L’Algérie s’apprête à traverser une crise économique majeure. Les caisses de l’État commencent à se vider et les finances publiques connaissent une période de « vaches maigres ». Malgré 15 ans de conjoncture particulièrement favorable avec des prix du pétrole à des sommets historiques et une dynamique de croissance mondiale notamment au début des années 2000, les fondamentaux de l’économie nationale ont très peu évolué. L’Algérie a donc raté deux occasions d’opérer un véritable décollage économique.
Après une série d’investissement publics de plus 650 milliards de dollars en une quinzaine d’années – ont-ils réellement été réalisés ou ces sommes ont seulement été injectées dans les circuits de la corruption et des surfacturations ? – l’économie algérienne est toujours aussi dépendante au pétrole qui représente plus de 95% des recettes en devise et plus de 35% du PIB.
Comment en est-on arrivés là ? Quelles sont les causes profondes de cette situation ? Eléments de réponse en 10 points.
La démesure
A-t-on eu « les yeux plus gros que le ventre » ? L’État, déjà omniprésent, se pensait aussi omnipotent. Il voulait tout faire : investir, gérer les entreprises, nouer des partenariats avec les entreprises étrangères, réguler… Or, les administrations et les entreprises publiques ne disposent pas de suffisamment de compétences managériales pour gérer l’économie de tout un pays.
Ainsi, les dirigeants ont fait preuve d’une certaine arrogance en pensant pouvoir tout faire en même temps. Des plans de développement ambitieux, tous azimuts, avec des structures en surchauffe incapables de gérer les flux massifs de fonds et de projets. Des centaines de milliards de dollars ont été injectés dans les circuits de la corruption. Les dérives (détournements, corruption) semblent inévitables dans de telles conditions.
L’exclusion
Les investissements du secteur privé (national ou étranger) sont bloqués, otages de la politique prônée par les pouvoirs publics. De grands patrons comme Issad Rebrab de Cevital se sont plaints du blocage de leurs projets.
Par ailleurs, les investissements d’un montant supérieur à 5 millions de dollars étaient, jusqu’à récemment, soumis à l’autorisation préalable du Conseil national de l’investissement (CNI), un organe politique chapeauté par le Premier ministre. Ce montant a été porté à… 15 millions.
Un seuil extrêmement faible et une procédure lourde qui ne contribue aucunement au développement rapide de l’investissement, un des piliers de la croissance économique.
Bureaucratie et instabilité juridique
Un autre facteur de blocage majeur réside dans la lenteur de l’appareil bureaucratique. Le nombre de pièces administratives nécessaires pour un investissement et leur délai d’obtention découragent les plus téméraires.
De plus, l’instabilité du cadre juridique est souvent rédhibitoire. L’Algérie est pourtant spécialiste dans ce domaine : changement intempestif des lois, comme la modification de l’Impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS), le blocage des importations de véhicules pour favoriser des concessionnaires français. Là aussi, de quoi faire fuir les investisseurs nationaux ou étrangers les plus chevronnés qui se tourne souvent vers le voisin marocain, jugé plus stable.
Le manque de vision
Alors que certains pays mettent au point des stratégies à long terme, à l’image du « Plan Sénégal émergent 2025 » avec des objectifs chiffrés, l’Algérie n’a pas de vision claire. Les tergiversations du gouvernement donnent l’impression que le pays navigue à vue, sans cap déterminé.
Il en ressort des politiques, certes avec des objectifs louables et parfois des idées intéressantes, mais sans marche à suivre. Des bouts de stratégie, sans vision d’ensemble et surtout sans maturation.
La précipitation
Ce défaut de manque de maturation se retrouve également au niveau de la conception et de la réalisation des projets. Les études préalables sont bâclées, ce qui conduit à des retards et réévaluations pharaoniques…
Certains chantiers s’éternisent alors et deviennent de véritables gouffres financiers, à l’image de celui de l’autoroute Est-ouest, « projet du siècle ». La précipitation des pouvoirs publics se situent aussi parfois au niveau du choix des entreprises réalisatrices.
La naïveté
Au vu des résultats obtenus, les équipes chargées des négociations dans le domaine économique semblent manquer singulièrement de savoir-faire. Du choix des entreprises de réalisation qui survendent leurs capacités, aux négociations pour les implantations d’entreprises en passant par l’octroi d’avantages à des compagnies peu scrupuleuses, nos négociateurs semblent souvent se faire « rouler dans la farine ». Et l’Algérie avec eux.
