Annonce

Réduire
Aucune annonce.

D’où vient l’islamophobie ?

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • D’où vient l’islamophobie ?

    Si l’Europe ne saurait être réduite à l’islamophobie, il reste que Les a priori négatifs envers les musulmans remontent à une époque bien antérieure au discours occidental contre « l’Axe du mal »

    La majorité écrasante de nos contemporains arabes et musulmans vouent un sentiment à la fois estampillé du sceau de la fascination et empreint de victimologie envers l’Occidental, le Nasrani, le Gaouri. Des milliers d’écrits ont consigné par le menu ce sentiment mitigé fait d’une fascination-répulsion dont les manifestations se déploient autour de la Palestine, de l’Irak ou encore de l’Afghanistan. Qu’en est-il, en revanche, de l’image de l’Arabe, du Musulman dans l’imaginaire collectif européen ? Nous avons convoqué la littérature, la philosophie, le patrimoine théologique européens pour « profiler » l’Arabe et le Musulman tels que perçus au nord de la Méditerranée depuis le Moyen-Âge jusqu’à nos jours.

    En effet, l’image d’ « el Mauro » barbare, polygame, machiste, misogyne, fruste, rustre, jouisseur, insensible, brigand, roublard, inculte, etc., continue, aujourd’hui encore, à opérer dans l’imaginaire collectif européen. Les propos tenus par Silvio Berlusconi sur l’« infériorité de la civilisation islamique », à la veille de l’occupation de l’Irak par la coalition américano-britannique, participent de ce credo. Une randonnée dans les différentes époques de l’histoire européenne permet de prendre la mesure d’une telle hostilité envers le Musulman et plus particulièrement l’Arabe. En vérité, jusqu’à une date relativement récente et que l’on situera au lendemain de la Seconde guerre mondiale, les différents dictionnaires français n’étaient pas en reste sur ce chapitre. Celui de la langue française du XVIe siècle définit ainsi l’Arabe : « homme avide d’argent ». Celui de 1690 confirme : « Subs. masc. et fém. Avare, cruel, tyran. Quand on a affaire à des sergents, ce sont des Arabes qui tirent jusqu’au dernier sou. Les hôteliers de Hollande sont des Arabes, ils rançonnent leurs hôtes. Cet usurier est un Arabe envers ses créanciers, il ne leur lâche rien ». Même le Dictionnaire de l’Académie de 1888 ose cette définition : « Un homme qui prête son argent à un intérêt exorbitant, ou qui vend excessivement cher, ou qui exige avec beaucoup de dureté ce qu’on lui doit ».

    S’adressant à Frédéric II, roi de Prusse, dans une lettre datée du 7 avril 1770, Voltaire déclare : « Vous avez trouvé le secret d’être le défenseur, le législateur, l’historien et le précepteur de votre royaume. Je défie qu’on en dise autant de Moustapha (Mustapha III, sultan ottoman en guerre contre la Prusse, ndlr). Vous devriez bien vous arranger pour attraper quelques dépouilles de ce grand cochon : ce serait rendre service au genre humain ». Le 26 novembre de la même année, il écrit à Catherine II, impératrice de Russie : « Je vois qu’on obligera ce gros Moustapha à vous demander la paix. Mais au nom de Jésus-Christ notre sauveur, faites-la lui payer très cher (…). Les Turcs apprennent l’arabe tout au plus. Je connais des souveraines, fort supérieures en tout aux Moustapha, qui parlent plusieurs langues en perfection ». Dans Mahomet, Voltaire donne du Prophète l’image d’un blasphémateur, d’un « escroc des âmes ». Aux yeux du philosophe, l’islam apparaît – déjà ! – comme une force du passé, une idéologie où la stratégie hégémonique est indissociable de la foi.

    En cela, le « mahométanisme » représente le mal absolu. Les traductions du Coran antérieures à 1840 se caractérisaient par une partialité frôlant le ridicule et l’image du Prophète était truffée de qualificatifs réducteurs, sinon grotesques. Bien auparavant, la « traduction » d’ « Alcoran » par Maracci, en 1698, exprime cette hostilité ambiante à l’égard de l’islam.

