Des mots déplacés, des regards insistants, parfois même des attouchements. C’est ce que les Algériennes subissent chaque jour dans les rues de la capitale et des autres villes du pays. Qu’elles soient célibataires, mariées, voilées ou pas, elles sont victimes d’harcèlement dans les rues et en souffrent. C’est dans ce contexte que le projet de loi sur les violences faites aux femmes est toujours bloqué au Sénat. Témoignages.
Une femme, une histoire
Nabila Nedjar a grandi à Constantine. Pendant longtemps, elle a été victime de harcèlement dans les rues de sa ville. La première fois, elle avait à peine 17 ans. Un homme l’a suivie pendant une demi-heure, lui a touché la poitrine, et lui a craché à la figure quand elle a essayé de se débattre. De ce jour, elle garde un souvenir amer.
« Cet événement a été un déclic qui m’a fait comprendre que nous, femmes, devions nous battre toutes seules pour survivre dans cette société patriarcale et machiste », témoigne-t-elle. « Et ce jour-là, j’étais habillée en jeans, basket et t-shirt ample », précise-t-elle. Des histoires similaires, elle en a des dizaines à son compte. Elle n’hésite pas à les partager dans sa « chronique machisme ordinaire » sur les réseaux sociaux. Une manière de se libérer et de dénoncer ce que beaucoup d’hommes trouvent « normal ».
À 25 ans, Célia travaille à Didouche Mourad, la célèbre rue du centre d’Alger, là où les hommes, jeunes ou moins jeunes, jouent aux « Hitistes » à longueur de journée. Chaque jour, elle arpente cette rue. Elle fait face à des remarques, des commentaires obscènes et parfois même à des attouchements. « Chaque jour est un cauchemar. Quand on parle, j’en fais abstraction. Mais quand on me touche la poitrine, les fesses ou même ailleurs, j’ai du mal à m’en remettre », affirme-t-elle d’une petite voix. Célia n’est malheureusement pas un cas isolé Chaque jour des dizaines de filles subissent la même oppression de la part de ces hommes « frustrés ».
« J’ai mis le voile à cause d’eux »
Zohra est originaire de Bejaïa. Depuis deux ans, elle est installée à Alger. Pour elle, la capitale était synonyme de liberté, d’ouverture d’esprit et de sorties en tous genre. Au bout de deux mois, la réalité la rattrape. « La première fois que j’ai mis une jupe courte, j’ai cru qu’on allait me violer », confie-t-elle. « À midi, je suis rentrée en courant pour me changer », ajoute-t-elle.
Six mois plus tard, elle met le voile, les propos haineux et sexistes de certains hommes ont eu raison d’elle. En se voilant, elle voulait paraître discrète, passer inaperçue et ne plus rien subir, mais cette fois-ci encore, elle tombe de haut. « Rien n’a changé ! J’ai mis le voile à cause d’eux. Mais finalement, ce n’est pas les jupes, shorts ou décolletés qui poussent ces hommes à être comme ça. Il suffit d’être une femme pour vivre l’enfer », dit-elle
Le stress que cela engendre
Dalila Imaren Djerbal est sociologue. Elle fait partie du réseau Wassila Avife pour le droit des femmes. Selon elle, « le harcèlement sexuel dans les rues coûte en stress, en humiliation pour la femme. Pour les hommes, ils considèrent le harcèlement comme une joyeuse manière de draguer, de passer du temps, de montrer qu’on est un homme ».
Régulièrement, des victimes appellent le réseau pour se confier. Une d’entre elles ne peut plus sortir sans être accompagnée par un de ses parents, et ce même quand elle a commencé le travail. Plus que du stress, c’est la peur d’être agressée qui envahie certaines filles.
Pour sortir, certaines filles réfléchissent au préalable au chemin qu’elles vont emprunter et aux habits qu’elles vont porter. C’est le cas de Sarah, 35 ans, qui planifie chaque sortie depuis des années. Cette jeune femme a été traumatisée par ceux qu’elles appellent « S’hab El Redjla », après avoir refusé les avances d’un homme, celui-ci l’a giflée. Pendant deux ans, elle a été suivie par un psychologue. « Je regarde toujours derrière moi quand je marche, cela peut être banale pour certaines, mais moi j’ai été traumatisée », explique-t-elle.
