DRS : une lente fin à la Boussouf
par Kamel Daoud
Saga d'été dans un pays sans loisirs. Dehors, on est tous assis sous un mur, à côté d'un mur, sur un mur ou on ressemble à un mur quand on regarde la mer. Au mieux, on a un parasol. Au pire, un figuier. La seule chose qui bouge est (paradoxe sans Zénon) la seule chose immobile : le Pouvoir. Ce personnage unique de l'épopée algérienne. Ce one man show collégial. Ce maquis qui brûle les forêts. Cet acteur doublé par lui-même depuis Boussouf. Donc, pour cet été, contrairement à celui de l'année dernière, on a eu de l'animation et une forêt de rumeurs. Des versions en cerfs-volants : coup d'Etat à la Hassan deux. Licenciement à la Oufkir. Dîner achevé en kalachnikov comme dessert selon les uns. Pétard selon les autres. On ne sait rien : l'acteur unique est muet mais rarement sourd. L'été a été consacré au démembrement de ce fameux DRS, fils aîné de la SM (Sécurité militaire algérienne, fille du MALG). C'est Saïdani qui a commencé et, depuis, Toufik n'a plus que son prénom. Redoutable légende urbaine, il semble avoir fini dans la solitude de la légende. Sauf que le démembrement du DRS ne s'est pas fait au nom de la démocratie que nous attendons tous depuis des siècles, mais au nom d'une autre fratrie et d'un autre prénom. De Toufik, la légende est passée à Saïd. De Smaïn à Haddad. Et avec les mêmes rites : disgrâces, purge, arrestations, licenciements, légendes, rumeurs, diffamations ou dégradations, etc. Le dogme est le même. Les us aussi.
Le démembrement du holding du renseignement a été rapide quoique prétendu graduel : il est passé du mythe à la rumeur, puis de la rumeur au limogeage puis du limogeage à la routine. Des dizaines d'officiers de ce corps ont demandé leur retraite ou sont déjà en retraite. Avec la grimace, une peur et une sourde envie de sauver le pays de lui-même et de Bouteflika et des siens. Des généraux ont été limogés, le GIS a été éparpillé en plantons. Reste Toufik que l'on dit seul, enfermé, attendant que l'ordre signé de sa mise à la retraite soit faxé à l'ENTV.
Du bien pour le pays ? Oui : le DRS a fait du mal pendant longtemps. Il incarnait la colonne vertébrale qui asphyxiait le pays au nom de la sécurité du pays. Le mal dit nécessaire. La dérive : au lieu de surveiller El-Qaïda, on surveillait les juges et les journalistes. La dérive de ce corps a été immense. Il a cédé à la maladie des « services » dans le monde : l'autonomisation avec armes et argent. Mais son démembrement n'obéit pas à l'idée du bien, mais à celui du coup d'Etat contre le coup d'Etat. On n'est pas sorti de l'impasse car il ne se passe rien de neuf. Saïdani avait raison mais il avait tort. Le DRS n'est pas tombé comme la Stasi, les « services » des totalitarismes, mais a subi une reprise en main qui n'est pas la main de tous. On lui doit Bouteflika, le silence sur les hommes de Bouteflika, l'actuelle APN, les nominations scabreuses et l'accueil fait (par bus du peuple) à Bouteflika après sa première hospitalisation. Il est coupable de ce qui le condamne aujourd'hui. C'est un fratricide, pas une démocratie. Un parricide si on commence le décompte en 99.
La fin du DRS s'est faite par les méthodes du DRS : anonymat, rumeurs, coup monté, limogeage et manque de communication. Rien n'a changé. Le DRS peut même s'appeler le FCE ou l'ABC ou XYZ. Cela fait du bien. Cela inquiète. Car on n'y gagne rien.
Grand corps malade : les oreilles du DRS ont donc été données à El Hamel, ses mains à un ou deux hommes d'affaires, ses pieds à l'armée, son ventre n'est plus l'ANEP et la pub, ses épaules ont moins de galons, son nez a été ensablé, son pseudonyme à un conseiller à la Présidence, ses yeux mis à la retraite et sa tenue a été mise en lambeau par Saïdani.
Il reste la tête. Posée sur un mur.