    Dès le Moyen-Age…

    En effet, dès le XIVe siècle, le chroniqueur Jean de Joinville rapporte : «Les Bédouins ne demeurent ni en ville ni en cité, ni en château, mais vivent dans les champs (…). Ce sont des gens laids et hideux à regarder, car les cheveux des têtes et des barbes sont noirs ». Martin Luther, le père du protestantisme, dira : « Les Musulmans n’ont ni la parole de Dieu, ni des prédicateurs pour la leur annoncer, ce sont des cochons grossiers et immondes qui ne savent pourquoi ils vivent ni ce qu’ils croient. S’ils avaient des prédicateurs de la parole divine, ces cochons-là, du moins quelques-uns d’entre eux, se transformeraient peut-être en hommes ». L’écrivain Jean-Louis Guez de Balzac (1595-1654) affirme quant à lui : « Tout le dessein de la religion de Mahomet se rapporte à la victoire ; ses prophéties ne sont favorables qu’aux Conquérants ; la plupart de ses lois sont des ordonnances militaires : il ne reconnaît pour siens que les violents et les injustes » (in Le Prince, 1660). Le père François Garasse (1585-1631), fameux polémiste, prétend pour sa part que « Mahomet a fait une très rigoureuse défense à ses religionnaires de parler de leur religion, principalement à des personnes plus habiles qu’eux, de peur que, voyant les défauts et brutalités fréquentes qui sont en son Alcoran, ils ne vinssent à ouvrir les yeux et recevoir quelque favorable rayon du Saint-Esprit » (in Doctrine curieuse des beaux esprits, 1623).

    Plusieurs siècles auparavant, le ton était déjà donné : au moment même où le penseur mystique judéo-arabe Bahya Ibn Paqûda, à l’instar du grand Mohyieddine Ibn Al Arabi, s’attelait, au moyen de ses célèbres Unité et Amour et Ani va hou (« Je suis Lui »), à harmoniser Elohim, Allah et la Trinité en un « surmoi » unique, le Pape Urbain II crie : « Quelle honte ne serait-ce pas pour nous si cette race infidèle, si justement méprisée, dégénérée de la dignité humaine et vile esclave du démon, l’emportait sur le peuple élu du Dieu Tout-Puissant ? » (prêche de Clermont, 1095). Dans sa Divine comédie, écrite en 1321, et qu’on dit pourtant inspirée de la Lettre du Pardon d’Al Ma’arri, Dante décrit ainsi le séjour du Prophète aux Enfers : « Jamais tonneau fuyant par sa barre où sa douve ne fut troué comme je vis une ombre, ouverte du menton jusqu’au trou qui pète. Ses boyaux pendaient entre ses jambes ; on voyait les poumons et le sac affreux qui fabrique la ***** avec ce qu’on avale. Tandis que je m’attache tout entier à le voir, il me regarde et s’ouvre la poitrine en me disant : « Vois comme je me déchire : vois Mahomet comme il est estropié  »».

    En 1667, Boileau enjoint, dans ses Satires : « Endurcis-toi le cœur. Sois Arabe, corsaire,/ Injuste, violent, sans foi, double faussaire./ Ne va point sottement faire le généreux ». Le philosophe Pascal n’échappe pas non plus au concert des a priori : « Tout homme peut faire ce qu’a fait Mahomet, car il n’a point fait de miracle, il n’a point été prédit », assène-t-il dans ses Pensées sur la religion (1662).

    « Lumières » et obscurité

    En vérité, le siècle des Lumières est paradoxalement celui où la volonté de « régler son compte au mahométanisme » est la plus franche. Voltaire, le penseur le plus emblématique du XVIIIe siècle, n’est pas le moins virulent dans le registre de l’islamophobie : « Le Coran est une rhapsodie sans liaison, sans ordre, sans art (…). Il faut toujours avec le vulgaire prendre le parti le plus incroyable » (in Dictionnaire philosophique, 1764). De même, dans une lettre à Sophie Volland datée de 1759 : « Mahomet, dans ses premiers combats en Arabie contre les ennemis de son imposture, faisait tuer sans miséricorde ses compatriotes réticents ». Les joutes anti-islamiques voltairiennes se comptent par centaines, sinon par milliers. Elles parcourent sa « philosophie », ses œuvres de fiction, sa correspondance et ses prises de position. Au point que Flaubert écrit en 1860 : « On va envoyer contre les Musulmans des soldats et des canons. C’est un Voltaire qu’il leur faudrait ! ».

