Le spécialiste de l'islam, Mathieu Guidère, revient sur la stratégie de Vladimir Poutine après les premiers bombardements menés par l’armée russe en Syrie.
Alors que Vladimir Poutine et François Hollande ont eu des échanges approfondis sur le dossier syrien, hier à L'Elysée, l'armée russe poursuit ses frappes en Syrie contre les opposants au régime de Bachar al-Assad. La polémique continue d'enfler sur les cibles de l'aviation russe qui annonce viser l'Etat islamique alors que les Etats-Unis et la France considère que ces frappes sont dirigées contre d'autres groupes rebelles.
Quelles sont les objectifs de Vladimir Poutine en Syrie et comment Bachar al-Assad va-t-il tirer partie de cette aide alors qu'il était affaibli?
L'analyse du spécialiste de l'islam radical et enseignant à l’Université Toulouse 2, Mathieu Guidère.
A qui profite les bombardements russes ?
Ces bombardements profitent à divers acteurs en fonction du niveau considéré. Sur le plan militaire, ils profitent indéniablement au régime syrien qui se trouve renforcé par un allié de poids dans sa lutte contre l'opposition armée. Sur le plan politique, ils profitent à l'Iran chiite qui crée un axe russo-iranien de lutte contre les jihadistes sunnites. Enfin, sur le plan diplomatique, ils profitent à la Russie qui apparaît comme la seule puissance ayant une vision et une stratégie cohérente.
Comment voyez-vous l’évolution de la situation pour Bachar el-Assad ?
Le clan Assad respire enfin car il était au bord de l'implosion. Si la Russie maintient son intervention dans la durée, ce sera un tournant de la guerre qui aura sauvé le régime.
Quelle est la stratégie de Vladimir Poutine ?
La stratégie militaire de Poutine vise d'une part, à consolider les régions encore sous contrôle du régime syrien; d'autre part, à endiguer l'avancée de l'opposition armée et des djihadistes de Daech. Sur le plan diplomatique, sa stratégie vise à placer la coalition sous le leadership russe après les échecs patents de cette dernière.
Quel est l’état des lieux des forces en présence ?
Avant l'engagement militaire russe, il y avait trois grandes forces militaires ayant chacune une assise territoriale comparable: d'abord, les forces loyales au régime syrien appuyées par l'Iran et le Hezbollah libanais; ensuite, l'armée de la reconquête (coalition composée notamment du Front al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda, qui combat depuis le mois de mars le régime de Bachar Al-Assad et Daech, Ndlr) enfin, les combattants de l'EI. Mais avec l'entrée en scène de la Russie, ce paysage risque d'être chamboulé car la première, le régime syrien, se trouve désormais en position de force sur tous les plans : militaire, politique et diplomatique.
Quelle sera l’incidence des frappes russes sur l’Etat islamique et l'armée de la reconquête ?
Étant donné que les Russes ne prennent pas les précautions des Occidentaux quand il s'agit des bombardements, on peut s'attendre à ce que les frappes russes changent radicalement la donne en semant la terreur parmi la population civile la poussant à fuir encore plus massivement et en mettant à découvert les forces anti-régime pour mieux les atteindre.
Pensez-vous que la Russie va frapper sous peu l’EI en Irak ?
Le premier ministre irakien a déjà donné son feu vert à une éventuelle extension des frappes à l'Irak et une cellule de coordination est déjà prévue, donc il est fort probable que la Russie frappe également l'EI en Irak. Mais tout dépendra du résultat des premières frappes en Syrie et de la réaction de la communauté internationale à ces frappes.
N’y a-t-il pas un risque pour Poutine d’une recrudescence du terrorisme en Russie ?
Il est clair que l'engagement militaire russe en Syrie risque de réveiller les vieilles rancunes des républiques musulmanes du Caucase et d'accélérer le retour des combattants tchétchènes notamment. Mais les Russes semblent estimer que la meilleure défense est l'attaque. On verra s'ils ont fait le bon choix mais de toute façon, l'enjeu de ces frappes pour la Russie n'est pas tant sécuritaire que géopolitique.
Quelle pourrait être la réaction de la coalition menée par les USA contre l'EI ?
