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La reconnaissance mutuelle, règle d'or du couple

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  • La reconnaissance mutuelle, règle d'or du couple

    Le couple contemporain aspire à une relation équilibrée : 
on attend de l’autre fidélité, soutien et reconnaissance, et réciproquement.
    La première chose qui vient à l’esprit quand on songe à la confiance dans le couple, c’est la fidélité. Quand elle est évoquée, au niveau des principes, les gens manifestent une exigence, impressionnante, de fidélité radicale (du moins pour le conjoint, car on est plus tolérant pour soi-même !). Dans une enquête sociologique fouillée sur le sujet, Charlotte Le Van a montré l’attachement persistant à la valeur de fidélité (1). Comme s’il y avait là quelque chose de sacré. Pourtant, dans la société de séduction généralisée qui est la nôtre, de minuscules trahisons « acceptables » ne cessent de se produire.


    « Disparaître de soi »


    La fidélité n’est cependant que la face visible, sans doute pas la plus importante de la confiance dans le couple. L’essentiel se joue dans les profondeurs sociales qui fabriquent l’individu contemporain, et son principe d’autonomie. L’idée de liberté et de responsabilité de l’individu est un principe magnifique, mais il a un prix : la fatigue mentale, le désarroi pour les plus fragiles, le besoin permanent d’enveloppements sécurisants et de réconfort psychologique. Dans plusieurs de mes enquêtes (dont une, non publiée, sur le passage du seuil du logement), j’ai remarqué combien ce besoin s’exprime avec force lors de l’entrée dans le chez-soi, allant parfois jusqu’au désir de vivre des moments régressifs ; enfiler un vieux vêtement d’intérieur, rester interminablement dans son bain ou devant un feuilleton, même sans intérêt, et qui tourne en boucle. David Le Breton explique bien combien le poids mental de l’autodéfinition identitaire pousse parfois certains à souhaiter Disparaître de soi (2). Cette sorte d’effacement de soi se produit de façon ponctuelle mais récurrente quand nous rejoignons notre domicile. Disparaître de soi dans le chez-soi ne peut cependant opérer que si l’on se sent parfaitement en confiance et en sécurité. Le partenaire conjugal doit comprendre et accepter cet abandon. Ce qui n’est pas toujours simple, car il est contraire à l’idée d’une disponibilité à l’autre et d’une relation conjugale vivante, qui doit bien sûr également être mise en œuvre. Prenons l’exemple du vieux vêtement d’intérieur (chaussettes tire-bouchonnées aux chevilles, pyjama kitch, jogging hors d’âge). Il se peut qu’il soit devenu informe, décoloré, déchiré peut-être. Qu’importe, il est une sorte de deuxième peau, un doudou vestimentaire, et c’est ce qui compte pour soi : pouvoir enfin se laisser aller, se sentir bien, hors du regard scrutateur de la société. Le conjoint évidemment peut, lui, ne pas trop apprécier que son mari ou sa femme fasse plus d’efforts de séduction pour aller au bureau que pour lui-même à la maison. Nous débouchons là sur un des multiples paradoxes de la vie conjugale, que seul le besoin absolu de confiance permet d’expliquer.


    Quoi que fasse l’autre, 
il a raison


    Le principe moderne d’autonomie engendre le désir d’un autre type de confiance en nous faisant sortir des hiérarchies traditionnelles pour nous livrer à l’évaluation mutuelle généralisée. Sous le regard des autres, il nous faut tout réussir, à chaque instant, dans le travail et la vie privée, sous peine d’être mal notés (d’où les vêtements attrayants au bureau alors que l’on se laisse aller chez soi). Le problème est que chacun juge chacun avec ses propres critères, qui l’avantagent personnellement en dégradant autrui. Mais autrui fait de même. Nous nous notons mieux que le font les autres : mais, hélas, c’est justement l’évaluation par autrui qui compte davantage. Il en résulte un déficit structurel d’estime de soi, qui tend à devenir la maladie de notre époque. D’où l’immense besoin de reconnaissance, qui monte de toutes parts, pour restaurer la confiance personnelle. Surtout la reconnaissance des plus proches, surtout celle du conjoint. Renforcer la confiance en soi grâce au regard de confiance du conjoint est devenu ce qui est peut-être la fonction la plus importante du couple d’aujourd’hui. Au point qu’une véritable « règle d’or », de confiance mutuelle et de reconnaissance réciproque, devienne fondatrice du couple contemporain. Quoi que fasse l’autre, quoi qu’il dise, il a raison et ses faits et gestes sont dignes d’être admirés. Notre partenaire conjugal est devenu notre soutien inconditionnel, notre fan préféré.

    Je l’avais remarqué dans une recherche sur les repas de famille : un thème de conversation récurrent est le récit de la journée des uns et des autres. Récits marqués par tous les malheurs subis (injustices ou agressions), les souffrances ressenties, spécialement au travail. Dans cette sorte de feuilleton oral répétitif, une figure de méchant ou de méchante revient souvent de façon récurrente (« il m’a encore fait ceci » ou « elle m’a encore fait cela »). Le conjoint entre alors dans un rôle thérapeutique d’écoute compré*hensive et de soutien actif (« ah, il est ignoble ! » ; « oui, c’est une vraie peste ! »). Il est l’oreille dont on a tant besoin, le grand consolateur. Le couple est d’abord un lieu tout simple mais essentiel de réconfort et de consolation face à une société très dure parce que basée sur la compétition généralisée.


    L’individu, cependant, n’est pas inscrit dans un seul cercle de socialisation. Il est conjoint, enfant, membre d’une équipe de travail, d’un groupe sportif, etc. Dans chacun, il cherche également confiance mutuelle et reconnaissance réciproque, d’une façon toujours spécifique. Ce qui produit de nombreux tiraillements aux points de jonction entre les diverses appartenances. Le principe de la règle d’or conjugale est de devoir dominer tous les autres jeux de confiance mutuelle. Au risque sinon de mettre le couple en danger. Même le fait d’être « fils de » ou « fille de » doit passer après. Quel que soit l’amour que l’on porte à ses parents, le couple prime désormais dans l’ordre de la confiance mutuelle.

    Et ta mère !

    Lors des repas de famille, la confiance, ou plutôt les confiances nécessitent des arbitrages continuels, et beaucoup de diplomatie.

    Ce principe est particulièrement vif chez les jeunes couples, quand les deux partenaires ne se sont pas encore suffisamment extraits de leurs cercles de socialisation anciens (famille, amis). Les repas de famille en fournissent de maints exemples. Carla est tellement en colère qu’elle n’est plus certaine de vouloir poursuivre sa vie avec J.‑P. Au cœur de cet agacement et de ce doute se situe justement la question de la « règle d’or », parce que J.‑P. fait davantage confiance à sa mère qu’à elle-même sur mille petites choses. Le mot « confiance » revient sans cesse sur ses lèvres. « Je me souviens d’un jour où nous étions chez ses parents. Il me demandait quelque chose concernant une recette de cuisine. Je lui donne ma réponse, il me demande : “Mais tu es sûre ?” (déjà cette question m’agace, car si je ne suis pas sûre, je le précise). Je lui réponds : “Oui je suis sûre” et, sur ce, il se lève et me dit : “Attends, je vais demander à ma mère.” Déjà, cela témoigne d’un manque de confiance, mais en plus il demande confirmation à sa mère, et ça, c’est intolérable pour moi. J’estime qu’à cet instant, je ne suis plus celle qui est au centre de sa vie. »
    Jean-Claude Kaufmann

    SH

  • #2
    .........
    Dernière modification par absente, 10 septembre 2015, 19h22.

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