    Diderot a des mots tout aussi « croustillants » à l’égard du livre, du culte et du prophète des Musulmans. « L’Alcoran fut le seul livre de la nation pendant des siècles. On brûla les autres », lit-on dans l’Encyclopédie Diderot et d’Alembert. Ou encore : « Il n’y a point de secte que les Musulmans haïssent autant que la chrétienne » ; « Un islamiste intolérant avait attenté à la vie d’un philosophe dont il suspectait la croyance (…). Il (le philosophe) se contenta de le réprimander doucement et de lui dire : « Tes principes te commandent de m’ôter la vie ; les miens me commandent de te rendre meilleur (…). » C’est ainsi qu’il en faudrait user avec les peuples à convertir, faire précéder le missionnaire du géomètre ». Diderot se doute-t-il qu’il décrit là la stratégie que le colonialisme empruntera un siècle plus tard ? « Il est un reproche plus grave qu’on fait aux Arabes, et dont il est difficile de les justifier, c’est un fonds de cruauté qui leur fait répandre sans fruit et sans remords le sang humain », soutient le même Diderot qui, après avoir constaté fort justement que « Mahomet ne savait ni lire ni écrire », ira jusqu’à en tirer cette conclusion franchement raciste : « …de la haine des premiers Musulmans contre toute espèce de connaissance ; le mépris qui s’en est perpétué chez leurs successeurs ; et la plus longue garantie aux mensonges religieux dont ils sont entêtés » (in Additions aux pensées philosophiques, 1746). Il s’interroge : « Pourquoi les miracles de Jésus-Christ sont-ils vrais, et ceux d’Esculape, d’Apollonius, de Tyrane et Mahomet sont-ils faux ? » (ibid).

  • #2
    suite

    Dans son fameux Esprit des lois, Charles de Secondat, baron de Montesquieu, affirme : « Les Arabes, peuple brigand, se faisaient souvent des injures et des injustices ». « Heureuse l’ignorance des enfants de Mahomet ! », s’exclame-t-il dans les Lettres Persanes, parues en 1721. Ou encore : « Ce sont bien d’autres larmes, celles de ces Arabes qui pleurèrent de douleur de ce que leur général avait fait une trêve qui les empêchait de répandre le sang des Chrétiens » (in Grandeur et décadence des Romains, 1734). Claude Adrien Helvétius risque, pour sa part : « Il (le Coran) est obscur, inintelligible ; et tel est l’aveuglement humain qu’on regarde encore comme divin un ouvrage où Dieu (…) auteur de phrases inintelligibles sans le commentaire d’un imam, n’est proprement qu’un législateur stupide dont les lois ont toujours besoin d’interprétation. Jusqu’à quand les Musulmans conserveront-ils tant de respect pour un ouvrage si rempli de sottises et de blasphèmes ? » (in De l’homme, 1771). Auparavant, Helvétius avait déjà décrété : « Les Arabes ont toujours été plus adonnés au vol et à la piraterie qu’à la culture des terres » (in De l’Esprit, 1758).

    Jean-Jacques Rousseau n’échappe pas au même travers : « Une religion (l’islam) si ridicule ne peut, sans doute, se soutenir que par l’ignorance » (in Sur les sciences et les arts, 1750). Même Condorcet, figure emblématique de l’humanisme de la Révolution française, succombe au piège de l’anti-islamisme primaire. En effet, bien qu’ami des Juifs, des Noirs et des Protestants, le marquis a des mots pour le moins malheureux à l’encontre de la religion et du prophète des Musulmans : « La religion de Mahomet (…) a condamné à l’esclavage, à une incurable stupidité, toute cette vaste portion de la terre où elle a étendu son empire » (in Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, 1794). Il écrit encore : « Mahomet débite un ramas de fables qu’il dit avoir reçu du ciel ; mais il gagne des batailles ». Certes, Condorcet ne peut être accusé de racisme, cela ferait à juste titre sourire sinon grincher tout historien honnête, mais l’ethnocentrisme à l’égard des aires extra-européennes transparaît, parfois majestueusement, dans nombre de ses écrits.

