Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Kazakhgate: les juges sur la piste d'une commission occulte de 12 millions d'euros

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Kazakhgate: les juges sur la piste d'une commission occulte de 12 millions d'euros

    Kazakhgate: les juges sur la piste d'une commission occulte de 12 millions d'euros

    07 septembre 2015 | Par Yann Philippin

    Deux juges d'instruction, chargés de l'enquête pour corruption sur la vente d'hélicoptères au Kazakhstan en 2011, ont mis la main sur des emails où Eurocopter et sa maison mère EADS se disent prêts à verser une commission occulte de 4 % à un oligarque kazakh. Révélations sur les coulisses de ce sulfureux marché, où on retrouve plusieurs proches de l'ex-président Nicolas Sarkozy.

    L’affaire du Kazakhgate change de dimension. Selon des informations recueillies par Mediapart, les juges d’instruction Roger Le Loire et René Grouman, en charge de l’enquête pour « corruption d’agents publics étrangers » sur la vente de 45 hélicoptères d’Eurocopter au Kazakhstan, ont mis la main sur des documents explosifs concernant les dessous de ce juteux contrat conclu en 2011, pour lequel l’ancien président Nicolas Sarkozy et ses collaborateurs se sont personnellement impliqués.

    Lors d’une perquisition en septembre 2014 chez Eurocopter (rebaptisée depuis Airbus Hélicopters), les policiers ont mis la main sur un échange de mails dans lequel un dirigeant de la société écrit que la société et sa maison mère EADS (rebaptisée Airbus Group) sont « prêts à s’engager » à verser à l’oligarque Patokh Chodiev une commission occulte de 4 % sur le marché des hélicoptères kazakhs, soit environ 12 millions d’euros. Par ailleurs, dans une enquête du magazine Cash Investigation, diffusée ce lundi soir sur France 2, l’un des dirigeants d’Airbus Group, Jean-Pierre Talamoni, semble reconnaître que Chodiev a été payé par l’entreprise, avant de se raviser.

    Une chose est sûre : Chodiev a bien aidé Eurocopter au Kazakhstan. Et il a en parallèle bénéficié du soutien d’une cellule pilotée à l’Élysée pour mettre fin à l’amiable aux poursuites pour corruption dont il faisait l’objet en Belgique, la signature du contrat des hélicos étant conditionnée à la réussite de l'opération (lire ici l'enquête de Mediapart sur ce volet de l'affaire).

    Tout commence en 2008. Fort de l’argent que lui apportent ses gigantesques ressources minières, le Kazakhstan est devenu le nouvel eldorado des entreprises tricolores, qui se démènent pour tenter de signer des contrats, avec le soutien actif de l’Élysée. Au Château, cette diplomatie économique est pilotée par Damien Loras, le conseiller Asie centrale de Nicolas Sarkozy.

    Mais un marché franco-kazakh, portant sur la vente de deux satellites, donne bien du souci à l’Élysée, car il est disputé par le groupe franco-allemand EADS (avions Airbus, hélicoptères, fusée Ariane, armement) et l'électronicien tricolore Thales. « Quand deux boîtes françaises sont en concurrence, c’est la pire des configurations : c’est la guerre civile et on se bat à mort. Ça a été un vrai gâchis, car l’Élysée a longtemps laissé faire », a raconté à Mediapart un témoin direct de cette lutte fratricide. Il précise que Damien Loras avait, sans succès, « joué les intermédiaires entre EADS et Thales » pour tenter de trouver un compromis.

    C’est alors qu’intervient un personnage clé : Patokh Chodiev. Avec ses deux associés (on les surnomme « le trio »), cet oligarque kazakho-belge contrôle le plus gros groupe minier kazakh, ENRC. C’est aussi un très proche du dictateur local, Noursoultan Nazarbaïev. Fin 2008, Chodiev parvient à nouer des relations à la fois avec Damien Loras, qui gère depuis l’Élysée le volet politique des contrats, et avec l’état-major du groupe EADS. Lequel s’active à l’époque pour décrocher les satellites, mais aussi pour vendre 45 hélicoptères EC 145. Ironie de l'histoire: les tronçons de ces appareils, qui doivent être assemblés dans une usine kazakhe, sont fabriqués en Allemagne.

