Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Sommes-nous tous fréquentables ?

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Sommes-nous tous fréquentables ?

    Depuis le fameux festival panafricain qui n’a jamais eu son pareil sur le continent africain, l’Algérie a progressivement perdu le sens de la fête, l’art de recevoir dans des structures dignes, les cultures des autres.

    Au plus haut d’un baril qui caracole, en amassant des réserves de change sans précédent, le pays est frénétiquement fasciné par les défilés incessants, coûteux, perturbateurs de la vie quotidienne des Algérois qui scrutent les JT pour savoir s’ils pourront circuler le lendemain. La terrible décennie a ancré dans du granit une nouvelle religion. «Il faut redevenir fréquentable, démontrer que la sécurité est revenue et que nous avons de l’argent».

    Pour la sécurité, les laboratoires étrangers savent mieux que n’importe quel wali le degré de sécurité ou d’insécurité atteint par l’Algérie. Etre fréquentable ou pas implique, certes, le paramètre sécuritaire qui est nécessaire mais insuffisant à lui tout seul.
    Quant à la quantité d’argent algérien, ceux qui investissent dans les hydrocarbures, seules richesses exportables, et les achètent savent, au dollar près, où est le pactole et combien il vaut.

    Il reste alors tout le reste, ce qui fait l’attractivité d’un pays, de ses habitants, de ces us et coutumes, de la qualité de ses productions artistiques, culturelles, de l’architecture érigée depuis l’indépendance, de la propreté des lieux publics, du rutilement de ses transports sur rail et sur terre, de ses temples dédiés à la musique, etc. Les vendeurs de produits finis (voitures, engins, casseroles, avions, médicaments), les investisseurs dans l’hôtellerie, la bouffe, la vente de l’eau, les grosses sociétés dans le pétrole et le gaz, viennent très volontiers et nous trouvent plus que fréquentables, solvables. Ils viennent, négocient, signent, mangent très bien et s’en vont. Le reste est un jeu de plusieurs écritures.

    Les journalistes encore en exercice se souviennent du festival panafricain d’Algérie, seul et dernier en son genre, managé par une commission polyvalente dirigée avec un tact, une intelligence, un savoir-faire que l’on disait innés, par feu Benyahia.

    Avec le temps et plus que beaucoup d’argent, les choses sont devenues «officielles», rabougries, trop chères, rituelles et reproduites à l’identique, ne passionnent plus Alger. La noria des cinéastes, des chanteurs, des poètes, des hommes de théâtre a cédé le passage, définitivement aux hommes d’affaires, et il en faut, aux vendeurs et il en faut, à ceux qui assurent les sources d’énergies à leur peuple, et il en faut. Mais cela sera toujours insuffisant pour nous rendre tous fréquentables, tous pas uniquement les gouvernants du jour qui ne sont pas, dans leur majorité, hélas, des concepteurs, des managers et des défenseurs de la culture, celle qui nous rendrait tous fréquentables.

    Pour mieux compliquer les approches et rendre encore plus illisible la démarche algérienne en matière de culture (où est-elle consignée, chiffrée, planifiée et engagée dans des projets et des industries?), la mondialisation s’en mêle et nos fonctionnaires s’emmêlent les crayons à ne pas trop savoir que faire, comment et avec quoi, à part des sigles pompeux (comme ceux de là-bas) enregistrés dans le marbre du journal officiel. Un peu plus tard, une autre équipe au gouvernement inventera d’autres sigles, amendera ceux qui servent d’ornements à l’administration et ainsi de suite.

    La mondialisation donc est apparue, mais uniquement dans le segment «culturel» le plus basique bientôt dépassé par le triple play. Les films les plus récents, les pièces de théâtre inédites en arabe et en français, les méga-concerts, des troupes et stars mondiales, les fabuleuses expositions dans tous les genres, les défilés de mode (s’ils sont yajouz), les salons gigantesques, les opéras qui font rêver des continents, les ballets presque venus d’une galaxie lointaine, tout ce que l’humanité invente ne nous arrive pas.

    A part par le canal basique dépassé, celui des chaînes satellitaires. Ces dernières à travers des émissions, des clips, des extraits, des magazines people ou de promotion, des JT nous font saliver, admirer du virtuel qui nous informe que les humains créent, se surpassent, investissent, managent, forment et enseignent pour générer de la beauté, du rêve, du dépassement, des productions qui rendent bons et meilleurs.

    Mais pour toutes ces richesses, nous ne sommes pas fréquentables. Tout d’abord, nous ne jouons pas dans ces cours où règnent des saltimbanques à génie, des talents majestueux, des metteurs en scène qui passent derrière le miroir, des entrepreneurs qui osent donner du merveilleux et s’enrichissent, des petites mains, des générosités artistiques, des syndicats purs, durs et sûrs, etc.

    Tout ce monde, et il y en a du beau, ne nous fréquente pas, ne peut pas nous fréquenter. Nous n’avons pas où recevoir sa créativité, son talent, l’investissement qu’il met dans des décors, des costumes, des instruments. Nous avons de l’argent mais nous n’avons pas ces salles, ces infrastructures, ces monuments dédiés à la création qui jaillit partout.
    Et si, à ce beau monde, il venait la folle envie de demander à voir nos ballets, notre cirque, nos salles de concert comme les siens, à visiter notre musée du cinéma et observer nos archives du film, nos studios de tournage, nos chaînes de TV thématiques ou généralistes?

    Ce monde qui sait combien nous avons de dollars sait tout le reste. Par courtoisie, pour ne pas nous gêner, il ne nous fréquente pas et nous renvoie à nos pirates de TPS et autres arabiates.

    Alors, sommes-nous fréquentables par tous? Bouamari est mort, les officiels ont fait le service habituel. Mais où sont les négatifs de ses films, dans quel état et où tirer des copies? Va Boubou, tu as fait ton job, pas les chefs.

    Par Abdou B., le Quotidien d'Oran
Chargement...
X