    En alignant toutes ces citations, nous prétendons confirmer le fait que les ténors de la pensée du XVIIe et surtout du XVIIIe siècles épousaient largement les a priori d’un imaginaire fortement hostile à l’Arabe et au Musulman. Le postulat qui fait du corpus des valeurs provenant de la galaxie arabo-musulmane un obstacle central au progrès humain ne date donc pas… des guerres d’Afghanistan ou du Golfe ! Il vient d’une époque où la Renaissance européenne se confond quasi-spontanément avec l’abolition de la suprématie islamique subie tout au long du Moyen-Age.

    Du mépris à la colonisation

    Le XIXe siècle européen entérine cette tradition d’opposition à toute prise en considération du patrimoine civilisationnel arabo-islamique. Une anthologie de la pensée anti-arabe et anti-islamique du XIXe siècle serait si volumineuse que plusieurs ouvrages ne pourraient la contenir. Aussi nous contentons-nous de citer les auteurs les plus emblématiques de ce siècle au chapitre de l’image extrêmement négative de l’Arabe musulman. A quelques rares exceptions, les intellectuels les plus représentatifs de cette époque tombent dans le piège de l’« évolutionnisme » qui a servi de socle idéologique au colonialisme européen, notamment français. En effet, en dehors de Lamartine et de Stendhal, la quasi-totalité des grandes plumes engagées du siècle, qu’elles soient d’inspiration sociale (Zola, Balzac, Hugo) ou philosophique, ne voyaient pas grand chose à redire à l’asservissement – au nom du « progrès » – des peuples musulmans du sud de la Méditerranée. Le modernisme, conforté par le machinisme triomphant, ne peut s’embarrasser de l’application des premiers articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ! Balzac fait ainsi dire à l’un de ses héros : « Nous croyons que Mahomet est un imposteur, que son Coran est une réimpression de la Bible et de l’Evangile, et que Dieu n’a jamais eu la moindre intention de faire de ce conducteur de chameaux son prophète » (in La Muse du département, 1843).

    Dans ses Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand écrit en 1841 cette malheureuse phrase : « Tous les éléments de la morale et de la société politique sont au fond du christianisme, tous les germes de la destruction sociale sont dans la religion de Mahomet ». Près de quatre décennies auparavant, il soutenait déjà : « Les Maures, que Charles Martel extermina, justifient les croisades » (in Le Génie du christianisme, 1802). Dans le même sillage, il décrète que le peuple des Maures « avait toutefois dans sa religion qui admettait la polygamie et l’esclavage, dans son tempérament despotique et jaloux, il avait, disons-nous, un obstacle invincible aux Lumières et au bonheur de l’humanité ».

    En 1877, Gustave Flaubert définit ainsi le Livre des Musulmans : « Coran-livre de Mahomet où il n’est question que de femmes ». Recommandant chaudement la conquête de l’Egypte, il avance : « Il n’y a rien ici pour s’opposer à une invasion. Dix mille hommes suffiraient » (Correspondance, 1850). Après avoir affirmé que « le « batchi » (bakchich) et le coup de bâton sont le fond de l’Arabe », il préconise des mesures plus « concrètes » : « Je demande au nom de l’humanité à ce qu’on broie la « Pierre-noire » (Al Hajar Al Aswad, ndlr), pour en jeter les cendres au vent, à ce qu’on détruise La Mecque, et que l’on souille la tombe de Mahomet. Ce serait le moyen de démoraliser le fanatisme ». Victor Hugo, pour sa part, note en 1830 – année de l’occupation de l’Algérie – que « Cromwell, demi-fanatique et demi-politique, marque la transition de Mahomet à Napoléon ». Dix-sept ans après l’invasion de l’Algérie, il dira dans Choses vues : « Le Français est l’homme de la civilisation, l’Arabe est l’homme de la solitude ». Même Maupassant, pourtant réputé pour sa fascination pour l’Orient et qui a tant vécu sous son soleil, ne peut s’empêcher de qualifier les Arabes de « peuple nomade, inculte, presque incapable de civilisation, demeuré aujourd’hui tel qu’il était aux temps bibliques » (in Au soleil, 1884). Quant à Alfred de Vigny, il énonce une « sentence » digne de George W. Bush : « Nulle peuplade dorénavant n’aura le droit de rester barbare à côté des nations civilisées. L’islamisme (au sens de l’islam, ndlr) est le culte le plus immobile et le plus obstiné, il faut bien que les peuples qui le professent périssent s’ils ne changent de culte » (in Journal d’un poète, 1823).

