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Schumpeter à l'oeuvre:L’anti-capitalisme est à nouveau une force avec laquelle il faut compter

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  • Schumpeter à l'oeuvre:L’anti-capitalisme est à nouveau une force avec laquelle il faut compter

    Dave Spart est un pilier de la revue satirique britannique ‘Private Eye’ depuis les années 1970. L’enthousiasme du bolchevique barbu pour dénoncer le capitalisme n’a jamais faibli (“totalement dégoûtant”). Mais ces dernières années, les éditeurs de ‘Private Eye’ avaient graduellement réduit l’espace concédé à leur journaliste fictif, tandis que la gauche faisait la paix avec le marché libre et le consumérisme. Aujourd’hui, M. Spart est de retour. Non seulement dans les pages de ‘Private Eye’ , mais aussi dans les allées du pouvoir. Le principal parti d’opposition britannique, a donné cette semaine sa première conférence de presse sous son nouveau leader de gauche dure, Jeremy Corbyn. En Grèce et en Espagne, de nouveaux partis d’extrême gauche ont émergé. Syriza, en Grèce, est arrivé en tête de deux élections successives, et Podemos, en Espagne, devrait beaucoup progresser à l’occasion des élections législatives de décembre. Aux États-Unis, Bernie Sanders, qui se décrit comme un socialiste indépendant, fait une campagne énergique pour arracher la nomination des démocrates. Et au Vatican, le pape François dénonce la “tyrannie invisible du marché” et recommande de “revenir à une économie au service des êtres humains”.

    Pourquoi l’anti-capitalisme progresse-t-il ? Dave Sport répondrait sans doute que le peuple a enfin réalisé que le marché libre était une illusion. Les grandes sociétés agissent comme des monopoles de rente, et leurs dirigeants font du lobbying auprès des politiques pour obtenir des faveurs spéciales et des ristournes fiscales. La classe des patrons s’octroie d’énormes salaires, sans corrélation avec leur succès ou échec. On dit de Martin Winterkorn, le PDG sur le départ de Volkswagen, qu’il pourrait s’esquiver avec une retraite chapeau et un bonus de 60 millions d’euros. L’argument progresse à droite tout autant qu’à gauche. Le 25 septembre, Charles Moore, biographe officiel de Margaret Thatcher, a écrit dans le ‘Wall Street Journal’ que Marx avait vu juste “sur le pouvoir disproportionné de ceux qui possèdent le capital”. Un sondage Gallup portant sur la confiance dans les institutions américaines révèle que le “big business” arrive avant-dernier, juste avant le Congrès, avec seulement 21 % des personnes interrogées exprimant “beaucoup” ou “assez” de confiance.


    “Pourquoi l’anti-capitalisme progresse-t-il ? Dave Sport répondrait sans doute que le peuple a enfin réalisé que le marché libre était une illusion


    Les tenants du marché libre ont une réponse toute prête à cet argument. Messieurs Spart et Moore se plaignent des problèmes entraînés par le corporatisme, plutôt que le capitalisme. La meilleure façon de résoudre les problèmes du “mauvais capitalisme” (monopoles et capitalisme d’entre-soi) est de laisser libre cours aux vertus du “bon capitalisme” (concurrence et innovation).

    La nouvelle bienvenue pour les défenseurs de ce marché libre est que le bon capitalisme progresse. Regardez comme il est difficile aujourd’hui pour de grandes entreprises et de grands patrons de s’installer durablement. La durée moyenne de présence d’une société dans le top 500 du magazine Fortune est passée de 70 ans dans les années 30 à 5 ans aujourd’hui. La mauvaise nouvelle est que le bon capitalisme pourrait contribuer tout autant que le mauvais capitalisme à créer la révolte actuelle.

