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Nicolas Sarkozy, la stratégie de l'échec

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  • Nicolas Sarkozy, la stratégie de l'échec

    Son image, son parti : l'ancien président enchaîne les déconvenues
    15 OCTOBRE 2015 | PAR ELLEN SALVI
    Mediapart

    Il voulait transformer l’UMP en « une armée », métamorphoser les élus en sarkozystes convaincus, devenir « le meilleur rempart au FN » et prendre le parti comme bouclier pour se protéger judiciairement. Un an après son retour, aucun des objectifs fixés par Nicolas Sarkozy n’a été rempli. Panique à bord.

    Il lui aura fallu un bon moment pour se rendre compte que le vent avait tourné en sa défaveur, mais les indicateurs sont aujourd’hui tels qu’il ne peut plus les ignorer. Longtemps, Nicolas Sarkozy a cru qu’il lui suffisait de revenir en politique, en expliquant avoir changé, pour que tout le monde oublie, comme par enchantement, son exercice du pouvoir et sa défaite de 2012. « Il n'a pas réussi à recréer un élan, confie l’un de ses anciens proches conseillers. C’est désormais trop tard. La détestation qu’il produit est beaucoup trop importante pour qu’il puisse la combattre. » Celui qui rêvait d’un « retour stratosphérique » est en train de tomber de très haut. Du coup, il panique. Et essaie de se raccrocher à tout ce qu’il peut.

    Près d’un an après son élection à la tête de l’UMP, devenue LR, aucun des objectifs fixés par l’ex-chef de l’État n’a été rempli. Il voulait transformer le parti en « une armée » forte de 500 000 militants ? Le nombre d’adhérents a légèrement baissé entre septembre 2014 et septembre 2015, passant de 181 000 à 178 920. Il entendait ramener dans le droit chemin toutes les âmes égarées de la Sarkozie ? À l’image de Nadine Morano, elles sont de plus en plus nombreuses à prendre leurs distances avec leur ancien mentor. Il estimait être « le meilleur rempart au FN » ? Il n’en finit pas de s’essouffler à courir derrière. Il imaginait pouvoir prendre le parti comme bouclier pour se protéger judiciairement ? Il patauge dans les affaires.

    Rien ne fonctionne comme Sarkozy l’envisageait. Hormis la coquetterie du changement de nom et le rassemblement Potemkine dont il se veut le maître d’œuvre, la situation du parti d’opposition n’a guère évolué sous sa présidence. Pire : elle s’est dégradée. « Le parti ne fait plus envie parce qu’il en est la vitrine et que, lui, ne fait plus envie », regrette un cadre de la rue de Vaugirard. « Sur le terrain, c’est morne, il ne se passe rien », souffle un député LR qui soutient Alain Juppé. Face aux caméras, les porte-parole du parti, Lydia Guirous et Sébastien Huygue, sourient. En coulisses, « ils se détestent et ne se voient jamais en dehors du point presse hebdomadaire », confie un autre habitué du siège. « Ils résument à eux deux ce qu’est devenue l’UMP avec Sarko : un bal des faux culs. »

    Voyant que rien ne bouge alors que l’échéance de la primaire de 2016, elle, se rapproche à grands pas, le patron de l’opposition fait feu de tout bois pour trouver des responsables susceptibles d’endosser à sa place ce qui ressemble fort à une bérézina annoncée. « Quand, avec Juppé, tu as appelé à voter socialiste en cas de duel PS-FN, il y a eu, à partir de ce moment-là, un trou dans les adhésions, a-t-il par exemple lancé à sa vice-présidente, Nathalie Kosciusko-Morizet, le 22 septembre en bureau politique. Tu portes donc une lourde responsabilité dans cette baisse. »

    En politique comme pour les affaires, Sarkozy joue au mistigri. « Il n’y a que [lui] pour dire dans sa déposition que cette affaire [Bygmalion – ndlr] ne concerne pas sa campagne…, s’agace son ancien directeur adjoint de campagne, Jérôme Lavrilleux, dans L’Obs. C’est un système de défense voué à un échec total. Il adopte le même dans toutes les affaires où il est entendu : c’est pas moi, c’est l’autre. […] Il se défausse, il vit dans un monde irréel, et ne sait pas assumer. Les grands chefs sont pourtant ceux qui assument. L’ingratitude est la marque des faibles. »

    Le patron de l’opposition est en effet affaibli. Affaibli parce que cerné. Par ses faux amis politiques d’abord – Alain Juppé, François Fillon et consorts –, qui le surveillent comme le lait sur le feu et l’empêchent de manœuvrer comme il le souhaiterait. Par les juges ensuite, devant lesquels défile régulièrement la Sarkozie, lui compris. Si personne, parmi ses adversaires pour la primaire, ne veut se risquer à l’enfoncer en “on” sur le sujet, l’ancien président, lui, semble pleinement conscient du couperet judiciaire qui plane au-dessus de sa tête (dans l’affaire Bygmalion, dans celle de “Paul Bismuth”, etc.).