Les exemples sont légion mais les plus éloquents sont sans doute les implantations des constructeurs automobiles français Renault et Peugeot. Economiquement douteux, ces projets ont été obtenus aux prix d’avantages pharamineux pour les entreprises en question. Un caprice plein d’orgueil face à l’installation d’usines d’envergure internationale chez le voisin marocain.
La vanité
Toujours dans la même veine, l’on peut reprocher au gouvernement une certaine prétention. En effet, l’Algérie a dû se croire plus intelligente que la finance internationale en introduisant par exemple la règle 51/49%, accordant la majorité à un actionnaire algérien pour tout partenariat avec une entreprise étrangère.
La mesure vise à filtrer l’arrivée d’investisseurs « non désirables » et permet également, en théorie, de limiter les transferts de devises vers l’étranger sous formes de rapatriement de bénéfices.
Or, le gouvernement n’a pas pris en compte les facturations intragroupes, notamment pour les services (experts envoyés de l’étranger par la maison-mère, par exemple). Ces pratiques sont impossibles à quantifier, contrôler et difficiles à encadrer. Mais elles permettent à la maison-mère de transférer en tout légalité des devises de sa filiale algérienne.
Le manque de courage
En termes de sorties de devise, le marché parallèle pose problème. Certains opérateurs s’enrichissent indument, sur le dos de l’État et du contribuable, en jouant sur le taux de change officiel et parallèle, lors d’opérations d’importation notamment.
Il y a pourtant des mesures simples pour au moins atténuer l’ampleur de ce marché illégal qui nuit à la légitimité de l’État et à l’économie nationale : arrêter de verser les retraites des émigrés en devises ; autoriser les étudiants à l’étranger à changer une partie de leur argent pour financer leurs études ; augmenter l’allocation tourisme. Selon une source bancaire, le relèvement des allocations touristique à 500 euros réduirait, à lui seul, la demande sur le marché informel de 50%.
Ces mesures simples coûteraient certes, au début, en termes de réserves de change, mais permettrait de gagner en fin de compte. Les importateurs n’auraient plus intérêt à surfacturer à l’étranger pour réaliser des gains rapides grâce au marché parallèle.
L’on retrouve également un certain manque de courage de la part du gouvernement, notamment dans la gestion du commerce extérieur. Malgré les discours sur la nécessité de réduire les importations, le gouvernement se retient de recourir à une solution simple, légale : la modulation des taux de TVA, selon leur origine. En somme, un taux supérieur de TVA pour les produits importés et un taux inférieur pour les produits locaux. Il est difficile de ne pas y voir l’action de puissants lobbies.
Le laxisme
L’on décèle également un certain laxisme dans la gestion de l’économie nationale. Sur le plan du commerce extérieur, de nombreux importateurs ont recours à la surfacturation (pour expatrier un maximum de devises), aux importations frauduleuses qu’ils abandonnent ensuite… Des pratiques face auxquelles les autorités concernées, comme les Douanes font preuve de complaisance.
Dans le même temps, le gouvernement se montre laxiste face marché informel. Selon certaines estimations, jusqu’à 50% de l’économie du pays est « souterraine », échappant à l’impôt et au contrôle de l’État. Un « luxe » que l’Algérie ne peut plus se permettre.
Subventions à tout va
L’une des causes de cette situation réside dans les subventions aveugles que l’État distribue à tour de bras. Exemple : le soutien indirect des prix du sucre (exonération de TVA et droits de douane) profite directement aux industriels comme Coca Cola ou Pepsi et autres fabricants de boissons, au détriment du budget de l’État et de la santé du consommateur. L’électricité, l’eau et le gaz font également l’objet de subventions indirectes, qui coûtent très cher à la Sonelgaz, largement déficitaire… Le dirigeant de l’entreprise publique a demandé un quintuplement des tarifs de l’énergie, simplement pour atteindre l’équilibre. Par ailleurs, les carburants sont parmi les moins chers au monde. Mais eux-aussi sont subventionnés par l’État, sans discernement et sans équité entre les riches et les pauvres.