« Certaines filles considèrent le harcèlement dans les rues comme le prix à payer pour sortir, travailler… Se plaindre, c’est risquer de s’entendre dire par la famille : tu n’as qu’à rester à la maison », affirme Dalila Imaren Djerbal.
Par Ghania Berki TSA
Une femme, une histoire
Nabila Nedjar a grandi à Constantine. Pendant longtemps, elle a été victime de harcèlement dans les rues de sa ville. La première fois, elle avait à peine 17 ans. Un homme l’a suivie pendant une demi-heure, lui a touché la poitrine, et lui a craché à la figure quand elle a essayé de se débattre. De ce jour, elle garde un souvenir amer.
« Cet événement a été un déclic qui m’a fait comprendre que nous, femmes, devions nous battre toutes seules pour survivre dans cette société patriarcale et machiste », témoigne-t-elle. « Et ce jour-là, j’étais habillée en jeans, basket et t-shirt ample », précise-t-elle. Des histoires similaires, elle en a des dizaines à son compte. Elle n’hésite pas à les partager dans sa « chronique machisme ordinaire » sur les réseaux sociaux. Une manière de se libérer et de dénoncer ce que beaucoup d’hommes trouvent « normal ».
À 25 ans, Célia travaille à Didouche Mourad, la célèbre rue du centre d’Alger, là où les hommes, jeunes ou moins jeunes, jouent aux « Hitistes » à longueur de journée. Chaque jour, elle arpente cette rue. Elle fait face à des remarques, des commentaires obscènes et parfois même à des attouchements. « Chaque jour est un cauchemar. Quand on parle, j’en fais abstraction. Mais quand on me touche la poitrine, les fesses ou même ailleurs, j’ai du mal à m’en remettre », affirme-t-elle d’une petite voix. Célia n’est malheureusement pas un cas isolé Chaque jour des dizaines de filles subissent la même oppression de la part de ces hommes « frustrés ».
« J’ai mis le voile à cause d’eux »
Zohra est originaire de Bejaïa. Depuis deux ans, elle est installée à Alger. Pour elle, la capitale était synonyme de liberté, d’ouverture d’esprit et de sorties en tous genre. Au bout de deux mois, la réalité la rattrape. « La première fois que j’ai mis une jupe courte, j’ai cru qu’on allait me violer », confie-t-elle. « À midi, je suis rentrée en courant pour me changer », ajoute-t-elle.
Six mois plus tard, elle met le voile, les propos haineux et sexistes de certains hommes ont eu raison d’elle. En se voilant, elle voulait paraître discrète, passer inaperçue et ne plus rien subir, mais cette fois-ci encore, elle tombe de haut. « Rien n’a changé ! J’ai mis le voile à cause d’eux. Mais finalement, ce n’est pas les jupes, shorts ou décolletés qui poussent ces hommes à être comme ça. Il suffit d’être une femme pour vivre l’enfer », dit-elle
Le stress que cela engendre
Dalila Imaren Djerbal est sociologue. Elle fait partie du réseau Wassila Avife pour le droit des femmes. Selon elle, « le harcèlement sexuel dans les rues coûte en stress, en humiliation pour la femme. Pour les hommes, ils considèrent le harcèlement comme une joyeuse manière de draguer, de passer du temps, de montrer qu’on est un homme ».
Régulièrement, des victimes appellent le réseau pour se confier. Une d’entre elles ne peut plus sortir sans être accompagnée par un de ses parents, et ce même quand elle a commencé le travail. Plus que du stress, c’est la peur d’être agressée qui envahie certaines filles.
Pour sortir, certaines filles réfléchissent au préalable au chemin qu’elles vont emprunter et aux habits qu’elles vont porter. C’est le cas de Sarah, 35 ans, qui planifie chaque sortie depuis des années. Cette jeune femme a été traumatisée par ceux qu’elles appellent « S’hab El Redjla », après avoir refusé les avances d’un homme, celui-ci l’a giflée. Pendant deux ans, elle a été suivie par un psychologue. « Je regarde toujours derrière moi quand je marche, cela peut être banale pour certaines, mais moi j’ai été traumatisée », explique-t-elle.
« Certaines filles considèrent le harcèlement dans les rues comme le prix à payer pour sortir, travailler… Se plaindre, c’est risquer de s’entendre dire par la famille : tu n’as qu’à rester à la maison », affirme Dalila Imaren Djerbal.
Par Ghania Berki TSA
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