«Les terroristes veulent desserrer l’étau sur Bouira et Boumerdès»
Ancien chef d’état-major de la 1re Région militaire, le général à la retraite Abderrazak Maïza parle de l’embuscade de vendredi dernier en connaisseur du terrain. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il explique que cette attaque vise à desserrer l’étau sur les régions de Bouira, Boumerdès et Tizi Ouzou, où les groupes terroristes n’arrivent plus à bouger. Selon lui, les assaillants, au nombre d’une vingtaine, se sont regroupés dans cette zone pour mener l’opération avant de se disperser.
Vous connaissez assez bien la zone pour y avoir exercé en tant que commandant du secteur opérationnel de Aïn Defla et en tant que chef d’état-major de la 1re Région militaire. Comment analyser une telle embuscade ?
D’abord, il faut savoir que la région où a eu lieu l’opération criminelle se trouve à cheval sur trois wilayas Medéa, Aïn Defla et Tissemsilt. Une vaste étendue de montagnes et de forêts, désertée par la population locale depuis les années 1990.
C’est dans cette région que le wali de Tissemsilt a été tué par le GIA ; son convoi était tombé dans une embuscade en janvier 1994. Les accès y sont restés fermés à la circulation durant des années.
Le cantonnement militaire, qui se trouve non loin de la zone, a été mis en place ces dernières années et a certainement été renforcé dans le cadre de l’opération de ratissage lancée bien avant le Ramadhan à la recherche d’un groupe de terroristes, en majorité des résidus du GIA. L’attaque a été bien planifiée.
Ils ont l’avantage de la connaissance du terrain. Djebel Elouh surplombe toute la région. Les terroristes ont la possibilité de voir de loin tout mouvement d’hommes et de véhicules mais aussi passer d’une wilaya à une autre en marchant.
Ils ont dû remarquer la présence des militaires. Ils n’ont fait que surveiller leurs mouvements pour isoler un des groupes constituant la sectionqui était chargée de faire du repérage pour passer à l’action, en profitant de l’effet de surprise.
Comment ont-ils pu quitter les lieux sans être rattrapés par le reste de la section qui ne devait pas être loin ?
L’opération a dû être très rapide. Le temps d’isoler la dizaine d’hommes devant être certainement à la traîne et de les désarmer. Le choix du moment est très important. C’était en fin de journée. Entre le moment où l’alerte a été donnée et l’arrivée des renforts, qui étaient proches, les terroristes étaient déjà loin.
Dans ce genre de situation, ils se dispersent et chacun se dirige vers le lieu qu’il connaît le mieux. Pour une telle action, ils devaient être une vingtaine, pas plus. Ils ont suivi les mouvements des militaires pendant quelques jours et ont dû remarquer que ces derniers se déplaçaient par petits groupes. Ils ont réussi à en isoler un qui a été la cible des tirs.
Pensez-vous que les terroristes soient tous de la région ?
Je pense qu’il y a un noyau de la région, qui sert d’éclaireur et de collecteur pour mener l’embuscade. Généralement, des éléments bien armés et bien postés ouvrent le feu ; d’autres, dotés souvent de fusils de chasse, donnent l’assaut puis récupèrent les armes sur les victimes. A la fin, tout le monde se disperse.
En une journée de marche, ils peuvent parcourir 30 kilomètres. Ils peuvent rejoindre Blida, Tipasa, Tissemsilt, Bouira… juste en marchant. S’il y a des blessés parmi eux, ils les transportent dans des endroits bien protégés jusqu’à ce que la pression baisse. Dans cette région, les terroristes ne restent jamais en groupe ; ils évoluent en petites factions de 4 à 5 éléments, pas plus.
Certains évoquent le sous-équipement des unités de lutte contre le terrorisme sur le terrain. Est-ce le cas ?
Jamais ! Soyeux sérieux. Les unités de l’ANP ne sont plus celles des années 1990. Engagées dans la lutte antiterroriste, elles ont tous les moyens de dernière génération, les armes à vision nocturne, les hélicoptères de combat, les équipements de protection, des caméras, de l’armement récent, etc. La lutte antiterroriste est très difficile. Même les pays les plus avancés font face à ce fléau.
Le risque zéro n’existe nulle part. La Russie, avec tous ses moyens et la technologie dont elle dispose, a subi des pertes importantes au Caucase et perdu de nombreuses batailles.
L’attaque s’est passée le jour même de l’Aïd. Les militaires étaient probablement dans une ambiance routinière liée au Ramadhan et à la fête de l’Aïd. Le calme régnait. Autant d’éléments qui ont facilité la tâche aux terroristes. N’oublions pas que l’armée a enregistré des exploits ces derniers mois dans les régions de Bouira, Boumerdès et Tizi Ouzou, au point que les groupes terroristes n’arrivent plus à bouger sans être pris. Ces résultats sont très importants.
Pour moi, l’embuscade de vendredi a été menée dans le but de desserrer l’étau sur ces trois wilayas. Les terroristes veulent détourner l’attention des troupes sur une autre région que celle qui leur sert de fief. L’armée est dans une logique de guerre contre le terrorisme où parfois il y a des martyrs auxquels il faut rendre hommage.
Il est regrettable que certains se focalisent sur un acte terroriste sans s’arrêter sur les personnes qui sont mortes et sont originaires de plusieurs wilayas du pays. Après l’embuscade de vendredi dernier, il va y avoir neuf enterrements, certainement dans 9 wilayas.
La reconnaissance du sacrifice n’existe ni chez l’Etat ni dans la société civile. Nous faisons la comptabilité macabre de nos martyrs puis nous tournons la page.
Ces jeunes tombés au champ d’honneur en ce jour d’Aïd incarnent le symbole même du sacrifice. Parlons d’eux plutôt que de leurs bourreaux.