    La mondialisation et la numérisation ont accéléré le tempo de la destruction créatrice. Des sociétés phares peuvent émerger de lieux reculés comme l’Estonie (Skype) et la Galicie (Inditex) pour envelopper le globe. La technologie numérique permet à des entreprises de devenir énormes en un rien de temps. WhatsApp, la messagerie pour mobiles, a atteint les 500 millions d’utilisateurs moins de cinq ans après son lancement. Mais les champions de ce “meilleur des mondes” peuvent déconcerter. Ils sont communément limités en actifs et en personnel du fait de l’automatisation des services informatiques comme de la sous-traitance. Il y a dix ans, la chaîne de location de vidéos Blockbuster avait 9 000 boutiques en Amérique, qui employaient 83 000 personnes. Netflix emploie juste 2 000 personnes et loue sa puissance informatique pour diffuser les films en streaming à Amazon. Gerald Davis de la Ross School of Business de l’université du Michigan a calculé que les 1 200 sociétés entrées en bourse aux États-Unis depuis l’an 2000 ont chacune créé moins de 700 emplois dans le monde, en moyenne, depuis lors. Elles sont également impitoyables : les nouveaux champions se réinventent et se reconfigurent constamment afin d’échapper au sort d’ex-géants comme AOL et Nokia.



    “La meilleure façon de résoudre les problèmes du “mauvais capitalisme” (monopoles et capitalisme d’entre-soi) est de laisser libre cours aux vertus du “bon capitalisme” (concurrence et innovation)”


    Le changement rapide provoque angoisse et résistances. Les tenants du bon capitalisme arguent qu’il est désormais question d’employabilité, et non d’emploi. Mais que se passe-t-il quand le changement est si rapide que la “sécurité des compétences” prend le pas sur la sécurité de l’emploi ? Les tenants du bon capitalisme assurent aussi que la vitesse du changement est le prix à payer pour de la prospérité. Cependant, les gens accordent certainement autant de valeur à la stabilité qu’aux fruits de la technologie. En 1988, William Samuelson et Richard Zeckhauser, deux économistes, ont décrit le cas d’une ville que les autorités allemandes souhaitaient déplacer pour que le charbon qui se trouvait dans son sous-sol puisse être exploité. De nombreuses options pour la nouvelle ville ont été examinées, mais au lieu de choisir quelque chose de plus adapté à l’ère de la voiture, ses citoyens ont élu un projet “extraordinairement semblable au plan urbain en serpentin de leur ancienne ville, un modèle qui avait évolué à travers les siècles sans rythme consciemment voulu ni raison”.

    Je suis Spart
    Les pro-capitalisme arguent avec raison que la partie créative de la destruction créatrice supplante son côté destructeur. Grâce à Google et ses semblables, nous pouvons accéder à une grande partie de la connaissance humaine en un instant. Grâce à des sociétés comme Apple, nous pouvons porter un super-ordinateur dans notre poche. Grâce à l’économie du partage et des sociétés comme Uber et Task Rabbit, des gens qui ne souhaitent pas avoir d’horaires de travail réguliers peuvent en trouver dès que cela leur convient. La meilleure façon de résoudre certains de nos problèmes les plus aigus est de libérer le pouvoir de l’innovation. Airbnb réduit le coût du logement temporaire, et les MOOC (Massive Open Online Courses) sont en train de démocratiser l’accès à l’enseignement supérieur dans les grandes universités de la cote Est des États-Unis.



    Les pro-capitalisme devraient se souvenir de deux choses. La première est que la plupart des gens ne distinguent pas le bon capitalisme du mauvais


    Mais les pro-capitalisme devraient se souvenir de deux choses. La première est que la plupart des gens ne distinguent pas le bon capitalisme du mauvais. Ils voient un monde dans lequel les gagnants font déferler une marée d’incertitudes tout en se réservant les cabines de luxe à bord des canots de sauvetage. La deuxième est que les forces qui bouleversent l’économie du capitalisme balayent aussi la politique. Les vieilles machines politiques implosent et des entrepreneurs politiques ont les moyens de prendre le pouvoir dans les vieux partis, ou d’en lancer de nouveaux. L’anti-capitalisme est à nouveau une force avec laquelle il faut compter

    l'économiste fr
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