Il souligne que “Cevital est un patrimoine national”
Rebrab : “Je ne comprends pas le blocage des investissements du groupe”
Dans un entretien accordé au journal électronique Tout sur l’Algérie (TSA), le président du goupe Cevital, Issad Rebrab, revient longuement et dans le détail sur les blocages dont souffrent ses projets d’investissement en Algérie et qui mettent à nu un énorme décalage entre le discours du gouvernement et la réalité. Usant d’un langage franc mais responsable, M. Rebrab a remis bien des pendules à l’heure lorsqu’il a évoqué le prétendu soutien du général Toufik dont il aurait bénéficié, selon une certaine presse, ou encore lorsqu’il a démenti la cession de 49% de Cevital à des entrepreneurs chinois.
Ci-dessous l’intégralité de l’entretien.
Avez-vous inondé le marché comme vous l’aviez annoncé pour faire face à la pénurie de sucre ?
Bien sûr, nous sommes en train d’inonder le marché. Pour la seule journée du 17 septembre, nous avons livré 5 995 tonnes de sucre alors que les besoins du marché national sont évalués à 3 500 tonnes par jour. Nous avons constaté qu’il n’y a eu aucun problème d’approvisionnement à l’ouest et au centre du pays. À l’Est, nous avons enregistré une demande plus importante que d’habitude dans les wilayas qui se trouvent sur les frontières avec la Tunisie et la Libye.
Comment expliquez-vous cette pénurie ?
Nous avons été confrontés à la même situation en 2013 avec le Printemps arabe en Libye. Nous pensons qu’une partie du sucre livré sur le marché a traversé les frontières et nous avons aujourd’hui réglé le problème en livrant davantage de sucre au niveau de ces régions.
Donc, il ne s’agit pas d’une réédition du scénario de 2011 ?
Beaucoup de gens croyaient qu’il y avait une pénurie de sucre et d’huile alors que ça n’a jamais été le cas. En 2011, les services du (ministère) Commerce, la gendarmerie et le fisc avaient créé une brigade. Celle-ci était allée contrôler les grossistes. Elle avait alors saisi toute marchandise dont les propriétaires ne disposaient pas de factures. Les grossistes s’étaient alors donné le mot et avaient baissé rideau. Un maillon de la chaîne de distribution a été rompu. Les épiceries et les supérettes n’étaient donc pas alimentées alors que nos distributeurs n’arrivaient pas à vendre leurs marchandises.
Cevital est régulièrement pointée du doigt. Pensez-vous qu’il y a une volonté de vous nuire ?
Je ne sais pas. Mais il y a quelque chose que je ne comprends pas. J’ai lu récemment un article indiquant que j’étais déstabilisé par la chute du général Toufik et que j’étais en négociation avec les Chinois pour vendre 49% des parts de Cevital. Pourquoi vais-je penser à vendre un fleuron comme Cevital à un étranger ou à des étrangers ? Dans tous les cas, il n’a jamais été question de vendre Cevital. Et si je voulais le mettre en vente, je le ferais via la Bourse d’Alger car je considère que Cevital est et restera un patrimoine national !
Étiez-vous proche du général Toufik ?
Si j’étais proche du général Toufik, mes projets n’auraient pas été bloqués. Je vous signale que certains de nos projets sont bloqués depuis une dizaine d’années. Ils pensent que nous sommes proches de lui parce que nous avons réussi. Dans leur esprit, on ne peut pas réussir sans être proches du pouvoir.
Abdelmalek Sellal a appelé les Algériens à travailler davantage. Pensez-vous qu’il sera entendu ?
Je pense qu’il doit commencer par régler le problème des projets qui sont bloqués actuellement et dont il est au courant. La bureaucratie et les blocages ne sont pas au niveau des fonctionnaires mais au plus haut niveau de l’État ! En décembre 2012, Abdelmalek Sellal avait dépêché une commission interministérielle à Béjaïa pour notre projet de trituration de graines oléagineuses. Cette commission dirigée par l’actuel ministre des Travaux publics qui était secrétaire général du ministère de l’Intérieur à l’époque avait donné un avis favorable. Le rapport a été remis au Premier ministre. Pourquoi n’a-t-il pas débloqué ce projet qui devait dégager trois milliards de dollars pour l’Algérie ?
Le gouvernement se dit pourtant déterminé à encourager la production et les investisseurs dans un contexte marqué par la chute du prix des hydrocarbures…
Parler, c’est simple ! Régler les problèmes des opérateurs, c’est une autre question. Comme vous le savez, un de nos plus grands ateliers —Samha à Sétif — a été
ravagé par le feu en 2014 pendant le Ramadhan. Cela fait maintenant plus d’un an que nous prenons en charge 650 salariés, au chômage technique, en attendant la fin de la reconstruction de cette unité. Au mois de novembre 2014, mes services avaient déposé une demande d’autorisation d’importation d’une ligne de production de machines à laver neuves et ultramodernes. Pour des raisons de gain de temps, nous l’avons complétée par une ligne de production d’occasion rénovée pour la fabrication de tambours.
