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Qu'est ce que la solvabilité ?

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  • Qu'est ce que la solvabilité ?

    La tragi-comédie grecque ne peut pas être correctement décryptée si l’on s’en tient à la conception la plus répandue de la solvabilité. L’opinion commune est que la Grèce est insolvable parce qu’elle est incapable de rembourser ses dettes. Mais la plupart des États sont dans le même cas, ainsi qu’une bonne partie des entreprises, sans qu’ils soient suspectés d’être insolvables.

    En fait, la solvabilité d’un débiteur réside dans le jugement positif que ses créanciers portent sur lui. Tous les agents incapables de rembourser leurs dettes à l’échéance sans en contracter d’autres sont soumis à une sorte d’examen de passage permanent : les prêteurs potentiels de X, y compris ses créanciers actuels, se demandent si X est une entreprise ou un état "sain", répondant à un certain nombre de critères ; si la réponse d’un certain nombre d’entre eux, voire d’un seul d’entre eux quand X est un agent de petite taille, est positive, X obtient de nouveaux crédits et fait face aux échéances de ses dettes ; dans le cas contraire, X se voit opposer un refus qui l’oblige à se déclarer en faillite – à déposer son bilan, s’il s’agit d’une entreprise.

    La responsabilité des prêteurs potentiels est fort grande : ils sont les jurés d’une sorte de cour d’assise susceptible de prononcer la peine de mort. Pour déterminer leur position vis-à-vis de X, ils s’appuient sur un certain nombre de critères : quelle est la qualité de la gestion de cette société, de cet état, de cette municipalité ? Si X est déficitaire, de quels atouts dispose X pour redresser sa situation ? Le créneau sur lequel il se situe est-il porteur, laisse-t-il présager une croissance et un avenir bénéficiaire ? De façon générale, quelles sont ses perspectives d’avenir ? Les membres du jury (banques, fournisseurs, investisseurs de diverses catégories) n’ont pas droit à une solution mi-figue, mi-raisin, comme un verdict de culpabilité avec circonstances atténuantes ; ils ne sont pas dans la situation d’un magistrat qui ne risque guère d’être la prochaine victime du coupable qu’il aura laissé en liberté, car ce sont eux qui seront perdants s’ils se trompent dans leur décision : le nouveau prêt qu’ils auront accordé, ou l’apport en capital qu’ils auront effectué, sera de l’argent "fichu en l’air", comme on dit familièrement. Les juges de la solvabilité sont donc responsables sur leurs propres deniers de la pertinence de leur verdict : voilà un fait qui, ordinairement, ne dispose pas à faire preuve de laxisme. Pourtant, il existe des circonstances dans lesquelles les prêteurs potentiels sont entraînés à trop d’indulgence : en particulier lorsque le décideur n’est pas le payeur. Le cas grec est à cet égard exemplaire : les chefs d’État qui ont décidé de prêter à ce pays chroniquement mal géré n’engagent évidemment pas leur fortune personnelle, mais surtout ils n’engagent même pas ce qui compte beaucoup à leurs yeux : leur carrière politique. La décision étant collective, au niveau européen, il faut avoir une solide conscience professionnelle de juge de solvabilité pour s’opposer au laxisme. Le ministre de finances allemand est quelque peu solitaire dans ce rôle de gardien des normes selon lesquelles les crédits doivent être ou non accordés. La plupart de ces jurés n’ont pas de scrupule à préparer une ardoise de plus pour leur trésor public : ils ont donc accordé des prêts contrairement à tous les critères qui inspirent normalement les juges de la solvabilité, à commencer par les critères de Maastricht qui, en l’occurrence, auraient dû s’appliquer spécifiquement.

    Une vague d’optimisme béat produit des effets comparables pour les prêts et les dotations en capital aux entreprises. Il existe des moments où les juges de la solvabilité, banquiers et investisseurs de toutes sortes, assouplissent leurs critères, étant presque unanimes à considérer que tel secteur d’activé a un avenir radieux, ou que la croissance revenue rendra rentable la plupart des projets. Ce laxisme permet la réalisation d’opérations qui n’auraient pas vu le jour si les juges de la solvabilité étaient restés raisonnablement sévères. Au bout d’un certain temps, l’euphorie s’estompe, un peu comme les vapeurs de l’alcool, et les prêteurs ou investisseurs potentiels prennent conscience de ce qu’ils ont fait. Leur réaction est alors généralement excessive, comme l’avait été leur enthousiasme : au laxisme succède le rigorisme, et par voie de conséquence la récession prend la relève de la croissance rapide. Il y a là une des principales explications des cycles économiques.

    L’ensemble des critères utilisés pour fournir des fonds à des agents désireux de dépenser plus qu’ils ne gagnent est vaste et, dans une certaine mesure, mouvant. Il constitue un élément clé du bon fonctionnement de nos économies, si bien que l’apprentissage du métier de prêteur et d’investisseur est extrêmement important. Et l’essentiel de cet apprentissage n’est pas d’ordre technique, en dépit des extraordinaires développements de la technique financière : c’est le sens de ce qui peut se faire et de ce qui ne doit pas se faire, du permis et du défendu. Curieusement, les cousins germains des financiers sont les magistrats


    écomatin
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