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Le combat de Solitude

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  • Le combat de Solitude

    Elle fut magnifiée par André Schwarz-Bart dans son roman La Mulâtresse Solitude (Seuil, 1972), histoire bien réelle d’une esclave qui prit part aux soulèvements contre la répression française de 1802. A Pointe-à-Pitre, une statue rappelle ce sombre épisode qu’oublient les livres d’histoire acheminés de métropole. Le symbole d’une identité à part, d’une divergence de vues qui reste tenace.

    Solitude préféra la mort à l’esclavage, pour paraphraser le dernier mot du colonel martiniquais Louis Delgrès, exécuté en Guadeloupe par les troupes de Bonaparte le 28 mai 1802. Elle échappa au massacre : comme elle était enceinte, on attendit la naissance de son enfant, futur esclave, pour la pendre au lendemain de son accouchement, le 29 novembre, sous les yeux d’une foule silencieuse. Huit ans plus tôt, la France révolutionnaire avait décrété l’abolition de l’esclavage dans ses colonies. Non sans mal : le lobby des planteurs estimait que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne pouvait s’appliquer aux Noirs. Le 4 février 1794, le débat avait été tranché par la Convention : « Tous les hommes sans distinction de couleur domiciliés dans les colonies deviennent des citoyens français jouissant de tous les droits garantis par la Constitution. » Les tambours auraient annoncé la bonne nouvelle dans les plantations, aussitôt désertées.

    C’était la fin de plus de cent cinquante ans de maltraitance par l’aristocratie sucrière, qui faisait régner sur les habitations (les exploitations — lire « Darboussier, mémoire tenace de l’esclavage ») un régime de terreur, conformément aux dispositions du Code noir édicté en 1685 afin de réglementer le statut des esclaves. L’article 44 réduisait ceux-ci au statut de simples « biens meubles ». Trois siècles après sa « découverte » par Christophe Colomb en 1493, l’île en comptait près de cent mille. Une main-d’œuvre que les Français importaient massivement de nombreuses régions d’Afrique : Ghana, Togo, Dahomey (Bénin), Côte d’Ivoire, Nigeria, Cameroun, Gabon, Congo ou encore Angola, comme le rappellent les marches en pierre de taille dédiées aux différentes ethnies des esclaves qui font face au Mémorial du tambour ka sur Grande-Terre.

    L’esclave Solitude est née du viol d’une captive africaine sur un bateau négrier en 1772, avant de vivre l’enfer des habitations : les chaînes, fers aux pieds, entraves, carcans, garrots, colliers et masques de fer, cachots, lynchages rythmaient le quotidien des déportés. C’est pourquoi, dès l’annonce de l’abolition, en 1794, Solitude partit rejoindre une communauté de marrons, ces esclaves en fuite à l’époque coloniale, installés sur les mornes, les reliefs de l’île, avant de s’enrôler comme tant d’autres dans la troupe du colonel abolitionniste Delgrès lorsque la France bientôt impériale vint reprendre son dû.

    Pendant plus d’un an, la répression fut féroce contre ceux qui osaient revendiquer leur liberté. Mais si le retour à la case départ fut proclamé et si les citoyens noirs de la Guadeloupe furent à nouveau asservis, rien n’allait cependant plus être comme avant. Aujourd’hui encore, 1802 reste une année gravée dans les mémoires locales. Peut-être autant que la date du 27 avril 1848, qui marque l’adoption de la seconde et définitive abolition de l’esclavage grâce au combat d’un député : Victor Schœlcher.

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