El Watan
Ancien chef d’état-major de la 1re Région militaire, le général à la retraite Abderrazak Maïza parle de l’embuscade de vendredi dernier en connaisseur du terrain. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il explique que cette attaque vise à desserrer l’étau sur les régions de Bouira, Boumerdès et Tizi Ouzou, où les groupes terroristes n’arrivent plus à bouger. Selon lui, les assaillants, au nombre d’une vingtaine, se sont regroupés dans cette zone pour mener l’opération avant de se disperser.
Vous connaissez assez bien la zone pour y avoir exercé en tant que commandant du secteur opérationnel de Aïn Defla et en tant que chef d’état-major de la 1re Région militaire. Comment analyser une telle embuscade ?
D’abord, il faut savoir que la région où a eu lieu l’opération criminelle se trouve à cheval sur trois wilayas Medéa, Aïn Defla et Tissemsilt. Une vaste étendue de montagnes et de forêts, désertée par la population locale depuis les années 1990.
C’est dans cette région que le wali de Tissemsilt a été tué par le GIA ; son convoi était tombé dans une embuscade en janvier 1994. Les accès y sont restés fermés à la circulation durant des années.
Le cantonnement militaire, qui se trouve non loin de la zone, a été mis en place ces dernières années et a certainement été renforcé dans le cadre de l’opération de ratissage lancée bien avant le Ramadhan à la recherche d’un groupe de terroristes, en majorité des résidus du GIA. L’attaque a été bien planifiée.
Ils ont l’avantage de la connaissance du terrain. Djebel Elouh surplombe toute la région. Les terroristes ont la possibilité de voir de loin tout mouvement d’hommes et de véhicules mais aussi passer d’une wilaya à une autre en marchant.
Ils ont dû remarquer la présence des militaires. Ils n’ont fait que surveiller leurs mouvements pour isoler un des groupes constituant la sectionqui était chargée de faire du repérage pour passer à l’action, en profitant de l’effet de surprise.
Comment ont-ils pu quitter les lieux sans être rattrapés par le reste de la section qui ne devait pas être loin ?
L’opération a dû être très rapide. Le temps d’isoler la dizaine d’hommes devant être certainement à la traîne et de les désarmer. Le choix du moment est très important. C’était en fin de journée. Entre le moment où l’alerte a été donnée et l’arrivée des renforts, qui étaient proches, les terroristes étaient déjà loin.
Dans ce genre de situation, ils se dispersent et chacun se dirige vers le lieu qu’il connaît le mieux. Pour une telle action, ils devaient être une vingtaine, pas plus. Ils ont suivi les mouvements des militaires pendant quelques jours et ont dû remarquer que ces derniers se déplaçaient par petits groupes. Ils ont réussi à en isoler un qui a été la cible des tirs.
Pensez-vous que les terroristes soient tous de la région ?
Je pense qu’il y a un noyau de la région, qui sert d’éclaireur et de collecteur pour mener l’embuscade. Généralement, des éléments bien armés et bien postés ouvrent le feu ; d’autres, dotés souvent de fusils de chasse, donnent l’assaut puis récupèrent les armes sur les victimes. A la fin, tout le monde se disperse.
En une journée de marche, ils peuvent parcourir 30 kilomètres. Ils peuvent rejoindre Blida, Tipasa, Tissemsilt, Bouira… juste en marchant. S’il y a des blessés parmi eux, ils les transportent dans des endroits bien protégés jusqu’à ce que la pression baisse. Dans cette région, les terroristes ne restent jamais en groupe ; ils évoluent en petites factions de 4 à 5 éléments, pas plus.
Certains évoquent le sous-équipement des unités de lutte contre le terrorisme sur le terrain. Est-ce le cas ?
Jamais ! Soyeux sérieux. Les unités de l’ANP ne sont plus celles des années 1990. Engagées dans la lutte antiterroriste, elles ont tous les moyens de dernière génération, les armes à vision nocturne, les hélicoptères de combat, les équipements de protection, des caméras, de l’armement récent, etc. La lutte antiterroriste est très difficile. Même les pays les plus avancés font face à ce fléau.
Le risque zéro n’existe nulle part. La Russie, avec tous ses moyens et la technologie dont elle dispose, a subi des pertes importantes au Caucase et perdu de nombreuses batailles.
L’attaque s’est passée le jour même de l’Aïd. Les militaires étaient probablement dans une ambiance routinière liée au Ramadhan et à la fête de l’Aïd. Le calme régnait. Autant d’éléments qui ont facilité la tâche aux terroristes. N’oublions pas que l’armée a enregistré des exploits ces derniers mois dans les régions de Bouira, Boumerdès et Tizi Ouzou, au point que les groupes terroristes n’arrivent plus à bouger sans être pris. Ces résultats sont très importants.
Pour moi, l’embuscade de vendredi a été menée dans le but de desserrer l’étau sur ces trois wilayas. Les terroristes veulent détourner l’attention des troupes sur une autre région que celle qui leur sert de fief. L’armée est dans une logique de guerre contre le terrorisme où parfois il y a des martyrs auxquels il faut rendre hommage.
Il est regrettable que certains se focalisent sur un acte terroriste sans s’arrêter sur les personnes qui sont mortes et sont originaires de plusieurs wilayas du pays. Après l’embuscade de vendredi dernier, il va y avoir neuf enterrements, certainement dans 9 wilayas.
La reconnaissance du sacrifice n’existe ni chez l’Etat ni dans la société civile. Nous faisons la comptabilité macabre de nos martyrs puis nous tournons la page.
Ces jeunes tombés au champ d’honneur en ce jour d’Aïd incarnent le symbole même du sacrifice. Parlons d’eux plutôt que de leurs bourreaux.
El Watan
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