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Comment l’Algérie se dirige vers un désastre économique

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  • Comment l’Algérie se dirige vers un désastre économique

    L’Algérie va au-devant d’une crise budgétaire sévère. Les perspectives sont moroses pour les finances publiques, en particulier dans un contexte d’effondrement des prix du pétrole auxquels l’Algérie est hyperdépendante. TSA a analysé les données budgétaires.

    Déficit de près de 20 milliards de dollars en 2015 (prévision)

    Le déficit budgétaire de l’Algérie s’est chiffré à 476,8 milliards de dinars sur les trois premiers mois de 2015, selon les données de la Banque d’Algérie. Dans sa dernière note de conjoncture, la même institution a relevé un déficit de 902,8 milliards en mai. À ce rythme, et en prenant en compte la baisse des prix du pétrole, le déficit semestriel devait se chiffrer à près de 1 100 milliards (les données officielles ne sont pas encore disponibles).
    Compte tenu de la conjoncture sur le marché du pétrole, les recettes pétrolières devraient baisser drastiquement. Le déficit total pour l’année 2015 devrait alors se situer entre 1 800 et 2 000 milliards de dinars au minimum, selon les prévisions d’économistes et d’experts.

    Le Fonds de régulation des recettes (FRR), alimenté par le différentiel entre les prix réels du pétrole et le prix de référence (37 dollars) pour le calcul de la fiscalité pétrolière, est en chute libre. Fortement sollicité pour combler le déficit de 2013 et surtout 2014, il a baissé de 33 % entre juin 2014 et juin 2015, à seulement 3 441,3 milliards de dinars selon la Banque d’Algérie. De quoi couvrir une année et demie de déficits au rythme actuel.

    Loi de Finances 2016 : un coup d’épée dans l’eau ?

    Pourtant, le gouvernement ne semble pas prendre la mesure de la gravité de la crise et des conséquences potentielles sur les finances publiques et sur l’économie du pays.
    Les dispositions contenues dans l’avant-projet de Loi de finances pour 2016, visant à augmenter les recettes fiscales, sont largement insuffisantes et ne permettent pas un réajustement du déficit budgétaire. En effet, même en étant excessivement optimistes, le déficit budgétaire sera toujours important en 2016.

    Démonstration

    Depuis 2010, la hausse moyenne des recettes ordinaires de l’État algérien est d’environ 20 % par an. En 2015, ces recettes fiscales sont prévues à un peu plus de 2 900 milliards de dinars. Soyons « généreux » et admettons que, grâce aux nouvelles dispositions fiscales (augmentation des taxes…), cette hausse des recettes va doubler d’une année sur l’autre en 2016, entraînant une hausse (invraisemblable) de 40 %…

    L’Algérie engrangerait alors des recettes fiscales ordinaires de 4 146 milliards de dinars. Une utopie, sachant que le taux de croissance du PIB devrait ralentir à 2,6 % en 2015, malgré une reprise à 3,9 % en 2016, selon les données du FMI.
    Dans le même temps, prenons une moyenne optimiste d’un prix du baril du pétrole à 55 dollars sur l’année. Nous aurions une fiscalité pétrolière similaire à l’année 2015, soit environ 1 700 milliards de dinars, au maximum. Ainsi, les recettes globales de l’État seraient proches des 5 850 milliards de dinars en 2016.

    En termes de dépenses, l’avant-projet de loi de finances prévoit des coupes sur les budgets de fonctionnement et d’équipements. Cependant, les dépenses totales prévues restent élevées et sont de l’ordre de 7 984,2 milliards de dinars. En réalité, l’État ne consomme qu’environ 95 % de son budget de fonctionnement et seulement 75 % du budget d’équipement. Ainsi, sur la base de ces taux, nous aurions des dépenses réelles de 6 950 milliards.