    Comme l’a révélé Mediapart, tout ce beau monde travaille main dans la main. Le 7 mai 2009, une rencontre a lieu entre les industriels et l’oligarque, dans la luxueuse villa de ce dernier, au cap Ferrat, sur la Côte d’Azur. Sur une photo que nous nous sommes procurée, on voit Chodiev deviser au bord de la piscine avec Jean-Pierre Talamoni, vice-président en charge du développement international d’EADS. Bras droit du numéro 2 du groupe, Marwan Lahoud, Talamoni est le supervendeur du géant franco-allemand, l’homme de l’ombre qui gère les coulisses de nombreux contrats export.

    Le 23 juillet suivant, Damien Loras et son supérieur, Jean-David Levitte, chef de la cellule diplomatique de l’Élysée, obtiennent un rendez-vous, toujours dans la villa azuréenne de l’oligarque, avec le président Nazarbaïev en personne. Il s’agit de préparer deux voyages à Astana : celui, en septembre, de Marwan Lahoud et Jean-Pierre Talamoni (accompagnés de Damien Loras) et la visite présidentielle de Nicolas Sarkozy au mois d’octobre.

    Chodiev semble décidément fort utile. Dans les mois qui suivent, il rencontre à trois reprises Talamoni dans des hôtels de luxe. Patokh Chodiev entretient aussi son amitié avec les hommes de l’Élysée, en offrant le 25 septembre 2009 un dîner à 11000 euros au très chic restaurant parisien L’Ambroisie, avec notamment Damien Loras. L’oligarque offre dans la foulée une montre à 44000 euros au conseiller Asie centrale de Sarkozy (1) et l’invitera par la suite à passer des vacances sur son yacht.

    Nicolas Sarkozy n’hésite pas à jouer les VRP. Dans un courrier du 3 juillet 2009 adressé à son homologue kazakh, révélé par le site d’information Owni, le président dresse sans complexes la liste des contrats qu’il souhaite voir aboutir lors de son voyage. Y figurent la vente de satellites par Astrium (filiale d’EADS) et le projet de « société conjointe dans le domaine des hélicoptères (Eurocopter-Samruk-Kazyna) ».

    Pour les hélicoptères, il va falloir patienter. Mais le 6 octobre 2009 à Astana, Sarkozy signe pour 1 milliard d’euros de contrats, dont celui des satellites, remporté par EADS au nez et à la barbe de Thales. Selon notre témoin de la bagarre, l’influence de Chodiev a pesé lourd dans la victoire du groupe franco-allemand. «Je pense que Chodiev a travaillé gratis, précise-t-il. Vu sa fortune, il est au-dessus du petit job d'intermédiaire. Ce qui l'intéressait, c'était d'être l'homme clé dans la relation économique entre la France et le Kazakhstan, avec l'espoir d'un renvoi d'ascenseur pour le groupe ou pour son affaire en Belgique.»

    L’affaire belge, c’est une procédure pour corruption qui menace de conduire Chodiev et ses deux associés en prison. Lors de leur tête-à-tête du 6 octobre, le président Nazarbaïev aurait justement demandé à Nicolas Sarkozy de tirer son ami Chodiev d’affaire outre-Quiévrain, en échange de 2 milliards de contrats supplémentaires… dont celui des hélicoptères. C’est ce que raconte l’ancien préfet Jean-François Étienne des Rosaies, à l’époque chargé de mission à l’Élysée, dans une note confidentielle au bras droit de Sarkozy, Claude Guéant.