Nous sommes revenus à un contexte de guerre froide et de guerre par procuration avec la "SyRak" (Syrie-Irak) comme terrain de jeu des grandes puissances. En tout cas, la coalition occidentale n'a jamais été aussi désemparée depuis le début du conflit, cela risque de conduire au chaos dans la région si une solution politique n'est pas rapidement trouvée.
challenges
Alors que Vladimir Poutine et François Hollande ont eu des échanges approfondis sur le dossier syrien, hier à L'Elysée, l'armée russe poursuit ses frappes en Syrie contre les opposants au régime de Bachar al-Assad. La polémique continue d'enfler sur les cibles de l'aviation russe qui annonce viser l'Etat islamique alors que les Etats-Unis et la France considère que ces frappes sont dirigées contre d'autres groupes rebelles.
Quelles sont les objectifs de Vladimir Poutine en Syrie et comment Bachar al-Assad va-t-il tirer partie de cette aide alors qu'il était affaibli?
L'analyse du spécialiste de l'islam radical et enseignant à l’Université Toulouse 2, Mathieu Guidère.
A qui profite les bombardements russes ?
Ces bombardements profitent à divers acteurs en fonction du niveau considéré. Sur le plan militaire, ils profitent indéniablement au régime syrien qui se trouve renforcé par un allié de poids dans sa lutte contre l'opposition armée. Sur le plan politique, ils profitent à l'Iran chiite qui crée un axe russo-iranien de lutte contre les jihadistes sunnites. Enfin, sur le plan diplomatique, ils profitent à la Russie qui apparaît comme la seule puissance ayant une vision et une stratégie cohérente.
Comment voyez-vous l’évolution de la situation pour Bachar el-Assad ?
Le clan Assad respire enfin car il était au bord de l'implosion. Si la Russie maintient son intervention dans la durée, ce sera un tournant de la guerre qui aura sauvé le régime.
Quelle est la stratégie de Vladimir Poutine ?
La stratégie militaire de Poutine vise d'une part, à consolider les régions encore sous contrôle du régime syrien; d'autre part, à endiguer l'avancée de l'opposition armée et des djihadistes de Daech. Sur le plan diplomatique, sa stratégie vise à placer la coalition sous le leadership russe après les échecs patents de cette dernière.
Quel est l’état des lieux des forces en présence ?
Avant l'engagement militaire russe, il y avait trois grandes forces militaires ayant chacune une assise territoriale comparable: d'abord, les forces loyales au régime syrien appuyées par l'Iran et le Hezbollah libanais; ensuite, l'armée de la reconquête (coalition composée notamment du Front al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda, qui combat depuis le mois de mars le régime de Bachar Al-Assad et Daech, Ndlr) enfin, les combattants de l'EI. Mais avec l'entrée en scène de la Russie, ce paysage risque d'être chamboulé car la première, le régime syrien, se trouve désormais en position de force sur tous les plans : militaire, politique et diplomatique.
Quelle sera l’incidence des frappes russes sur l’Etat islamique et l'armée de la reconquête ?
Étant donné que les Russes ne prennent pas les précautions des Occidentaux quand il s'agit des bombardements, on peut s'attendre à ce que les frappes russes changent radicalement la donne en semant la terreur parmi la population civile la poussant à fuir encore plus massivement et en mettant à découvert les forces anti-régime pour mieux les atteindre.
Pensez-vous que la Russie va frapper sous peu l’EI en Irak ?
Le premier ministre irakien a déjà donné son feu vert à une éventuelle extension des frappes à l'Irak et une cellule de coordination est déjà prévue, donc il est fort probable que la Russie frappe également l'EI en Irak. Mais tout dépendra du résultat des premières frappes en Syrie et de la réaction de la communauté internationale à ces frappes.
N’y a-t-il pas un risque pour Poutine d’une recrudescence du terrorisme en Russie ?
Il est clair que l'engagement militaire russe en Syrie risque de réveiller les vieilles rancunes des républiques musulmanes du Caucase et d'accélérer le retour des combattants tchétchènes notamment. Mais les Russes semblent estimer que la meilleure défense est l'attaque. On verra s'ils ont fait le bon choix mais de toute façon, l'enjeu de ces frappes pour la Russie n'est pas tant sécuritaire que géopolitique.
Quelle pourrait être la réaction de la coalition menée par les USA contre l'EI ?
Nous sommes revenus à un contexte de guerre froide et de guerre par procuration avec la "SyRak" (Syrie-Irak) comme terrain de jeu des grandes puissances. En tout cas, la coalition occidentale n'a jamais été aussi désemparée depuis le début du conflit, cela risque de conduire au chaos dans la région si une solution politique n'est pas rapidement trouvée.
challenges
Commentaire