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Adaptation de Meursault contre-enquête

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    Adaptation de Meursault contre-enquête

    La pièce Meursaults, d’après le roman de Kamel Daoud, a répondu à ses promesses au festival In d’Avignon



    Mission réussie pour Ahmed Benaïssa au festival d’Avignon. Il a incarné avec justesse le personnage de Haroun inventé par Kamel Daoud dans son roman à succès Meursault contre-enquête (éditions Barzakh Alger et Actes Sud France).


    Le comédien et metteur en scène algérien a adopté les gestes et pénétré les pensées de celui qui serait, selon la création du romancier, le frère de Moussa, cet «arabe» anonyme tué dans le roman L’Etranger d’Albert Camus.

    Daoud invente une identité à ce mort sans nom et met en scène son frère qui, des années après l’indépendance, revient voir sa mère et fait le point sur sa vie ratée et sur l’Algérie indépendante, mesurant son désarroi. L’intention de Kamel Daoud, en tentant cette improbable suite au roman du prix Nobel de littérature, était courageuse. Vouloir se mettre dans le sillage d’un des génies mondiaux du roman au XXe siècle, il fallait oser.

    Le résultat positif de cette démarche est d’autant plus appréciable que l’adaptation scénique dépouillée mais puissante qu’en a fait Philippe Berling redonne toute la force à l’écriture de Daoud.

    Dès lors, la comparaison avec Camus, même si elle paraissait hasardeuse, tient la route (lire notre édition du 20 juillet 2015). Devant une salle archicomble, pendant cinq représentations, Benaïssa a été possédé par Haroun. Il se l’est accaparé, seul avec sa mère - l’étonnante comédienne italienne Anna Andréotti - mutique pendant presque toutes les scènes.

    Jusqu’à la fin où elle nous donne un magistral cours d’expression théâtrale en revivant puissamment le moment du contact difficile de Haroun, son fils, avec l’imam. Le transfert de cette scène du fils vers la mère, extérieure à la hargne de son enfant, était bienvenu.

    A la veille de la première séance, Ahmed Benaïssa confiait à El Watan ne pas avoir lu le livre de Daoud lorsque le rôle lui a été proposé. «J’ai lu l’adaptation pour le théâtre, le texte m’a plu ; j’ai dit ok». Le comédien avait lu il y a très longtemps L’Etranger d’Albert Camus, dans les années 1960. Il était âgé alors de dix-huit ans. «Il m’avait marqué.

    Ça m’a renvoyé à ma propre mère. Je ne savais rien de Camus à cette époque, sur la polémique autour de l’Arabe. J’avais seulement dans l’idée de lire d’autres choses de lui». Il se souvient aussi d’avoir ressenti un certain malaise lors de l’assassinat de l’Arabe par Meursault : «C’est dur d’arriver à ce passage. Cela m’avait touché de manière concrète.

    Ce meurtre au bord de la mer ; le tueur qui sort le couteau ; Meursault aveuglé par l’éclair du soleil sur la lame du couteau… Moi, au moment de cette lecture, j’étais jeune, nous sortions de la guerre de libération, en lisant ce roman c’était évident que ça soulève quelque chose.

    Ce qui est bien dans l’adaptation du roman de Daoud, c’est justement ce personnage de l’Arabe ressuscité par sa famille». Ahmed Benaïssa, même s’il a déjà joué en langue française au début de sa carrière à la fin des années 1960, en France notamment, est immergé dans l’Algérie et son travail depuis des années se fait essentiellement en arabe.

    A peine si, plus ou moins, il n’aurait pas aimé jouer Meursaults en dialectal pour y glisser son âme. D’ailleurs, il n’a pas pu s’empêcher à deux reprises au moins de s’exprimer en langue algérienne, l’intensité des sentiments de Haroun pouvant difficilement s’extérioriser en français à ces moments particuliers : «J’ai mis un peu de sel», dit-il simplement. «Quand j’avais monté Nedjma de Kateb comme metteur en scène, je voyais une langue algérienne sous le couvert de la langue française.

    Daoud, j’ai vu qu’il était aussi imprégné d’oralité». Maintenant, avoue-t-il enfin, «je vais lire le roman. Dans cette histoire, je vois le dépassement, la critique de la bêtise humaine». Benaïssa n’en a d’ailleurs pas fini puisque la pièce va entamer plusieurs séances un peu partout en France et en Algérie, avec l’Institut français. 

    Walid Mebarek

    El Watan
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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