    Donc, en maximisant les recettes potentielles et en minimisant les dépenses budgétaires, nous atteignons un déficit non-négligeable de 1 100 milliards de dinars, soit 11 milliards de dollars, en 2016.Le gouvernement table sur une remontée des cours du pétrole

    Dans ce contexte, le gouvernement commet une erreur stratégique : il table sur une remontée « miraculeuse » des cours du pétrole dès l’année prochaine qui augmenterait les recettes de l’Algérie (fiscalité pétrolière). Or, rien n’indique pour l’instant une quelconque reprise des cours de l’or noir. Bien au contraire : la majorité des experts tend à prévoir une stagnation, voire une baisse accrue des prix du pétrole.

    Avec une demande mondiale en baisse, notamment avec le ralentissement de la croissance chinoise, le retour probable et imminent de l’Iran sur le marché pétrolier, en plus de la hausse progressive de la production irakienne, ainsi que la résilience inattendue des producteurs d’hydrocarbures de schistes américains, sans parler de l’intransigeance de l’Arabie Saoudite quant à une réduction de l’offre de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), sont autant d’éléments qui indiquent que les prix des hydrocarbures vont rester bas pour longtemps, autour des 50 dollars le baril.

    Certains, comme la banque d’affaires américaine Goldman Sachs voit même le baril à 20 dollars. Elle l’a expliqué cette semaine : « Le marché du pétrole est encore plus excédentaire que prévu et nous estimons aujourd’hui que ce surplus va persister en 2016 avec la poursuite de la croissance de la production de l’Opep, l’exploitation résiliente des pays non-membres du cartel et le ralentissement de la croissance de la demande, avec des risques d’une consommation encore plus faible compte tenu du ralentissement de la Chine et de son impact négatif sur les pays émergents ». Avant de conclure : « Bien que cela ne soit pas notre scénario de base, le potentiel pour que les prix du pétrole tombent à de tels niveaux, que nous estimons à environ 20 $ le baril, est de plus en plus grand alors que les stocks continuent à grossir ».

    Vers un ajustement violent et forcé en 2017

    Ainsi l’Algérie pourrait faire face à une situation extrêmement délicate dès 2017. Le FRR serait totalement épuisé à cette date. Avec un déficit record en 2015, suivi d’un autre, moindre mais substantiel en 2016, l’épargne de l’Algérie se verrait amputée d’au moins 30 milliards de dollars. En effet, l’État puise dans ce Fonds pour combler le déficit à 90 %. Le reste est tiré des « fonds de tiroirs » dans les circuits du Trésor, notamment à travers une récupération des budgets non-utilisés sur les comptes des collectivités locales.

    Ainsi, il resterait, à la fin de 2016, un maximum de 641 milliards de dinars. Dans le meilleur des cas. L’Algérie sera confrontée à deux choix douloureux : un plan d’austérité brutal, préparé dans la précipitation. Ou alors, recourir de nouveau à l’endettement extérieur en allant frapper à la porte du Fonds monétaire international (FMI). Là aussi, ces institutions internationales exigent des contreparties pour prêter de l’argent : les fameux plans d’ajustement structurels, souvent douloureux pour la population et humiliants pour les gouvernements.

    Ces deux scénarios ne sont pourtant pas farfelus. Ils sont parfaitement prévisibles. Une question se pose alors : à quoi joue le gouvernement ? Forcément conscient de ces possibilités, il aurait dû les intégrer dans ces plans à court et moyen termes.

    Or, l’avant-projet de Loi de finances pour 2016 ne semble pas en tenir compte. Bien que nos dirigeants aient fait un effort, ce dernier ne semble pas être à la hauteur de la situation. En effet, des mesures plus fortes auraient été nécessaires pour préparer un véritable changement dans le mode de gestion des deniers publics, mettre en adéquation les dépenses budgétaires avec nos recettes fiscales et adoucir la transition sur 2 ans (2016 et 2017).
    Reporter l’effort à 2017 ne fera qu’augmenter d’autant la violence du choc.
    TSA



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