Tribune de Genéve
Algérie«Dieu de l’Algérie», le chef des services secrets a été écarté. Reste à savoir quel genre de succession prépare le vieux président,
«C’est Mediène lui-même qui a demandé à partir à la retraite.» Un conseiller du président algérien Abdelaziz Bouteflika l’affirme: contrairement à ce qu’écrivent les médias, le chef de l’Etat n’a pas «limogé» le général Mohamed Lamine Mediène, alias «Toufik», patron depuis 25 ans du DRS, c’est-à-dire des services secrets.
Pourtant, le départ du militaire le plus influent du pays, surnommé «Reb Dzayer» (le Dieu de l’Algérie), apparaît comme un coup de grâce après deux ans de remaniements au sein des services de renseignements. Ce qui révèle, selon Akram Kharief, spécialiste des questions de défense et auteur du blog Secret Difa3, «une perte d’emprise réelle du DRS sur la vie politique et économique du pays».
Depuis 2013, Abdelaziz Bouteflika s’emploie en effet à rattacher une partie des services du DRS à l’état-major (dont le chef Ahmed Gaïd Salah est un de ses fidèles), à en dissoudre d’autres et à limoger voire arrêter plusieurs hauts gradés jusque-là considérés comme intouchables. «Le président veut rester dans l’histoire comme celui qui a enlevé le pouvoir à l’armée pour le rendre aux civils», admet un des courtisans de Zéralda (résidence médicalisée d’Abdelaziz Bouteflika).
Si les rivalités civilo-militaires sont ancrées dans les luttes de pouvoir depuis la guerre d’Indépendance, le désir de revanche du chef de l’Etat sur les militaires qui lui ont barré la route du pouvoir en 1978 pour finalement le lui accorder en 1999 n’est un secret pour personne. «Je ne veux pas être un trois quarts de président», avait-il déclaré, fraîchement élu. Comme l’avait fait jadis le président Boumediène, son mentor, il s’était aussi très vite accaparé le poste de ministre de la Défense en provoquant au passage ceux qui l’avaient fait roi, ces «sept chats qui font peur à tout un pays».
Dans les faits, le président se retrouve enfin seul au pouvoir, puisque le DRS démantelé (il ne lui reste que des prérogatives liées au renseignement) est à présent dirigé par Athmane Tartag, un général dont Abdelaziz Bouteflika avait fait son conseiller l’an dernier. Le président est à présent seul, surtout, à décider de son scénario de succession. «Soyons clairs, souligne le politologue Rachid Tlemçani, cette réforme du DRS ne va pas nous conduire vers plus de démocratie mais vers une concentration des pouvoirs entre les mains du chef de l’État. Car aussi bizarre que cela puisse paraître, Mediène jouait un peu le rôle de contre-pouvoir.»
Au DRS, où les pro-Mediène ont du mal à accepter le départ de leur chef et voir la «maison» affaiblie, un agent opérationnel nuance: «Bouteflika a peut-être dissous plusieurs départements du DRS, il n’a pas dissous ce qui est essentiel: le contre-espionnage et le renseignement. Il reste des agents traitants dans toutes les administrations, y compris dans l’entourage du premier ministre!» Un ancien du Malg (services secrets de la guerre d’Indépendance) l’affirme aussi: «Il est impossible de dissoudre l’ancêtre, comme on appelle entre nous les services de renseignements. Ils existaient avant Bouteflika, avant Toufik, et continueront après eux, car ils sont la matrice du pouvoir algérien.» Un collaborateur de Mediène prévient même avec colère: «Bouteflika a brisé la collégialité de la décision politique qui prévaut en Algérie depuis toujours. Qu’il ne s’imagine pas décider de sa succession comme il l’entend.»
T.G.V
Algérie«Dieu de l’Algérie», le chef des services secrets a été écarté. Reste à savoir quel genre de succession prépare le vieux président,
«C’est Mediène lui-même qui a demandé à partir à la retraite.» Un conseiller du président algérien Abdelaziz Bouteflika l’affirme: contrairement à ce qu’écrivent les médias, le chef de l’Etat n’a pas «limogé» le général Mohamed Lamine Mediène, alias «Toufik», patron depuis 25 ans du DRS, c’est-à-dire des services secrets.
Pourtant, le départ du militaire le plus influent du pays, surnommé «Reb Dzayer» (le Dieu de l’Algérie), apparaît comme un coup de grâce après deux ans de remaniements au sein des services de renseignements. Ce qui révèle, selon Akram Kharief, spécialiste des questions de défense et auteur du blog Secret Difa3, «une perte d’emprise réelle du DRS sur la vie politique et économique du pays».
Depuis 2013, Abdelaziz Bouteflika s’emploie en effet à rattacher une partie des services du DRS à l’état-major (dont le chef Ahmed Gaïd Salah est un de ses fidèles), à en dissoudre d’autres et à limoger voire arrêter plusieurs hauts gradés jusque-là considérés comme intouchables. «Le président veut rester dans l’histoire comme celui qui a enlevé le pouvoir à l’armée pour le rendre aux civils», admet un des courtisans de Zéralda (résidence médicalisée d’Abdelaziz Bouteflika).
Si les rivalités civilo-militaires sont ancrées dans les luttes de pouvoir depuis la guerre d’Indépendance, le désir de revanche du chef de l’Etat sur les militaires qui lui ont barré la route du pouvoir en 1978 pour finalement le lui accorder en 1999 n’est un secret pour personne. «Je ne veux pas être un trois quarts de président», avait-il déclaré, fraîchement élu. Comme l’avait fait jadis le président Boumediène, son mentor, il s’était aussi très vite accaparé le poste de ministre de la Défense en provoquant au passage ceux qui l’avaient fait roi, ces «sept chats qui font peur à tout un pays».
Dans les faits, le président se retrouve enfin seul au pouvoir, puisque le DRS démantelé (il ne lui reste que des prérogatives liées au renseignement) est à présent dirigé par Athmane Tartag, un général dont Abdelaziz Bouteflika avait fait son conseiller l’an dernier. Le président est à présent seul, surtout, à décider de son scénario de succession. «Soyons clairs, souligne le politologue Rachid Tlemçani, cette réforme du DRS ne va pas nous conduire vers plus de démocratie mais vers une concentration des pouvoirs entre les mains du chef de l’État. Car aussi bizarre que cela puisse paraître, Mediène jouait un peu le rôle de contre-pouvoir.»
Au DRS, où les pro-Mediène ont du mal à accepter le départ de leur chef et voir la «maison» affaiblie, un agent opérationnel nuance: «Bouteflika a peut-être dissous plusieurs départements du DRS, il n’a pas dissous ce qui est essentiel: le contre-espionnage et le renseignement. Il reste des agents traitants dans toutes les administrations, y compris dans l’entourage du premier ministre!» Un ancien du Malg (services secrets de la guerre d’Indépendance) l’affirme aussi: «Il est impossible de dissoudre l’ancêtre, comme on appelle entre nous les services de renseignements. Ils existaient avant Bouteflika, avant Toufik, et continueront après eux, car ils sont la matrice du pouvoir algérien.» Un collaborateur de Mediène prévient même avec colère: «Bouteflika a brisé la collégialité de la décision politique qui prévaut en Algérie depuis toujours. Qu’il ne s’imagine pas décider de sa succession comme il l’entend.»
T.G.V
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