Le Quotidien d'Oran
par Kamel Daoud
Saga d'été dans un pays sans loisirs. Dehors, on est tous assis sous un mur, à côté d'un mur, sur un mur ou on ressemble à un mur quand on regarde la mer. Au mieux, on a un parasol. Au pire, un figuier. La seule chose qui bouge est (paradoxe sans Zénon) la seule chose immobile : le Pouvoir. Ce personnage unique de l'épopée algérienne. Ce one man show collégial. Ce maquis qui brûle les forêts. Cet acteur doublé par lui-même depuis Boussouf. Donc, pour cet été, contrairement à celui de l'année dernière, on a eu de l'animation et une forêt de rumeurs. Des versions en cerfs-volants : coup d'Etat à la Hassan deux. Licenciement à la Oufkir. Dîner achevé en kalachnikov comme dessert selon les uns. Pétard selon les autres. On ne sait rien : l'acteur unique est muet mais rarement sourd. L'été a été consacré au démembrement de ce fameux DRS, fils aîné de la SM (Sécurité militaire algérienne, fille du MALG). C'est Saïdani qui a commencé et, depuis, Toufik n'a plus que son prénom. Redoutable légende urbaine, il semble avoir fini dans la solitude de la légende. Sauf que le démembrement du DRS ne s'est pas fait au nom de la démocratie que nous attendons tous depuis des siècles, mais au nom d'une autre fratrie et d'un autre prénom. De Toufik, la légende est passée à Saïd. De Smaïn à Haddad. Et avec les mêmes rites : disgrâces, purge, arrestations, licenciements, légendes, rumeurs, diffamations ou dégradations, etc. Le dogme est le même. Les us aussi.
Le démembrement du holding du renseignement a été rapide quoique prétendu graduel : il est passé du mythe à la rumeur, puis de la rumeur au limogeage puis du limogeage à la routine. Des dizaines d'officiers de ce corps ont demandé leur retraite ou sont déjà en retraite. Avec la grimace, une peur et une sourde envie de sauver le pays de lui-même et de Bouteflika et des siens. Des généraux ont été limogés, le GIS a été éparpillé en plantons. Reste Toufik que l'on dit seul, enfermé, attendant que l'ordre signé de sa mise à la retraite soit faxé à l'ENTV.
Du bien pour le pays ? Oui : le DRS a fait du mal pendant longtemps. Il incarnait la colonne vertébrale qui asphyxiait le pays au nom de la sécurité du pays. Le mal dit nécessaire. La dérive : au lieu de surveiller El-Qaïda, on surveillait les juges et les journalistes. La dérive de ce corps a été immense. Il a cédé à la maladie des « services » dans le monde : l'autonomisation avec armes et argent. Mais son démembrement n'obéit pas à l'idée du bien, mais à celui du coup d'Etat contre le coup d'Etat. On n'est pas sorti de l'impasse car il ne se passe rien de neuf. Saïdani avait raison mais il avait tort. Le DRS n'est pas tombé comme la Stasi, les « services » des totalitarismes, mais a subi une reprise en main qui n'est pas la main de tous. On lui doit Bouteflika, le silence sur les hommes de Bouteflika, l'actuelle APN, les nominations scabreuses et l'accueil fait (par bus du peuple) à Bouteflika après sa première hospitalisation. Il est coupable de ce qui le condamne aujourd'hui. C'est un fratricide, pas une démocratie. Un parricide si on commence le décompte en 99.
La fin du DRS s'est faite par les méthodes du DRS : anonymat, rumeurs, coup monté, limogeage et manque de communication. Rien n'a changé. Le DRS peut même s'appeler le FCE ou l'ABC ou XYZ. Cela fait du bien. Cela inquiète. Car on n'y gagne rien.
Grand corps malade : les oreilles du DRS ont donc été données à El Hamel, ses mains à un ou deux hommes d'affaires, ses pieds à l'armée, son ventre n'est plus l'ANEP et la pub, ses épaules ont moins de galons, son nez a été ensablé, son pseudonyme à un conseiller à la Présidence, ses yeux mis à la retraite et sa tenue a été mise en lambeau par Saïdani.
Il reste la tête. Posée sur un mur.
Le Quotidien d'Oran
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