédicateur penseur de la doctrine Ibadite, Ibn Rostom ....merci aux contributeurs.

                    Cela dit si tu as des indications de bibliographie ...pourquoi pas ? Ça peut intéresser des lecteurs ,des membres du forum...

                    Commentaire


                    • #11
                      Cher Sioux,

                      Je souhaite aussi formuler une requete en demandant une photo d une mosque'e Ibadite (du Mzab). Je parle la bien sur d une mosque'e qui date et qui est en conforme a l architecture locale de Beni Isghen par exemple. Encore tout jeune,J y ai fait un passage fort heureux en 1977, juste apres l ouverture de la transaharienne. J en garde un souvenir beau.
                      Je chercherai entre-temps sur google bien sur. Je voudrais la comparer a la mosquee de mon village de Kabylie qui elle aussi date mais je ne sais de quel siecle.

                      Merci pour le thread.

                      M.
                      Dernière modification par mmis_ttaq-vaylit, 11 juillet 2015, 14h24.
                      Lu-legh-d d'aq-vayli, d-ragh d'aq-vayli, a-d'em-tegh d'aq-vayli.

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                      • #12
                        Salam,

                        C'est bien de connaître l'histoire des uns et des autres.. mais il faudrait veiller à étouffer tous ce qui est légitimité historique et/ou légitimité révolutionnaire.

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