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Elles profitent aux riches : ce que coûtent les subventions à l’Algérie

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  • Elles profitent aux riches : ce que coûtent les subventions à l’Algérie

    Qu’elles soient directes ou indirectes, les subventions aux différents biens et services pèsent lourdement sur le budget de l’État algérien. C’est un fait bien connu, l’Algérie subventionne à tour de bras : de l’eau à certaines denrées alimentaires de base (huile, sucre, blé, pain, lait…), en passant par les produits énergétiques (électricité/gaz, carburants), les prix sont largement soutenus. Combien coûtent-elles, qui en profite le plus, quelles conséquences sur l’économie nationale et comment les réduire intelligemment? TSA s’est procuré les chiffres.

    Les subventions équivalaient à 18% du PIB (en 2012)

    En 2012, le total des subventions directes et indirectes s’élevait à l’équivalent de 18% du PIB, soit 2 900 milliards de dinars ou 29 milliards de dollars, d’après les données officielles, validées par les calculs du Fonds monétaire international (FMI). Le soutien indirect des prix des carburants – sous-forme de manque à gagner par rapport aux prix du marché – mobilise à lui seul, une part de 10,9% du PIB.

    En prenant en compte les transferts sociaux – sécurité sociale, hôpitaux, écoles etc … – l’on atteint jusqu’à 50% du PIB. Des sommes faramineuses, dépensées pour assurer un certain calme sur un front social turbulent, mais aussi pour garantir un niveau de vie décent aux populations les plus défavorisées.

    Le détail et la structure de ces subventions est un secret bien gardé au niveau du gouvernement. Le grand public et même des institutions comme la banque d’Algérie n’ont pas accès à toutes les informations. Mais en 2014, pour la première fois depuis 1996, le gouvernement a publié les coûts des subventions implicites dans la Loi de Finances.

    Des subventions qui profitent aux riches

    En théorie, le soutien massif des prix des denrées alimentaires de première nécessité et de l’énergie est censé permettre aux catégories de la population à bas revenus d’avoir accès à ces produits, autrement dit hors- d’atteinte. Dans les faits, bien que ces subventions généralisées parviennent à atteindre cette catégorie défavorisée en améliorant leur pouvoir d’achat, elles profitent en premier lieu aux populations aisées.

    En effet, l’analyse du FMI révèle que les produits subventionnés sont consommés majoritairement par la population la plus aisée. En divisant la population en 5 catégories (quintiles) selon leur revenu, le FMI note que le quintile supérieur (Q5), c’est-à-dire au plus haut revenu, consacre près 26% de ses revenus à la consommation de produits céréaliers. Le quintile inférieur (Q1) utilise moins de 15% de ces revenus pour les céréales et dérivés. Le constat est le même pour le lait et produits laitiers avec 30% pour le Q5, contre environ 12% pour le Q1. Les proportions sont quasi-identiques pour les huiles et corps gras ainsi que pour le sucre et ses dérivés.

    En fin de compte, les plus hauts revenus consomment donc beaucoup plus de produits subventionnés que les catégories défavorisées de la population. Ainsi, l’on peut dire que ces subventions généralisées profitent des catégories aisées. Parmi ces revenus supérieurs, l’on peut inclure les industriels, notamment les fabricants de boissons gazeuses, qui bénéficient d’un mécanisme de régulation des prix du sucre et d’une exemption de TVA et de droits de douanes sur ce produit.

    Les carburants, la subvention la plus inéquitable

    En ce qui concerne les carburants, le contraste est encore plus frappant. Par exemple, les revenus inférieurs Q1 ne représentent que 8,2 des dépenses globales en termes de transport et communication (dont, les carburants). En comparaison, le cinquième quintile représente 40% de ces dépenses. En incluant le Q4, ce taux grimpe à plus de 60%, selon les données du FMI.