Certes, les subventions doivent être maintenues. Mais il serait pourtant plus judicieux de recenser les familles nécessiteuses par commune, puis de leur verser des pensions pour compenser un retrait (au moins partiel) des subventions. Certes, il serait difficile d’éviter de la fraude, mais celle-ci coûterait nettement moins cher que de maintenir les subventions telles quelles.
TSA
Après une série d’investissement publics de plus 650 milliards de dollars en une quinzaine d’années – ont-ils réellement été réalisés ou ces sommes ont seulement été injectées dans les circuits de la corruption et des surfacturations ? – l’économie algérienne est toujours aussi dépendante au pétrole qui représente plus de 95% des recettes en devise et plus de 35% du PIB.
Comment en est-on arrivés là ? Quelles sont les causes profondes de cette situation ? Eléments de réponse en 10 points.
La démesure
A-t-on eu « les yeux plus gros que le ventre » ? L’État, déjà omniprésent, se pensait aussi omnipotent. Il voulait tout faire : investir, gérer les entreprises, nouer des partenariats avec les entreprises étrangères, réguler… Or, les administrations et les entreprises publiques ne disposent pas de suffisamment de compétences managériales pour gérer l’économie de tout un pays.
Ainsi, les dirigeants ont fait preuve d’une certaine arrogance en pensant pouvoir tout faire en même temps. Des plans de développement ambitieux, tous azimuts, avec des structures en surchauffe incapables de gérer les flux massifs de fonds et de projets. Des centaines de milliards de dollars ont été injectés dans les circuits de la corruption. Les dérives (détournements, corruption) semblent inévitables dans de telles conditions.
L’exclusion
Les investissements du secteur privé (national ou étranger) sont bloqués, otages de la politique prônée par les pouvoirs publics. De grands patrons comme Issad Rebrab de Cevital se sont plaints du blocage de leurs projets.
Par ailleurs, les investissements d’un montant supérieur à 5 millions de dollars étaient, jusqu’à récemment, soumis à l’autorisation préalable du Conseil national de l’investissement (CNI), un organe politique chapeauté par le Premier ministre. Ce montant a été porté à… 15 millions.
Un seuil extrêmement faible et une procédure lourde qui ne contribue aucunement au développement rapide de l’investissement, un des piliers de la croissance économique.
Bureaucratie et instabilité juridique
Un autre facteur de blocage majeur réside dans la lenteur de l’appareil bureaucratique. Le nombre de pièces administratives nécessaires pour un investissement et leur délai d’obtention découragent les plus téméraires.
De plus, l’instabilité du cadre juridique est souvent rédhibitoire. L’Algérie est pourtant spécialiste dans ce domaine : changement intempestif des lois, comme la modification de l’Impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS), le blocage des importations de véhicules pour favoriser des concessionnaires français. Là aussi, de quoi faire fuir les investisseurs nationaux ou étrangers les plus chevronnés qui se tourne souvent vers le voisin marocain, jugé plus stable.
Le manque de vision
Alors que certains pays mettent au point des stratégies à long terme, à l’image du « Plan Sénégal émergent 2025 » avec des objectifs chiffrés, l’Algérie n’a pas de vision claire. Les tergiversations du gouvernement donnent l’impression que le pays navigue à vue, sans cap déterminé.
Il en ressort des politiques, certes avec des objectifs louables et parfois des idées intéressantes, mais sans marche à suivre. Des bouts de stratégie, sans vision d’ensemble et surtout sans maturation.
La précipitation
Ce défaut de manque de maturation se retrouve également au niveau de la conception et de la réalisation des projets. Les études préalables sont bâclées, ce qui conduit à des retards et réévaluations pharaoniques…
Certains chantiers s’éternisent alors et deviennent de véritables gouffres financiers, à l’image de celui de l’autoroute Est-ouest, « projet du siècle ». La précipitation des pouvoirs publics se situent aussi parfois au niveau du choix des entreprises réalisatrices.
La naïveté
Au vu des résultats obtenus, les équipes chargées des négociations dans le domaine économique semblent manquer singulièrement de savoir-faire. Du choix des entreprises de réalisation qui survendent leurs capacités, aux négociations pour les implantations d’entreprises en passant par l’octroi d’avantages à des compagnies peu scrupuleuses, nos négociateurs semblent souvent se faire « rouler dans la farine ». Et l’Algérie avec eux.
