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Wali et otage d’un système

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  • Wali et otage d’un système

    Bouteflika sait maintenant que c’est aux walis au premier chef que revient le mérite ou l’échec d’une politique de développement national. Ils sont les garants de l’animation et de l’impulsion de l’effort présidentiel au niveau de leurs localités respectives.

    Ils forment de ce fait une élite particulière que parfois le système n’arrive point à reconnaître ni du bonheur ni du malheur des uns et des autres.

    Les sensations historiques d’un certain 21 août 1999 font encore leur oeuvre. Le président avait alors émis, comme un couperet, la sentence de «mettre fin à la dépravation et à la désinvolture». Pas moins de 22 walis en avaient fait les frais.

    Ce redéploiement itératif qui continue toujours semble encore recommencer. Des visages grincheux et émaciés qu’affichent certains en exercice ou des frottements de mains d’autres pressentis à la «charge» de wali, se dégage l’angoisse du poste supérieur. Quel que soit le titulaire imposé, positionné ou installé dans la faveur de ce zénith de pouvoir, les ferveurs et les affres du métier feront que cette «promotion» finira par devenir à la longue une procédure douce et habituelle de mise en otage volontaire. Au fur et à mesure de la progression de son plan de carrière, le fonctionnaire waliable ira sans gêne et avec beaucoup d’efforts vers les actions lui devant permettre de se constituer «prisonnier» dans la geôle du système. C’est l’usure des parois de sa carrière, la descente aux enfers de ses appuis qui lui feront dire, mais en bout de chemin, que cela ne valait pas de la peine.

    Perdu dans les méandres du rien et du vide, le wali remercié est chassé par le clan et pourchassé éternellement par les actions qu’il aurait prises en toute âme et conscience. La population, un temps gouvernée par ses soins, n’aurait rien à oublier de son arrogance, au nom de cette raison d’Etat ou de son orgueil à son égard, au nom de cette obligation de réserve. C’est la monotonie des jours moins emplis qui s’érigera en une nostalgie terrifiante que ni un investissement de secours, ni une aisance financière n’arriveraient à combler ce manque de considération sociale, cette absence d’utilité. Le sentiment du vaurien prendra le dessus.

    Contenue dans une âme et un corps, la personne subit à la fois les foudres dues à son apparence et le déchirement tacite et interne. Face à la gloire subsiste la déchéance, face à la charge subsiste l’oubli et face à l’empire demeurent les ruines. Il y a tellement de sécheresse littéraire à propos de walis que seules les frasques, l’extravagance et l’inouï qui leur font défrayer la chronique. Même l’aspect juridique demeure sous un chiche traitement. En dehors du code de la wilaya, de la commune et de certains renvois à des textes législatifs et règlementaires, le wali ne crée pas de la verve et n’inspire personne. Cependant, en cas de chute, les langues se délient, les unes se grossissent.

    La pratique du pouvoir n’est pas toujours l’expression du système. Toutefois l’illusion que donne le pouvoir, apparaît à l’évidence comme une force agissante et réelle. Dans sa rotation dynamique, le système certes crée par l’illusion le pouvoir et le fait exercer par des entités institutionnelles. Parmi ces adeptes-artisans, le corps des walis fait figure de proue. Plein de controverses, il suscite l’admiration de tous comme il suggère l’ambition auprès de tant d’administrateurs. Devenir wali serait devenu dans le subconscient des gens du domaine l’apothéose de la réussite sociale. Une intronisation dans les sphères de la raison d’Etat. Malgré l’acidité analytique déversée à leur encontre, les walis ne sont-ils pas quelque part les otages d’un système ? Ils sont à la devanture de tout l’étalage de la puissance publique. Ils sont la source de pouvoir la plus sollicitée. Pour un oui ou pour un non. Ils incarnent, bon gré mal gré, la résolution miraculeuse à toute impasse, la solution à tout problème, la cause de la dégradation du cadre de vie, les détracteurs du foncier, les rétentionnaires des lots. Ils sont enfin le mal et le bien du pays.

    En vérité, à défaut d’un statut adéquat, voire d’une protection statutaire eu égard à l’importance pyramidale qui les caractérise au niveau du sommet déconcentré de l’Etat, ce personnel ne semble pas bien dans sa peau. La situation de ces ex-walis qui sont en prison ou sous contrôle judiciaire, n’absout pas de facto l’Etat d’une partie de la responsabilité qui leur incombait. Car ces walis agissaient et devraient ainsi agir en conformité des lois et règlements. Attribuer des logements, des locaux, des lots à quiconque leur fut un droit règlementaire, que seuls, à défaut justement de critères objectifs, des critères subjectifs y prévalaient. Comment le désormais ex-wali de Tarf en un si peu de temps (moins de trois années) ait pu à lui seul réunir neuf chefs d’inculpation ? Où en était, ce durant, l’Etat ?