    Le message est reçu cinq sur cinq au Château. D’autant que l’oligarque a prouvé sa valeur dans le contrat des satellites. Fin 2009, une cellule est constituée à l’Élysée pour sauver le soldat Chodiev en Belgique. Elle est supervisée par Damien Loras et Jean-François Étienne des Rosaies, aujourd’hui mis en examen pour corruption pour avoir touché 800000 euros de commissions présumées (2). Ce dernier recrute pour l’oligarque une avocate niçoise, Catherine Degoul, également mise en examen. Le secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant, est régulièrement informé. Il a reconnu sur France Info que le nom de l’avocate a été « suggéré » à Chodiev par l'Élysée.

    « Une commission de 4 % sur le montant hors taxe des contrats »

    En parallèle, les négociations se poursuivent au sujet des hélicoptères. Pour renforcer ses chances, Eurocopter s’appuie sur un très bon connaisseur du Kazakhstan : le sénateur (UDI) Aymeri de Montesquiou, à l'époque représentant spécial du président Sarkozy en Asie centrale, aujourd'hui mis en examen pour avoir touché, en marge de ce dossier, une commission présumée de 199000 euros (3). Tandis que Catherine Degoul, recrutée au départ par Chodiev pour son affaire belge, se retrouve vite mêlée au contrat des hélicos.

    Dans l’agenda de l’avocate, les juges ont trouvé la trace d’un déjeuner du 4 août 2010 qui rassemblait Catherine Degoul, le sénateur Montesquiou et deux autres personnes (4), «au sujet de marchés intéressant Thales et Eurocopter». «On a dû parler de marchés, mais pas en détail sinon j’aurais noté plus d’informations», a indiqué l’avocate aux juges d’instruction.
    Les choses se précisent une semaine plus tard. Dans une note manuscrite saisie à son cabinet, Catherine Degoul décrit un second rendez-vous, le 10 août 2010, au palace parisien Le Bristol, en compagnie d’« ADM » (Aymeri de Montesquiou), « JF » (Jean-François Étienne des Rosaies ?) et un troisième personnage (4). «Le satellite turkmen 0,4%. Tout le reste, Thales et autres 0,75%. Eurocopter/Agusta 4%», a noté Catherine Degoul.

    .../...
    Dernière modification par jawzia, 07 septembre 2015, 21h54.

  • #2
    A suivre

    .../...


    Interrogé par les juges, le sénateur Montesquiou a la mémoire qui flanche. « Je ne me rappelle pas cette réunion. Je ne dis pas qu’elle n’a pas eu lieu.» « Vous me demandez s’il s’agit du montant de commissions. Je ne sais pas, il s’agit peut-être de conditions de contrats mais pas forcément de commissions», a répondu pour sa part Catherine Degoul.

    Des mails, saisis lors d’une perquisition au site Eurocopter de La Courneuve, permettent d’y voir plus clair. Le 14 août, quatre jours après le rendez-vous du Bristol, Christian Gras, à l’époque vice-président d’Eurocopter en charge des ventes, écrit à plusieurs de ses collègues du groupe EADS, dont un certain Jean-Pierre, au sujet du contrat kazakh.

    « Jean-Pierre, il est évident et clair que si nous avons fait des progrès sur le dossier commercial (pour les raisons que tu connais), que l’agenda politique nous est favorable, il est à mon sens indispensable de s’assurer du soutien de quelques personnes (en dehors du premier ministre, je pense au gendre du président de la République) et qu’il est urgent qu’on puisse échanger en toute ouverture ensemble sur ce sujet. Comme je te l’avais suggéré, il pourrait être utile de se rendre sur place, éventuellement lors du voyage de DL [Damien Loras–ndlr] en septembre.»
    Christian Gras ne précise pas par quels moyens Eurocopter compte s’assurer du « soutien » de dirigeants kazakhs…

    Onze jours plus tard, le 25 août 2010, Catherine Degoul écrit au même Christian Gras : «En ma qualité d’avocat, je suis mandatée par les autorités kazakhes pour négocier les contrats entre elles et votre société et concernant plus particulièrement les contrats de vente d’hélicoptères. Préalablement à ces négociations, je vous remercie de bien vouloir me confirmer votre accord sur les trois points suivants.»