    Le XIXe est, en vérité, un siècle bouillonnant : tandis que la révolution industrielle « roule ses mécaniques », les plus grandes théories économiques et sociopolitiques qui gouverneront longtemps les esprits et les territoires, incitant à piller les sols et les sous-sols du sud, fusent de toutes parts. Tel le concept actuel de « guerre préventive », la justification morale du colonialisme et même son institutionnalisation sont une « chose entendue » pour les esprits les plus brillants de l’époque. Alexis de Tocqueville n’écrit-t-il pas : « J’ai beaucoup étudié le Coran à cause surtout de notre position vis-à-vis des populations musulmanes en Algérie et dans tout l’Orient. Je vous avoue que je suis sorti de cette étude avec la conviction qu’il y avait eu dans le monde, à tout prendre, peu de religions aussi funestes aux hommes que celle de Mahomet » (in Lettre à Gobineau, 1843) ? Pierre-Joseph Proudhon est tout aussi attaché à la « désislamisation » du monde, comme nous l’apprennent ses Carnets (1846) : « L’Afrique, une fois affranchie de Mahomet et de la barbarie par les peuples chrétiens, redeviendra libre et indépendante (…) tel est le nouveau droit des gens ». Et Proudhon de prophétiser : « Dans trente ans, il y aura un million de Français sur le sol africain : partout les Arabes, Kabyles, Marocains se soumettront ; les comptoirs du commerce avançant toujours, l’Europe envahira peu à peu l’Afrique avec les affaires, les capitaux, les entreprises industrielles ; et quand besoin sera, par la guerre et la conquête ».

    L’islam exclu de la civilisation de l’universel

    Outre-Rhin, la « renaissance philosophique » n’épargne guère l’islam. Friedrich Hegel décrète ainsi que « l’islam a disparu depuis longtemps déjà du domaine de l’histoire universelle ». Explication : « L’abstraction dominait les mahométans (…). Cet enthousiasme (pour l’abstraction, ndlr) était du fanatisme pour une idée abstraite, qui se comporte négativement à l’égard de ce qui existe ». Le XIXe siècle est, en vérité, celui de la « revanche finale de l’Occident contre l’Orient », selon les termes de Abbas Mahmoud Al Aqqad (in « Nous et l’Occident », supplément culturel d’Al Akhbar, 1948). En effet, la pensée évolutionniste connaît son apogée : le racisme, l’antisémitisme, l’anti-islamisme et le colonialisme puisent dans les théories pseudo-scientifiques et délirogènes de la supériorité aryenne. Aussi, les missionnaires, les armées et les aventuriers de tout acabit, la conscience en paix, s’en sont allés, hors de la sphère occidentale, « civiliser » et « pacifier » allègrement les « peuplades barbares ». Malgré le militantisme libéral de certains Occidentaux minoritaires, le XXe siècle n’a pas non plus « failli » à la règle de la mise à l’écart, voire du mépris, de l’aire civilisationnelle arabo-musulmane. La première moitié du siècle dernier a vu la confrontation entre le nationalisme d’essence salafiste nord-africain et transarabe moyen-oriental, d’une part, et le colonialisme européen, d’autre part. On a vu ainsi les menaces jadis brandies par les hommes d’Eglise, identifiant Juifs, Turcs et Arabes à l’Antéchrist, purement et simplement avalisées par le suffrage universel. Soutenus par nombre d’« intellectuels » qui, plus tard, applaudiront Vichy et le national-socialisme et qui n’hésiteront pas à appeler à un engagement plus musclé dans les colonies, la majorité des politiques de la IIIe et de la IVe république bâtiront leurs carrières sur le credo de la préservation de l’Empire. Il a fallu attendre le milieu des années 1950 pour voir apparaître des positions anti-coloniales franches, émanant notamment d’intellectuels catholiques tels que François Mauriac ou Robert Barrat. On peut donc aisément constater qu’en France, par exemple, Jean-Marie Le Pen et consorts n’ont point innové dans l’instillation de la haine de l’Arabe et du Musulman. Une longue histoire faite de mépris les a formés à la « casse du bougnoule ».

    Zamane

    Commentaire

    Chargement...
    X