    « Je serai roi ou faiseur de roi », aime-t-il à répéter à qui veut l’entendre. « Si Sarko est empêché d’aller à la primaire, il prendra Baroin comme joker », veut croire un cadre du parti. L’ancien ministre de l’économie, qui selon beaucoup soigne son profil de “Matignonable”, a récemment pris parti pour l’ancien président, avec des arguments pour le moins étonnants, tant ils omettent ce qui devrait pourtant constituer l’essentiel d’un soutien : le programme. « J’ai envie d’un match retour parce que ça n’a jamais été fait, parce que Nicolas Sarkozy le mérite, parce qu’il n’a pas joué à armes égales en 2012 avec François Hollande », a-t-il affirmé à Paris Match.

    Dernier signe en date de la fébrilité qui gagne l’ex-chef de l’État ? Sa remise en question, lundi 12 octobre, devant quelques dizaines de secrétaires départementaux (SD) de son parti, du nombre de bureaux de vote prévus pour la primaire, lesquels sont pourtant officiellement validés par le bureau politique depuis le 7 avril. « 10 000 bureaux de vote pour la primaire, ce n’est pas réaliste. Il faut revoir ça », a-t-il déclaré lors d’une réunion à huis clos organisée au siège de la rue de Vaugirard, avant de juger qu’il serait préférable d’en supprimer près de 2 000.

    « Dans un souci de mobilisation, Nicolas Sarkozy a expliqué aux secrétaires départementaux qu’il serait très difficile de tenir 10 000 bureaux de vote car cela suppose d’avoir une armée de 80 000 volontaires pour les tenir », a indiqué au Monde le directeur général de LR, Frédéric Péchenard. Pour quelqu’un qui s’enorgueillissait de pouvoir rassembler des centaines de milliers de personnes à la simple évocation de son nom, cela ressemble fort à une crise de panique.
    « Il passe sa vie à pipeauter »

    Conscient que sa seule chance d’emporter la primaire repose sur une faible mobilisation de l’électorat, l’ex-chef de l’État cherche par tous les moyens à resserrer le scrutin. « Sa déclaration n’a aucune espèce de conséquence puisqu’un accord a été conclu, souligne le directeur de campagne d’Alain Juppé, Gilles Boyer. Il faut que Nicolas Sarkozy se rassure, ce n’est pas lui qui aura à gérer tout cela, mais une autorité indépendante. Au pire, on pourra l’aider. »

    « Il sent bien que l’histoire lui échappe… », note un proche de Bruno Le Maire. Il suffit d’ailleurs d’avoir récemment suivi une réunion militante à laquelle participait le patron de LR pour s’apercevoir que les choses ont bien changé en l’espace d’un an. Si l’on excepte les fans inconditionnels qui hurlent des « Nicoooolaaaaasss ! » à s’en décrocher les mâchoires, l’accueil qui lui est réservé depuis quelques mois est plutôt tiède. Passée la curiosité de retrouver celui qui avait disparu des écrans radars depuis deux ans, l’engouement a fait long feu.

    Désormais, quand Nicolas Sarkozy arrive dans une salle, il n’est ni plus ni moins applaudi que François Fillon et Alain Juppé. Et quand on lui demande de se lever pour se mettre au même niveau que ses adversaires, comme ce fut le cas à La Baule (Loire-Atlantique) le 5 septembre, il s’exécute, penaud. « Il faut faire attention parce qu’il finit toujours par emballer un public, même réfractaire », prévient un député LR qui soutient Bruno Le Maire. « Il a un talent indéniable qui peut faire illusion, mais une fois que l’on sort d’un meeting et qu’on réfléchit deux secondes à ce qu’il y a dit, il n’en reste rien », nuance un cadre de la rue de Vaugirard.