    Le premier point est une clause de confidentialité drastique. Le second porte sur les commissions : «Au nom et pour le compte d’Eurocopter, vous vous engagez à verser à la société agréée par les autorités kazakhes pour négocier les contrats à venir, dont je représente les intérêts, une commission de 4% sur le montant hors taxe des contrats de vente signés entre votre société et la république du Kazakhstan.» Soit exactement le pourcentage qui semble avoir été convenu auparavant au Bristol. Quant au troisième point, il s’agit des modalités de paiement. L’avocate précise que les commissions de 4% devront être versées par Eurocopter « à chaque règlement partiel de vos factures par les autorités kazakhes ».

    Le montant demandé est considérable. Sur ce marché, chiffré à l’époque par l'Élysée à 300 millions d’euros, cela représente environ 12 millions de commissions. Cela n’émeut pas le vice-président d’Eurocopter, qui répond le jour même: «En principe, les trois points que vous mentionnez me semblent réalistes. Toutefois, comme vous le comprendrez, je dois avoir une ou des preuves tangibles que vous représentez bien le Kazakhstan, et nous aurons besoin que nous soient identifiés quels intérêts plus particulièrement sont représentés.»

    Catherine Degoul et Christian Gras échangent ensuite par téléphone. Dans la soirée, l’avocate écrit un nouveau mail au vice-président d’Eurocopter pour lui apporter les précisions demandées: «Je vous confirme avoir été, en ma qualité d’avocat, officiellement mandatée par le trio industriel kazakh constitué de Pathok Chodiev» et ses deux associés. Elle donne le nom des deux sociétés offshore constituées par le trio pour recevoir les commissions. Et conclut en réclamant qu’Eurocopter lui envoie le contrat « aux fins de finalisation ».

    Le responsable commercial d’Eurocopter répond dès le lendemain : «Je vous confirme qu’Eurocopter et EADS sont prêts à s’engager auprès de vos clients, dans les conditions que vous avez bien voulu nous présenter précédemment, dès que les sociétés mentionnées nous indiquent une structure satisfaisant aux exigences de l’OCDE, et que nous ayons dans les jours qui viennent une preuve claire que vos clients puissent se manifester de façon directe ou indirecte aux projets considérés. Cela peut être à travers d’une réunion […] [à laquelle] serait présent un représentant d’EADS avec moi-même.»

    Lorsqu’il évoque l’OCDE, Christian Gras est bien conscient du risque juridique. Cette convention OCDE, ratifiée par la France en 2001, interdit les pots-de-vin à l’exportation. Les grands groupes ont le droit de rémunérer des hommes d’influence, mais à la condition que l’argent n’aboutisse pas au bout du compte dans les poches de dirigeants du pays visé. Or, dans les mails de son avocate, Patokh Chodiev ne se présente pas comme un facilitateur monnayant son carnet d’adresses, mais bien comme le représentant des « autorités kazakhes », mandaté pour négocier la vente des hélicoptères en échange de commissions.


    Le 27 octobre 2010, deux mois après ces échanges de mails, un protocole d’accord (non engageant) au sujet des 45 hélicoptères est signé à l’Élysée en présence de Sarkozy et Nazarbaïev, à l’occasion de la visite officielle du président kazakh. Comme l'a révélé Libération, une soirée de gala, financée par EADS et Eurocopter, s'est tenue le même jour dans les salons de l’hôtel d’Évreux. On y croise Nazarbaïev, Claude Guéant et une brochette de grands patrons. Le contrat ferme sera signé un an plus tard, le 27 juin 2011. Soit pile dix jours après que l’oligarque Chodiev a signé une transaction pénale en Belgique grâce à la cellule ad hoc pilotée par l’Élysée, dans des conditions controversées.