Les exemples sont légion mais les plus éloquents sont sans doute les implantations des constructeurs automobiles français Renault et Peugeot. Economiquement douteux, ces projets ont été obtenus aux prix d’avantages pharamineux pour les entreprises en question. Un caprice plein d’orgueil face à l’installation d’usines d’envergure internationale chez le voisin marocain.
La vanité
Toujours dans la même veine, l’on peut reprocher au gouvernement une certaine prétention. En effet, l’Algérie a dû se croire plus intelligente que la finance internationale en introduisant par exemple la règle 51/49%, accordant la majorité à un actionnaire algérien pour tout partenariat avec une entreprise étrangère.
La mesure vise à filtrer l’arrivée d’investisseurs « non désirables » et permet également, en théorie, de limiter les transferts de devises vers l’étranger sous formes de rapatriement de bénéfices.
Or, le gouvernement n’a pas pris en compte les facturations intragroupes, notamment pour les services (experts envoyés de l’étranger par la maison-mère, par exemple). Ces pratiques sont impossibles à quantifier, contrôler et difficiles à encadrer. Mais elles permettent à la maison-mère de transférer en tout légalité des devises de sa filiale algérienne.
Le manque de courage
En termes de sorties de devise, le marché parallèle pose problème. Certains opérateurs s’enrichissent indument, sur le dos de l’État et du contribuable, en jouant sur le taux de change officiel et parallèle, lors d’opérations d’importation notamment.
Il y a pourtant des mesures simples pour au moins atténuer l’ampleur de ce marché illégal qui nuit à la légitimité de l’État et à l’économie nationale : arrêter de verser les retraites des émigrés en devises ; autoriser les étudiants à l’étranger à changer une partie de leur argent pour financer leurs études ; augmenter l’allocation tourisme. Selon une source bancaire, le relèvement des allocations touristique à 500 euros réduirait, à lui seul, la demande sur le marché informel de 50%.
Ces mesures simples coûteraient certes, au début, en termes de réserves de change, mais permettrait de gagner en fin de compte. Les importateurs n’auraient plus intérêt à surfacturer à l’étranger pour réaliser des gains rapides grâce au marché parallèle.
L’on retrouve également un certain manque de courage de la part du gouvernement, notamment dans la gestion du commerce extérieur. Malgré les discours sur la nécessité de réduire les importations, le gouvernement se retient de recourir à une solution simple, légale : la modulation des taux de TVA, selon leur origine. En somme, un taux supérieur de TVA pour les produits importés et un taux inférieur pour les produits locaux. Il est difficile de ne pas y voir l’action de puissants lobbies.
Le laxisme
L’on décèle également un certain laxisme dans la gestion de l’économie nationale. Sur le plan du commerce extérieur, de nombreux importateurs ont recours à la surfacturation (pour expatrier un maximum de devises), aux importations frauduleuses qu’ils abandonnent ensuite… Des pratiques face auxquelles les autorités concernées, comme les Douanes font preuve de complaisance.
Dans le même temps, le gouvernement se montre laxiste face marché informel. Selon certaines estimations, jusqu’à 50% de l’économie du pays est « souterraine », échappant à l’impôt et au contrôle de l’État. Un « luxe » que l’Algérie ne peut plus se permettre.
Subventions à tout va
L’une des causes de cette situation réside dans les subventions aveugles que l’État distribue à tour de bras. Exemple : le soutien indirect des prix du sucre (exonération de TVA et droits de douane) profite directement aux industriels comme Coca Cola ou Pepsi et autres fabricants de boissons, au détriment du budget de l’État et de la santé du consommateur. L’électricité, l’eau et le gaz font également l’objet de subventions indirectes, qui coûtent très cher à la Sonelgaz, largement déficitaire… Le dirigeant de l’entreprise publique a demandé un quintuplement des tarifs de l’énergie, simplement pour atteindre l’équilibre. Par ailleurs, les carburants sont parmi les moins chers au monde. Mais eux-aussi sont subventionnés par l’État, sans discernement et sans équité entre les riches et les pauvres.
Certes, les subventions doivent être maintenues. Mais il serait pourtant plus judicieux de recenser les familles nécessiteuses par commune, puis de leur verser des pensions pour compenser un retrait (au moins partiel) des subventions. Certes, il serait difficile d’éviter de la fraude, mais celle-ci coûterait nettement moins cher que de maintenir les subventions telles quelles.
TSA
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