    Pour se rassurer, le patron de l’opposition se concentre sur son “noyau dur”, ces militants ultra droitisés qui, pour reprendre l’expression de ce même cadre, « iraient se jeter dans la Seine s’il le leur demandait ». C’est sur eux qu’il compte pour la primaire. C’est donc eux qu’il s’échine à flatter en leur faisant croire, à travers ses consultations, qu’ils sont les seuls à décider. Or, sur ce point encore, il apparaît clair que le “noyau dur” se réduit comme peau de chagrin.

    Le 29 novembre 2014, jour de l’élection du président de l’UMP, sur 155 801 votants, ils étaient 100 491 à plébisciter Nicolas Sarkozy. Pour la première « grande consultation du projet » LR initiée par ses soins, ils n’étaient plus que 53 000 à se prêter au jeu. « Sur un sujet comme l’immigration, censé exciter nos militants, c’est un peu faible… », note un parlementaire, soutien d’Alain Juppé. Quant à la consultation sur la réforme du code du travail, posant notamment la question des 35 heures, organisée début octobre, elle a rassemblé seulement 42 031 adhérents. « C’est de pire en pire…, souligne le même élu. Je suis sûr qu’ils vont attendre un petit moment avant d’en faire une troisième… »

    « Sarkozy nous refait exactement la même chose qu’en 2012, souffle l’un de ses anciens conseillers. Il ne travaille pas sa gouvernance, soit parce qu’il ne perçoit pas où est le problème, soit, et c’est plus vraisemblable, parce que cela ne l’intéresse pas. Il veut récupérer le pouvoir pour récupérer le pouvoir. » Pour ce faire, l’ex-chef de l’État réchauffe les vieux plats de 2012, en construisant un semblant de programme sur le terreau de l'extrême droite. En attisant les peurs. Et en plongeant, tête la première, dans un populisme qui ne trompe personne.

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    Dernière modification par jawzia, 15 octobre 2015, 22h44.

  • #2
    suite

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    En meeting, où il apparaît de plus en plus nerveux, il sombre dans le grand n’importe quoi. Quand il vient soutenir Valérie Pécresse, tête de liste LR-UDI-MoDem pour les régionales en Île-de-France, à Baltard (Nogent-sur-Marne) le 27 septembre, il parle de lui, des « tensions identitaires », et encore de lui. Quand il se retrouve face au think thank libéral Choiseul 100, il explique toute honte bue que « les banlieues doivent arrêter de culpabiliser la France ». Quand il se rend à Béziers le 8 octobre et qu’il aborde la question du tiers payant généralisé, il lance tout de go : « On ne paiera plus rien car, comme on le sait, tout est gratuit. »

    Mais c’est sur la question des réfugiés que le gloubi-boulga idéologique a atteint son paroxysme. En brandissant la menace « des millions et des millions » de migrants qui « poussent » pour entrer en Europe, et en relançant un débat abscons entre « intégration » et « assimilation », Nicolas Sarkozy ne s’est pas contenté d’organiser la surenchère à droite. Il a aussi renforcé le flou artistique qui règne entre son parti et le FN, sans pour autant s’appesantir sur ce qui sépare les deux formations politiques.

    L’objectif est clair : en insistant sur l’immigration et en se faisant plus discret sur les sujets économiques, le patron de l’opposition veut ramener dans son escarcelle toutes les “Madeleine” qui lui ont préféré Marine Le Pen en 2012. Une stratégie perdante si l’on en croit l’un de ses anciens conseillers. « En 2012, Patrick Buisson [son ancien conseiller venu de l’extrême droite – ndlr] avait fini par le convaincre de ne pas faire campagne sur l’économie et le social, c’était une erreur. Décrédibiliser le FN sur ces questions est la seule manière de lutter contre. »

    Mais pour que cela soit possible, encore faudrait-il que l’ancien président ait de nouvelles idées. Or tout ce qu’il propose n’est qu'une resucée de mesures dont l’exercice du pouvoir a montré l’inefficacité ou qui n’ont pas été appliquées au cours du précédent quinquennat. Pour pallier la faiblesse de ses propositions, Nicolas Sarkozy a donc pris l’habitude de s’adapter à tous les auditoires.

    Face aux militants de la “Manif pour tous”, il promet d’abroger la loi Taubira. Face aux parlementaires, il assure vouloir revenir sur le non-cumul des mandats. Face aux médecins, il jure d’enterrer la loi Touraine une fois élu. « Il passe sa vie à pipeauter, moque un député LR. Il a une capacité absolument dingue à dire à tout le monde ce que chacun veut entendre. Et c’est pareil pour les élus. À l’écouter, on aura 250 secrétaires d’État en 2017. »

    Mediapart

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