    Eurocopter, devenu Airbus Helicopters, a-t-il finalement versé les 4% prévus pour obtenir le contrat? Si oui, où est allé cet argent? Sollicités par Mediapart, les avocats d’Airbus Helicopters se sont refusés à tout commentaire, tout comme les autres protagonistes de l’affaire (voir notre Boîte noire). En octobre 2014, la société avait déclaré que le contrat kazakh «a été et reste conduit de façon parfaitement légale et appropriée», sans versement de commissions.

    « Nous l'avions payé avant »
    Dans sa dernière enquête intitulée « Mon président est en voyage d'affaires », qui sera diffusée ce soir à 23h05 sur France 2, le magazine Cash Investigation a effectué une interview inédite qui complète nos révélations. Lors d’un voyage officiel de François Hollande à Astana, en décembre dernier, l’équipe de l'émission a réussi à aborder au débotté Jean-Pierre Talamoni, l’homme clé des contrats export d’EADS, devenu Airbus Group. Dans cet entretien improvisé, dont nous diffusons un extrait en avant-première (voir ci-dessous), Talamoni semble reconnaître que son groupe a payé Chodiev, avant de se raviser.

    Extrait de l'enquête de Cash Investigation sur le Kazakhgate, qui sera diffusée ce lundi soir sur France 2

    L’entretien porte d’abord sur la photo prouvant la rencontre de mai 2009 entre les deux hommes, dans la villa de l’oligarque au cap Ferrat. Lorsque Mediapart l’avait révélée, Talamoni nous avait fait la réponse suivante: «Si vous pensez que ce contrat se négocie avec un monsieur comme M. Chodiev, c'est une méconnaissance totale de ce genre d'affaires. En aucun cas nous n’avons discuté d'hélicoptères avec M. Chodiev. Il y a zéro commission.»

    Face au journaliste de Cash Investigation, le vice-président d’Airbus Group en charge du développement international commence par servir la même version. Il tente l’humour (avec Chodiev, « c’était sexuel »). Puis, après que La Marseillaise a retenti à Astana pour saluer le discours de François Hollande, Talamoni finit par reconnaître qu'il a discuté avec l'oligarque de la façon dont son groupe « pouvait pénétrer au Kazakhstan de façon intelligente […] toujours pareil, dans le respect des règles d’éthique, qui sont extrêmement importantes, c’est la valeur numéro 1 de notre société». Patokh Chodiev «est un type de bon conseil, dont je savais en plus qu’il était proche des milieux influents ici. Donc c’est la personne de bon conseil pour nous dire comment travailler», ajoute-t-il.

    Le journaliste l’interroge ensuite sur le fait que Chodiev a versé quelque 7,5 millions d’euros d’honoraires à son avocate niçoise, Catherine Degoul :

    « Il ne l’a peut-être pas payée parce que nous, nous l’avions payé avant
    , lâche Talamoni.— Et vous, vous l’aviez payé lui avant ?
    Jamais.
    Mais vous venez de le dire…
    Non, j’ai dit, c’est pas parce que nous l’avions payé avant que lui l’a payée. C’est ça que je veux dire.
    Vous aviez payé qui ?
    Je suis en train de vous dire que ce n’est pas parce que lui a payé son avocate que c’est parce que nous, nous l’avions payé avant. […] Vous faites des liens extraordinaires. Il aurait payé 7,5 millions parce que nous, nous l’aurions payé avant. Nous l'aurions, au conditionnel.»

    Talamoni a-t-il fait un aveu, avant de se rétracter en catastrophe ? Ou bien a-t-il suggéré le contraire de ce qu’il voulait dire ? Le vice-président d’Airbus Group, tout comme les dirigeants de sa filiale, Airbus Helicopters, n’ont pas encore été convoqués par les juges. À ce stade, aucune charge n’est reprochée aux deux sociétés.

