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Daech: la Turquie, allié embarrassant dans la guerre contre les jihadistes

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  • Daech: la Turquie, allié embarrassant dans la guerre contre les jihadistes

    a lutte contre les jihadistes de Daech prend une autre tournure. Jusque-là passive dans le conflit qui se joue à cheval entre la Syrie et l'Irak, la Turquie est entrée pleinement dans la guerre contre un État islamique devenu trop menaçant. Bien que membre de la coalition internationale, le pays dirigé par Recep Tayyip Erdogan refusait de prendre part à toute manœuvre militaire. Une réticence qui lui avait d'ailleurs valu de nombreuses critiques, notamment celle de faire preuve de complaisance envers les jihadistes.

    Le nouvel engagement militaire turc a donc été favorablement accueilli par la coalition, qui espère que cela marquera un tournant stratégique dans sa lutte contre Daech. Toutefois, ce revirement ne semble pas motivé uniquement par l'éradication des jihadistes. En effet, en même temps qu'elle cible Daech, la Turquie vise également des Kurdes, ravivant les vieilles tensions entre les autorités turques et les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Un conflit dans le conflit qui pourrait devenir gênant à terme, dans une région déjà très déstabilisée.

    La Turquie a affirmé samedi avoir infligé un coup sévère à la guérilla kurde en pilonnant pendant une semaine ses bases du nord de l'Irak et va poursuivre les raids. Depuis les premières frappes des F-16 turcs le 24 juillet, 260 combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ont été tués et près de 400 blessés, a indiqué l'agence gouvernementale de presse Anatolie.

    Un acteur clé dans la lutte...

    Si la Turquie s'est décidée à agir, c'est qu'elle y a été quelque peu contrainte par les événements. Le conflit syrien se déroulait jusqu'à présent au porte de la Turquie mais a finalement débordé ses frontières. Le 20 juillet, un attentat à Suruç, près de la frontière syrienne, a fait 32 morts et une centaine de blessés. Attribué à Daech, l'attentat a été puni par l'armée de l'air turque, qui a lancé des frappes contre des positions jihadistes en Syrie.

    Une entrée de plein pied dans la guerre que les alliés de la coalition n'attendaient plus. Outre ces bombardements qu'elle conduit elle-même, la Turquie a par ailleurs scellé un accord avec les États-Unis. Tous les contours de cet accord ne sont pas définis, mais on sait déjà que Recep Tayyip Erdogan a validé l'utilisation de bases aériennes par les Américains. Un atout stratégique de choix pour les avions de la coalition qui étaient auparavant obligés de décoller de bases plus éloignées, comme en Jordanie ou au Koweït.

    "L'accès aux bases turques comme la base aérienne d'Incirlik augmentera l'efficacité opérationnelle de la coalition", s'est félicité à l'AFP un responsable militaire américain sous couvert d'anonymat. François Hollande a pour sa part salué le "renforcement de l'engagement de la Turquie aux côtés de la coalition" et remercié le président turc au téléphone "pour l'action vigoureuse menée contre" l'EI.

    ... mais qui sert aussi ses propres intérêts

    Si les premiers bombardements turcs ont effectivement visés des positions jihadistes, Ankara a également d'autres ennemis dans sa ligne de mire. En effet, plusieurs raids ont été effectués contre des rebelles kurdes du PKK que Recep Tayyip Erdogan met sur le même plan que les terroristes islamistes. Des attaques aériennes, ainsi qu'une série d'arrestations dans le pays, tout à fait légitimes selon la Turquie, qui n'a aucun mal à les justifier.

    Selon elle, il s'agit de répondre à une série d'attaques meurtrières du PKK contre les forces de l'ordre turques. Au-delà de punir ces meurtres contre des policiers, Ankara espère sans doute affaiblir les Kurdes en les bombardant. Très actifs dans la lutte contre les jihadistes en Syrie et en Irak, les Kurdes y ont étendu leur influence (notamment au nord de la Syrie), ce qui est loin de plaire aux autorités turques qui craignent par dessus tout la création d'une région autonome kurde près de chez elles.

    Vers une guerre dans la guerre?

    La double intervention de la Turquie n'a pas été condamnée par la coalition, bien trop contente de pouvoir enfin compter sur les Turcs, mais pourrait clairement gêner ses membres en cas d'escalade. Si les États-Unis ont pris parti pour Ankara, certaines voix se sont en revanche élevées - de manière très diplomatiques - sur la nécessité d'une "réponse proportionnée" contre les rebelles du PKK. "J'ai fait valoir avec force qu'il fallait à tout prix garder la mesure, et que le processus de réconciliation avec les Kurdes en Turquie ne devait être ni troublé ni abandonné", a déclaré la ministre allemande de la Défense Ursula von der Leyen, citée par l'AFP. "Il faut faire attention à ne pas confondre les cibles", a de son côté fait valoir François Hollande.

    Une confusion qui pourrait être à terme très embarrassante pour les Occidentaux qui savent pertinemment que les combattants kurdes sont des éléments indispensables sur le terrain dans la lutte contre l'Etat islamique. Sans compter qu'une énième excroissance du conflit syrien n'arrangerait pas les choses dans cette région à l'équilibre géopolitique plus que précaire. Pourtant, l'heure n'est pas à l'apaisement. Le processus de paix engagé en 2012 entre les deux camps est bien mal en point. Le PKK a estimé que "les conditions du maintien du cessez-le-feu", mis en place en 2013, ont été "rompues", ce qui les autorise à se défendre" face "à ces agressions".

    Recep Tayyip Erdogan a décrété pour sa part la suspension du processus de paix. "Il est impossible de continuer [le processus de paix] avec ceux qui menacent notre unité nationale et notre fraternité", a-t-il lancé avant de menacer: "Ceux qui profitent de la tolérance du peuple et de l'Etat recevront la réponse qu'ils méritent aussi vite que possible". Le Premier ministre islamo-conservateur Ahmet Davutoglu a pour sa part affirmé que son pays continuera à frapper le PKK jusqu'à ce qu'il dépose les armes.

    Une véhémence qui pousse certains observateurs à croire que la priorité de la Turquie est d'ailleurs de cibler les Kurdes en priorité plutôt que les jihadistes de Daech. Sur le terrain, les événements tendent d'ailleurs à accréditer cette analyse. Comme le souligne l'AFP, depuis vendredi 24 juillet, la Turquie a bombardé des cibles du PKK tous les jours. En revanche, aucune attaque contre des positions de l'Etat islamique n'a été constatée.

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