Mustapha Mekideche : « Il faut aller vers un grand emprunt national »
TSA - 12:21 lundi 31 août 2015 | Par Hadjer Guenanfa | Entretiens
Mustapha Mekideche est économiste et vice-président du Conseil national économique et social (Cnes). Dans cet entretien, il livre son analyse du discours prononcé par le Premier ministre samedi lors de la rencontre gouvernement-walis.
Que pensez-vous du discours prononcé par le Premier ministre lors de la réunion gouvernement-walis ?
Je pense que par rapport à l’ampleur et de la gravité de la situation financière, il y a une prise de conscience assez nette. Il y a un changement de ton qui est mesuré. Or il faudrait être plus réaliste en matière de riposte et entamer des réformes structurelles à la hauteur de l’ampleur de la crise. Et je pense que cela est déjà prévu à la prochaine étape. Soit dans la prochaine Loi des finances 2016, soit après la construction d’un consensus avec les partenaires sociaux et politiques. Nous devons anticiper les difficultés potentielles qui vont intervenir. La première est liée au déficit budgétaire qui risque de s’accroître avec la chute sensible de la fiscalité pétrolière. La réponse donnée et consistant à dévaluer le dinar risque de créer une certaine inflation qui pourrait poser problème aux entreprises et aux ménages. C’est pour ça que le Premier ministre a évoqué l’option d’un recours à un emprunt sur le marché international. Il faut rappeler que nous avons déjà eu recours à un endettement à l’extérieur dans les décennies précédentes.
Devrait-on prochainement recourir à un emprunt sur le marché international ?
Nous avons des réserves de changes qui sont encore importantes et qui pourront tenir encore pendant quatre ans. Ces réserves nous permettront d’absorber le déficit budgétaire. Mais on aura besoin de rationaliser le budget et revoir certains dispositifs notamment celui des transferts sociaux (subventions). À mon avis, la priorité est de mobiliser l’épargne nationale. Personnellement, je pense que le recours à l’emprunt national est d’actualité et il est plus urgent que le recours à l’emprunt sur le marché international. L’Arabie saoudite, qui a un déficit budgétaire historique de 150 milliards de dollars l’a fait. L’Égypte a eu recours à l’emprunt national pour financer le dédoublement du canal de Suez.
Dans quelle mesure l’Algérie pourrait être dans l’obligation de recourir à l’endettement extérieur ?
La limite temporelle de l’extinction de nos réserves de changes n’étant pas encore atteinte, le recours à l’emprunt sur le marché international n’est pas nécessaire pour le moment. Ceci dit, il peut y avoir des opérations industrielles qui peuvent être financées par le recours à l’endettement extérieur à un taux intéressant. Cela peut permettre d’accéder à des ressources en devises. Il faudrait que cela se fasse pour des projets industriels notamment dans le domaine des hydrocarbures.
Les objectifs fixés par Sellal pour 2016, à savoir un taux de croissance de 4,6 % et une baisse des dépenses publiques de près de 9 %, sont-ils réalisables ?
Une baisse des dépenses de près de 9 %, ce n’est pas beaucoup et ce n’est pas suffisant. Il est évident qu’une baisse de 9 % ne pourrait pas éponger le déficit budgétaire. Par contre, le Premier ministre a évoqué des priorités en matière d’investissements par exemple. Et là, je pense qu’il va falloir sortir de la philosophie ou du paradigme qui interdisait aux partenaires étrangers de ramener leurs financements et qui leur demandait de recourir au système bancaire local. Et pour atteindre un taux de croissance de 4,6 %, il va falloir enlever tous les obstacles à l’investissement (foncier, climat des affaires).
M. Sellal prévoit une baisse des dépenses tout en annonçant l’ouverture de près de 10 000 nouveaux postes budgétaires. Est-ce que ce n’est pas contradictoire ?
Il est problématique de promettre l’ouverture de postes dans l’administration au moment où il faudrait procéder à une rationalisation rigoureuse des dépenses publiques notamment de fonctionnement. À travers cette déclaration, le Premier ministre visait peut-être des secteurs comme la santé ou l’éducation. Mais est-ce qu’on pourra les financer ? Je pense qu’il va falloir faire forcément des arbitrages au détriment d’autres secteurs.
Sellal a dit qu’il faudrait compter très bien notre argent. Que faut-il comprendre ?
Il ne faut pas être naïf. Durant la période d’embellie financière, nous avons investi dans des éléphants blancs qui n’avaient aucune efficacité sociale ou économique sur le long comme sur le court terme. C’est pour ça qu’il va falloir bien sélectionner à l’avenir et hiérarchiser la nature et le type d’investissements publics à réaliser sur financement budgétaire. S’agissant des investissements publics financés par le marché, leur rentabilité ou leur efficacité est forcément et implicitement prise en charge.