    Le rapport de l’institution internationale conclue que l’écrasante majorité de la subvention indirecte aux carburants profite aux personnes les plus aisées de la population. Sur les 1756,5 milliards de dinars de subventions consacrées aux carburants, ce sont plus de 1050 milliards qui sont consommés par les 2 tranches supérieures de revenus de la population.

    Surconsommation et nuisances à l’économie nationale

    Au-delà des conséquences évidentes sur le budget de l’État – en déficit depuis 2009 – les subventions généralisées conduisent à une surconsommation. En d’autres termes, cela génère du gaspillage. Avec des prix (trop ?) abordables, la société algérienne se permet de consommer plus que ce dont elle a besoin. Cela se vérifie avec l’électricité (climatisation à outrance), les carburants (rouler en voiture sans raison), le pain (avec des poubelles qui débordent de sacs de pain) et bien d’autres.

    Par ailleurs, de l’aveu même de la Banque d’Algérie (BA), les subventions ont conduit « à une structure des prix relatifs qui a engendré des effets pervers dommageables à l’économie nationale ». L’institution monétaire rappelle que les hausses de salaires accordées par l’État, sans contrepartie de productivité, conjuguées aux subventions à favorisé la consommation de biens importés (véhicules, par exemple), sont « en totale inadéquation avec la structure de la production domestique ». Comprendre : les faibles prix des nombreux produits subventionnés ont libéré des revenus qui se sont orientés vers la consommation de produits importés.

    De plus, la BA estime également que la baisse des prix sur les marchés internationaux, notamment pour les produits agricoles (céréales), n’est pas reflétée sur les prix intérieurs. D’ailleurs, ces produits continuent de bénéficier d’exemptions de TVA et de droits de douane, permettant aux opérateurs de maximiser leurs marges, toujours selon la même source.

    Pire : la hausse des salaires sans contrepartie a conduit à un renchérissement du coût du travail, réduisant ainsi la compétitivité de l’Algérie et des produits locaux, toujours selon la même source. Ainsi, cela « contrarie la stratégie industrielle de substitution aux importations », déplore la BA. Dans le même temps, cette situation a « engendré une consommation excessive de l’énergie sous toutes ses formes ayant même conduit à des importations de carburants », note la Banque d’Algérie. En conclusion, le rapport de l’institution monétaire nationale relève que les subventions mettent le pays devant deux défis majeurs, à savoir « la viabilité à moyen terme des finances publiques et celui de l’incidence de la dépense publique sur l’activité économique ».

    Un retrait graduel et un meilleur ciblage

    Dans ces conditions, le maintien en l’État des différentes subventions paraît au mieux hasardeux, voire « suicidaire ». Le constat est partagé par tous, y compris le gouvernement qui réfléchit à une réduction du gaspillage et a suggéré un plafonnement des quantités de carburant subventionné, avant de revenir sur ses pas.

    Cela dit, cette mesure peut paraître insuffisante. C’est le système global de soutien des prix qui mérite d’être revu. Le FMI appelle à une suppression graduelle des subventions directes indirectes jugées inéquitables. En ce qui concerne l’énergie, le Fonds invite les autorités algériennes à réduire progressivement les subventions implicites aux produits des hydrocarbures et de l’électricité, qui encouragent l’explosion de la consommation interne et les trafics aux frontières.

    La Banque d’Algérie n’est pas en reste. En plus de souligner les mêmes dangers, l’institution monétaire signale que ces subventions sont « mal ciblées ». Les deux institutions appellent donc à un retrait, tout en préservant les catégories défavorisées. Pour ce faire, le FMI appelle à la mise en place d’un système de « transfert de cash », c’est-à-dire accorder une pension aux ménages nécessiteux, en compensation d’un retrait, au moins partiel, des subventions. Ainsi, l’État économiserait jusqu’à 13 milliards de dollars, sans pour autant affecter le pouvoir d’achat des Algériens les plus défavorisés.

    TSA
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