Nous devions démarrer la production au mois de mars dernier pour permettre le plein-emploi aux 650 salariés au chômage technique et exporter la quasi-totalité de la production pour une valeur de 80 millions d’euros par an. Mes services n’ont obtenu aucune réponse du ministère de l’Industrie.
Comment avez-vous réagi ?
En février 2015, j’ai contacté le secrétaire général de l’UGTA. Je lui ai dit : “Vous voulez qu’on crée des emplois et qu’on les maintienne ? Appelez votre ami le ministre de l’Industrie pour qu’il débloque notre projet.” Il en a effectivement parlé avec M. Bouchouareb. Ce dernier lui avait promis de le faire dans les jours qui suivraient. En réalité, rien n’a été fait. Fin avril 2015, lors d’une réception, j’ai fait rappeler au ministre de l’Industrie, M. Bouchouareb, le déblocage de notre ligne de production de machines à laver. Il me réitéra sa promesse de le faire au mois de mai. Promesse non tenue. Vers le 10 juillet 2015, j’ai demandé à M. Ali Haddad, président du FCE, d’intercéder auprès de son ami Bouchouareb pour les mêmes raisons. Le 15 juillet 2015, Ali Haddad m’appelle pour m’informer qu’il avait fait part de mes doléances à monsieur le ministre de l’Industrie et que ce dernier lui a répondu qu’il ne pouvait donner une suite favorable et qu’il ne permettrait pas à M. Rebrab ou Cevital d’introduire du matériel d’occasion obsolète. J’ai introduit maintes demandes d’audience auprès de M. Bouchouareb — restées lettre morte – pour lui démontrer que Cevital a toujours investi dans des équipements de dernière génération, ce qui a toujours fait sa force dans la compétition internationale d’autant plus que cette ligne de production est orientée à 99% à l’exportation.
Ce problème d’équipements vous a été formulé par le ministère de l’Industrie ?
Les services du ministère de l’Industrie n’ont évoqué ce problème ni en novembre, ni en décembre, ni janvier, ni en février, ni en mars, ni en mai, ni en juin. Si monsieur le ministre de l’Industrie nous avait répondu au mois de novembre ou décembre 2014, nous aurions pris nos dispositions pour passer commande d’une ligne neuve pour les tambours. Je n’aurais pas perdu 80 millions d’euros d’exportation pour une affaire de 4,5 millions d’euros. Je n’aurais pas continué à payer les 650 salariés une année de plus, alors qu’ils sont au chômage technique. Ce qui est regrettable, c’est la discrimination car plusieurs dossiers d’équipements d’occasion pour d’autres opérateurs ont été signés.
[à suivre)
Rebrab : “Je ne comprends pas le blocage des investissements du groupe”
Dans un entretien accordé au journal électronique Tout sur l’Algérie (TSA), le président du goupe Cevital, Issad Rebrab, revient longuement et dans le détail sur les blocages dont souffrent ses projets d’investissement en Algérie et qui mettent à nu un énorme décalage entre le discours du gouvernement et la réalité. Usant d’un langage franc mais responsable, M. Rebrab a remis bien des pendules à l’heure lorsqu’il a évoqué le prétendu soutien du général Toufik dont il aurait bénéficié, selon une certaine presse, ou encore lorsqu’il a démenti la cession de 49% de Cevital à des entrepreneurs chinois.
Ci-dessous l’intégralité de l’entretien.
Avez-vous inondé le marché comme vous l’aviez annoncé pour faire face à la pénurie de sucre ?
Bien sûr, nous sommes en train d’inonder le marché. Pour la seule journée du 17 septembre, nous avons livré 5 995 tonnes de sucre alors que les besoins du marché national sont évalués à 3 500 tonnes par jour. Nous avons constaté qu’il n’y a eu aucun problème d’approvisionnement à l’ouest et au centre du pays. À l’Est, nous avons enregistré une demande plus importante que d’habitude dans les wilayas qui se trouvent sur les frontières avec la Tunisie et la Libye.
Comment expliquez-vous cette pénurie ?
Nous avons été confrontés à la même situation en 2013 avec le Printemps arabe en Libye. Nous pensons qu’une partie du sucre livré sur le marché a traversé les frontières et nous avons aujourd’hui réglé le problème en livrant davantage de sucre au niveau de ces régions.
Donc, il ne s’agit pas d’une réédition du scénario de 2011 ?
Beaucoup de gens croyaient qu’il y avait une pénurie de sucre et d’huile alors que ça n’a jamais été le cas. En 2011, les services du (ministère) Commerce, la gendarmerie et le fisc avaient créé une brigade. Celle-ci était allée contrôler les grossistes. Elle avait alors saisi toute marchandise dont les propriétaires ne disposaient pas de factures. Les grossistes s’étaient alors donné le mot et avaient baissé rideau. Un maillon de la chaîne de distribution a été rompu. Les épiceries et les supérettes n’étaient donc pas alimentées alors que nos distributeurs n’arrivaient pas à vendre leurs marchandises.
Cevital est régulièrement pointée du doigt. Pensez-vous qu’il y a une volonté de vous nuire ?