TSA - 12:21 lundi 31 août 2015 | Par Hadjer Guenanfa | Entretiens
Mustapha Mekideche est économiste et vice-président du Conseil national économique et social (Cnes). Dans cet entretien, il livre son analyse du discours prononcé par le Premier ministre samedi lors de la rencontre gouvernement-walis.
Que pensez-vous du discours prononcé par le Premier ministre lors de la réunion gouvernement-walis ?
Je pense que par rapport à l’ampleur et de la gravité de la situation financière, il y a une prise de conscience assez nette. Il y a un changement de ton qui est mesuré. Or il faudrait être plus réaliste en matière de riposte et entamer des réformes structurelles à la hauteur de l’ampleur de la crise. Et je pense que cela est déjà prévu à la prochaine étape. Soit dans la prochaine Loi des finances 2016, soit après la construction d’un consensus avec les partenaires sociaux et politiques. Nous devons anticiper les difficultés potentielles qui vont intervenir. La première est liée au déficit budgétaire qui risque de s’accroître avec la chute sensible de la fiscalité pétrolière. La réponse donnée et consistant à dévaluer le dinar risque de créer une certaine inflation qui pourrait poser problème aux entreprises et aux ménages. C’est pour ça que le Premier ministre a évoqué l’option d’un recours à un emprunt sur le marché international. Il faut rappeler que nous avons déjà eu recours à un endettement à l’extérieur dans les décennies précédentes.
Devrait-on prochainement recourir à un emprunt sur le marché international ?
Nous avons des réserves de changes qui sont encore importantes et qui pourront tenir encore pendant quatre ans. Ces réserves nous permettront d’absorber le déficit budgétaire. Mais on aura besoin de rationaliser le budget et revoir certains dispositifs notamment celui des transferts sociaux (subventions). À mon avis, la priorité est de mobiliser l’épargne nationale. Personnellement, je pense que le recours à l’emprunt national est d’actualité et il est plus urgent que le recours à l’emprunt sur le marché international. L’Arabie saoudite, qui a un déficit budgétaire historique de 150 milliards de dollars l’a fait. L’Égypte a eu recours à l’emprunt national pour financer le dédoublement du canal de Suez.
Dans quelle mesure l’Algérie pourrait être dans l’obligation de recourir à l’endettement extérieur ?
La limite temporelle de l’extinction de nos réserves de changes n’étant pas encore atteinte, le recours à l’emprunt sur le marché international n’est pas nécessaire pour le moment. Ceci dit, il peut y avoir des opérations industrielles qui peuvent être financées par le recours à l’endettement extérieur à un taux intéressant. Cela peut permettre d’accéder à des ressources en devises. Il faudrait que cela se fasse pour des projets industriels notamment dans le domaine des hydrocarbures.
Les objectifs fixés par Sellal pour 2016, à savoir un taux de croissance de 4,6 % et une baisse des dépenses publiques de près de 9 %, sont-ils réalisables ?
Une baisse des dépenses de près de 9 %, ce n’est pas beaucoup et ce n’est pas suffisant. Il est évident qu’une baisse de 9 % ne pourrait pas éponger le déficit budgétaire. Par contre, le Premier ministre a évoqué des priorités en matière d’investissements par exemple. Et là, je pense qu’il va falloir sortir de la philosophie ou du paradigme qui interdisait aux partenaires étrangers de ramener leurs financements et qui leur demandait de recourir au système bancaire local. Et pour atteindre un taux de croissance de 4,6 %, il va falloir enlever tous les obstacles à l’investissement (foncier, climat des affaires).
M. Sellal prévoit une baisse des dépenses tout en annonçant l’ouverture de près de 10 000 nouveaux postes budgétaires. Est-ce que ce n’est pas contradictoire ?
Il est problématique de promettre l’ouverture de postes dans l’administration au moment où il faudrait procéder à une rationalisation rigoureuse des dépenses publiques notamment de fonctionnement. À travers cette déclaration, le Premier ministre visait peut-être des secteurs comme la santé ou l’éducation. Mais est-ce qu’on pourra les financer ? Je pense qu’il va falloir faire forcément des arbitrages au détriment d’autres secteurs.
Sellal a dit qu’il faudrait compter très bien notre argent. Que faut-il comprendre ?
Il ne faut pas être naïf. Durant la période d’embellie financière, nous avons investi dans des éléphants blancs qui n’avaient aucune efficacité sociale ou économique sur le long comme sur le court terme. C’est pour ça qu’il va falloir bien sélectionner à l’avenir et hiérarchiser la nature et le type d’investissements publics à réaliser sur financement budgétaire. S’agissant des investissements publics financés par le marché, leur rentabilité ou leur efficacité est forcément et implicitement prise en charge.
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