Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Le retour des réfugiés alimente la toxicomanie à Kaboul

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Le retour des réfugiés alimente la toxicomanie à Kaboul

    Les deux mondes se frôlent à quelques mètres de distance. La santé et la déchéance. A gauche, des jeunes sprintent sur un terrain cabossé en respirant à pleins poumons : ils s'entraînent au foot à proximité du stade. A droite, de pauvres hères sont assis ou affalés sur des marches de béton. Ils ont la barbe broussailleuse, les cheveux hirsutes, le foulard posé sur la tête comme un châle. Ils se déplacent avec peine, courbés, recrus de douleurs. Certains sont amputés de la jambe ou du poignet. Ils se regroupent autour d'une paille aspirant la poudre blanche étalée sur une feuille d'aluminium. Dans leur langage, l'exercice se nomme : "Chasser le dragon". Des seringues jonchent la terre boueuse.

    Sayed Aziz et ses compagnons d'infortune sont héroïnomanes. Ils forment la bande des drogués de Kaboul, infectés par la guerre, l'exil et la désespérance. Quand il pleut ou il neige, ils se replient dans les égouts. Les policiers les harcèlent, les rackettent, les frappent souvent. Les dealers sont toujours postés à proximité, prêts à fournir à volonté. Coiffé d'un calot blanc crème, Sayed Aziz, a le visage creusé, presque émacié. Agé de 38 ans, il en paraît quinze de plus. "Si j'avais su ce qui m'attendait à mon retour à Kaboul, soupire-t-il, je serais resté dans mon camp de réfugiés." Sayed Aziz était en Iran durant toutes les années de guerre. Il était intégré, avait trouvé du travail : éleveur de poulets puis artisan tailleur.

    L'apparente insertion sociale était bien trompeuse. Afin de "doper" sa productivité, un de ses patrons l'incitait à fumer de l'opium. La dépendance virera au cauchemar quand, attiré par les promesses de la "reconstruction", Sayed Aziz retourna en Afghanistan après la chute des talibans, fin 2001.

    Cruelle est la désillusion. A Kaboul, Sayed Aziz se retrouve sans emploi, de plus en plus "accro" à l'héroïne. Honteux, il quitte sa famille et erre du côté du stade, un des lieux de rendez-vous des drogués. Il survit en déchargeant des camions, quand sa santé le lui permet. Des brouettes de briques pour s'acheter la précieuse poudre qui lui évitera les affres de l'état de manque.

    Les drogués de Kaboul sont l'un des symptômes du mal afghan : à la fois héritage d'un passé déchiré et illustration d'un présent désenchanté. On connaissait l'Afghanistan producteur d'opium, le premier au monde (92 % de l'offre internationale). On connaissait moins l'Afghanistan consommateur. Or le fléau prend d'alarmantes dimensions. Selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC), 1,25 million d'Afghans sont des consommateurs de drogues (hachisch, opium, héroïne...), dont 100 000 résidents à Kaboul. Le passif des années de guerre est accablant. Dans le cas de l'héroïne, un drogué sur deux a commencé à consommer dans les camps de réfugiés, surtout en Iran.

    PROPAGATION DE MALADIES

    L'Etat afghan apparaît dépassé. A l'hôpital public de Kaboul, la désintoxication relève très archaïquement du département de santé mentale dont le responsable, Abdul Qureshi, avoue "ne pas dormir la nuit" à cause de l'indigence de son salaire. Il arrondit ses fins de mois en travaillant à l'extérieur. Aussi les ONG étrangères se glissent-elles dans les brèches d'un système public défaillant.

    Médecins du monde (MDM) vient de lancer un programme de "réduction des risques" visant à limiter la propagation de maladies virales, comme le sida et l'hépatite B, dues à l'échange de seringues. Ses équipes sillonnent les rues de Kaboul afin d'aller au contact des héroïnomanes. Elles leur distribuent des trousseaux de seringues et leur prodiguent des conseils sanitaires afin d'éviter que l'ignorance n'ajoute au fléau.

    Par le Monde
Chargement...
X