    Bref, tous sont venus volontaires. Mieux, après moult intercessions en leur faveur. En plus du parrainage qui reste l’ultime manifestation du principe sacro-saint de la fonction publique en matière de nomination aux hautes fonctions, soit le pouvoir discrétionnaire. Nonobstant cette position à l’apparence enviable, la confidence révèle que le dégoût et le mal-vivre épluchent comme un cancer les journées moroses et emplies de ces grands locataires des plus belles résidences de tous les chefs-lieux. Sont-ils vraiment à l’aise dans leur aplomb spirituel ? Connaissent-ils la sérénité et la douceur que fait jaillir une tête dégarnie de soucis majeurs ? Il est prouvé, par des ex-walis et pressenti assurément chez eux en cours d’utilisation, que le risque de se voir piégé, trompé, induit en erreur dans un choix ou une décision perturbe la bienveillance nocturne de leurs nuits blanches. Ce n’est pas une seule nuit, mais toutes les nuits passées à l’ombre de la fonction. Jusqu’à la délivrance du cauchemar paradisiaque et très envoûtant qu’ils ont tenté de vivre ou le vivent délibérément.

    Pris entre les tenailles d’une organisation systémique qui ne leur laisse de manoeuvres que dans un cadre, bien nommé de légal, ils s’obligent excessivement à s’armer toujours d’un excédent de prudence. La précaution paroxysmale leur est une cause vitale de maintien. Comme le doute et la défiance affichée avec cachotteries face au monde deviennent des critères de gestion ! Ils ne peuvent cependant brailler publiquement le calvaire dont la compensation n’est extérieurement assurée que par cette haute idée que l’on suggère aux autres d’avoir sur les privilèges rattachés au poste. La vie, tout le monde le comprend, n’est pas uniquement un oesophage et un boyau rectal. Elle n’est pas non plus dans le luxe logistique remplaçant le dénuement de la piaule qui vous a vu naître. Ce sera aussi une vie citoyenne, familiale, conjugale et amicale. Ce côté de la vie, chez ces gens-là serait éclipsé à l’avantage de l’envie, sinon l’obligation de paraître citadin, rigoureux parfois et affable tout le temps. C’est une partie de noblesse que le sacrement d’une fin de carrière vient vous prendre en plein boulot.

    Le pire ennemi du wali pourrait être sa personne. Son ego. Son aveuglement. Alors que son allié naturel est toujours sa personne. Aussi son ego. Il ne cesse d’évoluer en prenant ses fonctions dans un environnement qui ne lui est qu’hostile et bourré de contrariétés. La courtisanerie qu’il engendre, les frotte-manches qu’il suscite ne peuvent lui servir de tableaux de bord pour une gestion dont il a seul l’art et la manière. Néanmoins, il est en toute connaissance de cause l’otage gratifié d’une politique dans ce sens qu’il veille en permanence à l’intérêt de la stabilité du pouvoir aux dépens le plus souvent de celui de l’Etat et de l’équité sociale. Les élections lui sont un examen fort contraignant. D’elles dépendront les éléments de sa fiche de notation pour du moins un prochain mouvement. Il ne peut avoir une opinion politique. Ne s’exprimant qu’en vertu de la loi et de l’ordre public, son avis ne vaut que ce que lui dicte, non seulement une source ou une hiérarchie, mais également une tendance générale. Il devra la deviner à l’avance, cette tendance. Il est également l’otage d’une proximité. Ses élus locaux, les forces occultes que recèlent certains pans de sa population, les appuis des uns, les poussées des autres, feront en sorte qu’il est bousculé vers un équilibrisme plutôt que vers un équilibre dans le traitement des affaires publiques.

    Il ne peut à peine d’étouffement agir seul. En son âme et conscience. Les intrusions extra-wilayales d’un autre environnement institutionnel seront permises et tolérées, car formulées tacitement sous emballage de conseils, d’informations, voire de recommandations «amicales». Le lien organique qu’ont ses institutions avec lui, fait de leur indépendance un droit de regard, de suivi, de correction et de voie suggestive de desideratum du système. La satisfaction d’un voeu n’est forcément pas une saine application de la loi. Il n’est pas plus loti en matière de liberté que tout autre haut fonctionnaire. Pas le droit d’avoir, sans la bénédiction des gens du système, des amis (es) hors du commun. Sinon qu’en catimini.

    En somme et malgré tous les griefs retenus à l’encontre de ces grands commis de l’Etat dont certains ont contribué brillamment à faire émerger des villes entières de l’embryon de simples douars, il est à découvrir que la personne de wali est somme toute soumise à la nature, au sentiment de la peur comme de la joie. Certaines de ces personnes gagneront à se faire découvrir dans l’esprit, l’humanisme et la convivialité en s’éloignant un tant soit peu de l’angle obtus et viral qu’elles se font du pays, de l’Etat et des citoyens. D’autres par contre ont fait leur preuve de bâtir, rebâtir qui des cités, qui de grandes universités, aéroports et autoroutes. Ils ont fait aux dépens de leurs santé et famille redécouvrir le plaisir de vivre à leurs citoyens, tellement leur écoute leur était permanente.

    Par le Quotidien d'Oran
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