    Les enquêteurs cherchent désormais à vérifier si les commissions mentionnées dans les mails saisis chez Airbus Helicopters ont finalement été versées. Ils ont trouvé une première piste. Chodiev a payé une partie des honoraires de Catherine Degoul (à hauteur d'un million d'euros) à partir d’un compte ouvert dans un petit établissement français, la banque Delubac. Coïncidence, parmi les administrateurs de cette banque, on retrouve deux personnalités mises en examen pour corruption dans l’affaire du Kazakhgate : le préfet des Rosaies, ex-conseiller de Sarkozy, et l’ancien sénateur (UDI) Aymeri de Montesquiou. Comme l’avait révélé Mediapart, Delubac leur a versé d’extravagantes rémunérations (144000 euros pour des Rosaies en 2010, 170000 pour Montesquiou en 2013), supérieures à celles en vigueur chez les administrateurs des géants du CAC 40.

    .../...
    Dernière modification par jawzia, 07 septembre 2015, 21h55.

    Commentaire


    • #3
      Suite et fin

      Le 30 juin dernier, les policiers de l’office central anticorruption (OCLCIFF) perquisitionnaient les bureaux parisiens de Delubac. Ils y ont fait deux découvertes intéressantes. Lorsque le compte qui a servi à rémunérer Me Degoul a été ouvert, ses titulaires « ont refusé de renseigner le document intitulé identification et informations concernant le client», notent les enquêteurs. C’est embarrassant pour Delubac, qui a, comme toutes les banques françaises, l’obligation de collecter cette information. Plus important encore, ce compte a reçu deux virements totalisant 1,25 million d’euros.

      L’argent vient d’une des deux sociétés offshore mentionnées dans un mail de Me Degoul à Eurocoper, qui devaient recevoir les commissions de 4% sur le marché des hélicos.

      Joint dimanche par Mediapart, Joël-Alexis Bialkiewicz, l’un des trois associés gérants de Delubac, nous a indiqué ne pas être en mesure de nous répondre immédiatement sur les raisons pour lesquelles l’ayant droit du compte n’aurait pas été renseigné: «Suite à votre appel, j’ai demandé le dossier, mais je ne l’ai pas encore.» Il ajoute que ce formulaire est rempli par les équipes du « back office », et que certains détails peuvent parfois échapper à la vigilance des associés.

      « Ce compte a été repéré par notre service interne antiblanchiment, qui avait posé un certain nombre de questions au client
      , précise Joël-Alexis Bialkiewicz. Notre service a examiné les mouvements entrants, qui venaient d’une société dans le domaine du minerai. Notre directeur juridique m’a dit que tous les mouvements avaient été justifiés par des factures cohérentes. »

      L’associé gérant assure que Delubac n’est en rien impliquée dans le Kazakhgate. «Nous sommes des gens honnêtes, nous n’avons pas d’implantation internationale ni de connexions politiques, nous n’avons aucune raison d’être mêlés à tout ça.» Il ajoute que le préfet Des Rosaies et le sénateur Montesquiou ont été recrutés avant que l’affaire n’éclate, pour «améliorer l’image» de la banque. Et que s’ils ont été très bien payés, c’est parce qu’ils l’auraient demandé.

      Quoi qu’il en soit, l’argent qui a transité chez Delubac ne vient probablement pas d'éventuelles commissions, car Chodiev l’a fait virer en mars 2010, cinq mois avant les échanges de courriels au sujet des 4%. Pour en avoir le cœur net, les juges vont maintenant devoir pister la trace de l’argent et des sociétés offshore de Chodiev. L’affaire du Kazakhgate est loin d’être terminée.

      Mediapart

      Commentaire

      Chargement...
      X