Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Le Prophète qui aimait les femmes

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Le Prophète qui aimait les femmes

    Le Prophète qui aimait les femmes
    Leili Anvar - publié le 26/08/2010
    Le Monde des Religions

    Au sein de la société patriarcale et misogyne de l’époque, les mesures que prend Muhammad en faveur des femmes apparaissent révolutionnaires. Véritables interlocutrices de leurs maris, les épouses sont aussi leurs égales au plan spirituel.

    Dans l’Arabie du VIIe siècle, comme dans nombre d’autres sociétés, la naissance d’une fille était loin de procurer la même joie que celle d’un fils. Exclues de la vie publique et des activités économiques, les filles ne pouvaient en effet pas contribuer à la subsistance d’une famille, ni évidemment continuer la lignée et réaffirmer par là la puissance virile du père. Elles n’étaient au mieux qu’une monnaie d’échange dans le complexe système tribal des Arabes. Il arrivait même - assez souvent pour que le Coran l’interdise sévèrement, au verset 59 de la sourate XVI - que l’on enterre vives les filles dans le sable du désert, afin de faire disparaître jusqu’au souvenir de leur naissance. C’est dans un tel contexte que se produit la Révélation coranique, à travers un prophète, Muhammad, qui de son propre aveu aima les femmes plus que tout au monde. Cet amour des femmes, le Prophète de l’islam l’a montré avec force dans ses actions, ses paroles et sa législation.

    De Khadija à Aïcha

    La vie du Prophète telle qu’elle est rapportée par la tradition le présente toujours entouré de femmes. À commencer par la première, Khadija, qui a demandé à l’épouser alors qu’elle avait une vingtaine d’années de plus que lui et qui a mis sa fortune et son intelligence au service de la mission prophétique de Muhammad. Elle sera la première à se convertir à la nouvelle religion et celle aussi qui confortera le futur prophète sur l’authenticité des messages qu’il reçoit. Bien qu’elle ne lui donne que des filles (il y a bien eu deux garçons mais qui sont morts en bas âge), tant qu’elle sera en vie, il se refusera à prendre une autre femme. Il sait qu’il peut compter sur elle en toutes circonstances et il est clair qu’il a besoin de ce compagnonnage pour continuer sa mission qui devient de plus en plus difficile avec le temps. Plus tard, il aura d’autres épouses et même en campagne, dit-on, il ne se déplaçait pas sans au moins l’une d’entre elles. Il ne manquait d’ailleurs pas de leur demander conseil en matière stratégique, au risque de choquer ses compagnons d’armes. Les femmes de l’entourage du Prophète furent très actives sur tous les plans. Sa deuxième épouse, Aïcha, est représentée par la tradition comme une véritable interlocutrice de Muhammad au point qu’après la mort de ce dernier, elle n’hésitera pas à débattre avec ses successeurs de questions touchant la tradition, devenant ainsi l’une des sources de l’établissement du corpus des « dits prophétiques ».

    Muhammad appréciait la compagnie des femmes, il aimait partager avec elles à la fois les bonheurs du couple et ses questionnements spirituels. L’ensemble des lois coraniques concernant la famille montrent d’ailleurs bien que le couple homme-femme en constitue le noyau, et que de son harmonie dépend le bonheur, aussi bien des individus et de la famille que de la société dans son ensemble. Car les femmes sont le « repos » des hommes. En elles et par elles, dans l’union conjugale (à la fois charnelle et spirituelle), ils peuvent se retrouver eux-mêmes et s’accomplir pleinement : « C’est l’un de Ses signes qu’Il a créé pour vous à partir de vous-mêmes des épouses pour que vous trouviez en elles le repos et Il a mis entre vous amour et miséricorde » (XXX, 21). On comprend alors que le Coran proclame clairement l’égalité spirituelle entre les hommes et les femmes (XLIX, 13), qui sont dotés à parts égales d’une âme, d’intelligence et de libre-arbitre. Les femmes sont soumises aux mêmes devoirs religieux que les hommes, et bénéficient donc des mêmes rétributions spirituelles. Chacun est individuellement responsable de ses actes comme de son destin spirituel et devra en répondre au jour du Jugement.

    En considérant le contexte, on peut qualifier de révolutionnaires les mesures prises en faveur des femmes par Muhammad. La première étant qu’il a donné aux femmes tout simplement un statut légal, c’est-à-dire des droits. Ce n’est pas un hasard si parmi les versets statuant sur des questions juridiques, ceux qui concernent les femmes sont les plus nombreux. Pris dans leur ensemble et évalués à l’aune de la situation des femmes à cette époque, il est clair qu’ils tendent à protéger les femmes et à leur donner une place à part entière au sein de la famille et de la société. C’est le cas des lois sur l’héritage par exemple, qui permettent aux femmes d’hériter alors qu’il n’en était pas question à l’époque préislamique. Certes, elles n’héritent que de la moitié de ce qui est accordé à leur frère, mais elles n’ont pas non plus la charge de subvenir aux besoins de la famille. Leur bien - gagné en travaillant ou reçu en héritage - leur appartient en propre. Ainsi en va-t-il aussi de la polygamie, aujourd’hui si sévèrement critiquée. En réalité, dans l’Arabie pré-islamique, elle était pratiquée sans restriction et sans aucune mesure de protection pour les femmes. Le prophète Muhammad a imposé des restrictions qui autorisent la polygamie quand il y a à cela une nécessité sociale (protection des veuves et des orphelins, particulièrement en temps de guerre), mais rendent de fait la polygamie impraticable si on veut appliquer l’esprit du Coran. En effet, elle n’est autorisée que si l’homme est sûr de pouvoir faire régner une équité parfaite entre les épouses, ce qui est, dans les faits, impossible. D’où le conseil : « Si vous craignez de ne pas être équitables, n’épousez qu’une seule femme » (IV, 3) - un conseil, il est vrai, que n’a jamais suivi Muhammad, époux de 11 à 13 femmes selon les sources.

    Un message très vite dévié

    Étant allé aussi loin qu’il lui était possible d’aller en matière juridique dans une société patriarcale et misogyne, Muhammad revient sans cesse, aussi bien dans le Coran que dans le hadith, sur la notion du « bien-agir ». Il enjoint les croyants à pratiquer plus que l’équité : la bonté, la bienveillance, la tendresse. Mais le message d’amour de ce prophète si résolument féministe fut très vite dévié de ses intentions premières dès la première génération de ses successeurs. Après la mort du Prophète, l’ordre patriarcal devait régner à nouveau. L’oppression des femmes reprit son cours. On n’osa certes pas rétablir la coutume de les enterrer vives, mais on les enterra sous d’épais voiles, chez elles, les condamnant, elles qui furent la consolation du Prophète Muhammad, à des siècles de silence et d’invisibilité.

    Leili Anvar
    Docteure en littérature, normalienne et maître de conférence aux Langues O’, elle est l’auteure de Rûmî (Entrelacs, 2004) et de Trésors dévoilés, anthologie de l’islam spirituel, avec Makram Abbès (Seuil, 2009).
    Dernière modification par shadok, 08 septembre 2015, 03h02.
    Le bon sens est la chose la mieux partagée du monde... La connerie aussi - Proverbe shadokien
Chargement...
X