Je ne sais pas. Mais il y a quelque chose que je ne comprends pas. J’ai lu récemment un article indiquant que j’étais déstabilisé par la chute du général Toufik et que j’étais en négociation avec les Chinois pour vendre 49% des parts de Cevital. Pourquoi vais-je penser à vendre un fleuron comme Cevital à un étranger ou à des étrangers ? Dans tous les cas, il n’a jamais été question de vendre Cevital. Et si je voulais le mettre en vente, je le ferais via la Bourse d’Alger car je considère que Cevital est et restera un patrimoine national !
Étiez-vous proche du général Toufik ?
Si j’étais proche du général Toufik, mes projets n’auraient pas été bloqués. Je vous signale que certains de nos projets sont bloqués depuis une dizaine d’années. Ils pensent que nous sommes proches de lui parce que nous avons réussi. Dans leur esprit, on ne peut pas réussir sans être proches du pouvoir.
Abdelmalek Sellal a appelé les Algériens à travailler davantage. Pensez-vous qu’il sera entendu ?
Je pense qu’il doit commencer par régler le problème des projets qui sont bloqués actuellement et dont il est au courant. La bureaucratie et les blocages ne sont pas au niveau des fonctionnaires mais au plus haut niveau de l’État ! En décembre 2012, Abdelmalek Sellal avait dépêché une commission interministérielle à Béjaïa pour notre projet de trituration de graines oléagineuses. Cette commission dirigée par l’actuel ministre des Travaux publics qui était secrétaire général du ministère de l’Intérieur à l’époque avait donné un avis favorable. Le rapport a été remis au Premier ministre. Pourquoi n’a-t-il pas débloqué ce projet qui devait dégager trois milliards de dollars pour l’Algérie ?
Le gouvernement se dit pourtant déterminé à encourager la production et les investisseurs dans un contexte marqué par la chute du prix des hydrocarbures…
Parler, c’est simple ! Régler les problèmes des opérateurs, c’est une autre question. Comme vous le savez, un de nos plus grands ateliers —Samha à Sétif — a été
ravagé par le feu en 2014 pendant le Ramadhan. Cela fait maintenant plus d’un an que nous prenons en charge 650 salariés, au chômage technique, en attendant la fin de la reconstruction de cette unité. Au mois de novembre 2014, mes services avaient déposé une demande d’autorisation d’importation d’une ligne de production de machines à laver neuves et ultramodernes. Pour des raisons de gain de temps, nous l’avons complétée par une ligne de production d’occasion rénovée pour la fabrication de tambours.
Nous devions démarrer la production au mois de mars dernier pour permettre le plein-emploi aux 650 salariés au chômage technique et exporter la quasi-totalité de la production pour une valeur de 80 millions d’euros par an. Mes services n’ont obtenu aucune réponse du ministère de l’Industrie.
Comment avez-vous réagi ?
En février 2015, j’ai contacté le secrétaire général de l’UGTA. Je lui ai dit : “Vous voulez qu’on crée des emplois et qu’on les maintienne ? Appelez votre ami le ministre de l’Industrie pour qu’il débloque notre projet.” Il en a effectivement parlé avec M. Bouchouareb. Ce dernier lui avait promis de le faire dans les jours qui suivraient. En réalité, rien n’a été fait. Fin avril 2015, lors d’une réception, j’ai fait rappeler au ministre de l’Industrie, M. Bouchouareb, le déblocage de notre ligne de production de machines à laver. Il me réitéra sa promesse de le faire au mois de mai. Promesse non tenue. Vers le 10 juillet 2015, j’ai demandé à M. Ali Haddad, président du FCE, d’intercéder auprès de son ami Bouchouareb pour les mêmes raisons. Le 15 juillet 2015, Ali Haddad m’appelle pour m’informer qu’il avait fait part de mes doléances à monsieur le ministre de l’Industrie et que ce dernier lui a répondu qu’il ne pouvait donner une suite favorable et qu’il ne permettrait pas à M. Rebrab ou Cevital d’introduire du matériel d’occasion obsolète. J’ai introduit maintes demandes d’audience auprès de M. Bouchouareb — restées lettre morte – pour lui démontrer que Cevital a toujours investi dans des équipements de dernière génération, ce qui a toujours fait sa force dans la compétition internationale d’autant plus que cette ligne de production est orientée à 99% à l’exportation.
Ce problème d’équipements vous a été formulé par le ministère de l’Industrie ?
Les services du ministère de l’Industrie n’ont évoqué ce problème ni en novembre, ni en décembre, ni janvier, ni en février, ni en mars, ni en mai, ni en juin. Si monsieur le ministre de l’Industrie nous avait répondu au mois de novembre ou décembre 2014, nous aurions pris nos dispositions pour passer commande d’une ligne neuve pour les tambours. Je n’aurais pas perdu 80 millions d’euros d’exportation pour une affaire de 4,5 millions d’euros. Je n’aurais pas continué à payer les 650 salariés une année de plus, alors qu’ils sont au chômage technique. Ce qui est regrettable, c’est la discrimination car plusieurs dossiers d’équipements d’occasion pour d’autres opérateurs ont été signés.
[à suivre)
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