Annonce

Réduire
Aucune annonce.

La finance, sangsue du système productif

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • La finance, sangsue du système productif

    L’info vous a peut-être échappé : au troisième trimestre 2015, les majors du pétrole – ExxonMobil, Shell, BP et Chevron – ont vu leurs résultats s’effondrer et même, pour BP, devenir négatifs de 7 milliards de dollars ! Une première historique dans une activité qui, jusqu’ici, avait toujours affiché un niveau de rentabilité parmi les plus élevés.

    Mais l’information importante n’est pas celle-là : après tout, quand la plupart des pays cherchent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à remplacer une partie des énergies « carbonées » par des énergies pauvres en rejets de carbone, il est compréhensible que l’avenir des pétroliers devienne moins rose. Le point essentiel est que ces mêmes majors (et cela vaut aussi pour Total ou Statoil), ont annoncé que ces résultats en baisse seraient sans incidence sur les montants qu’elles entendent verser à leurs actionnaires, sous forme de dividendes ou de rachats d’actions. Quand bien même cela les contraindrait à vendre quelques actifs, voire à emprunter.

    Les dividendes ne baissent pas

    Paroles destinées à rassurer les actionnaires en question (et la Bourse) ? Evidemment. Mais aussi paroles s’appuyant sur des faits : en 2014, les cinq grands du pétrole ont emprunté 20 milliards de dollars, réduit leurs investissements de 30 autres milliards, et ont distribué 70 milliards de dollars, sans changement par rapport à l’année précédente, malgré une baisse sensible de leurs résultats, nous apprend Anne Feitz, dans Les Echos du 2 novembre. Elle cite à l’appui de son article une phrase significative du patron de Statoil : « Le dividende est un élément qui ne doit pas fluctuer avec le prix du pétrole. »

    De fait, cette règle peut être étendue : le dividende (ou les rachats d’action, autre manière de répartir les bénéfices à destination des actionnaires) devient peu à peu une sorte d’élément contractuel implicite, un peu comme l’est aujourd’hui, mais de façon explicite, le salaire. Comme on craint que les actionnaires changent de crémerie – rien n’est plus facile dans leur cas, il leur suffit de vendre leurs actions au profit d’autres formes de placement – et que cela entraîne une baisse des cours en Bourse, et des rémunérations somptueuses des dirigeants, via les stock-option, il faut tout faire pour les retenir. Et pour cela leur garantir que leur part de gâteau ne diminuera pas, dussent les salariés, ou une partie d’entre eux, prendre la porte.

    Une illustration par le taux de marge des sociétés non financières : ce terme désigne la part de valeur ajoutée que l’ensemble des entreprises non individuelles conservent pour renouveler leurs équipements, investir, payer leurs impôts sur les bénéfices, les intérêts de leurs emprunts… et les dividendes à leurs actionnaires. Or ce taux a diminué de 4 points entre 2008 et 2014 (soit une quarantaine de milliards). Normalement, cela aurait dû provoquer une baisse sensible des dividendes versés, puisque la théorie économique dominante soutient que les dividendes sont un résidu, ce qu’il reste lorsque toutes les charges ont été déduites : l’actionnaire est donc soumis au risque, ce qui – toujours selon la théorie – légitime le fait que le rendement moyen des actions soit plus élevé que celui des autres placements sans risque.

    Les actionnaires échappent au risque

    Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Depuis 2008, l’ensemble des sociétés financières continuent de verser à leurs actionnaires des revenus qui excèdent leurs capacités à les financer. Si elles avaient renouvelé l’intégralité de leurs équipements usés ou frappés d’obsolescence (ce que la comptabilité nationale appelle « consommation de capital fixe »), il leur aurait fallu réduire les dividendes versés à leurs actionnaires d’une trentaine de milliards chaque année depuis 2008. Mais elles ne l’ont pas fait : elles n’ont réduit leurs distributions de revenus que d’une petite quinzaine de milliards entre 2008 et 2014. Ce qui les a amenées à moins investir, à réduire la voilure (et l’emploi) pour pouvoir satisfaire leurs actionnaires.

    La financiarisation de l’économie, à travers les fonds de pension et les fonds d’investissement qui rentrent de plus en plus dans le capital des sociétés non financières en exigeant d’elles qu’elles les rémunèrent grassement, exerce ainsi un effet dépressif à long terme sur le système productif et n’est sans doute pas pour rien dans les problèmes de chômage au sein desquels nous sommes englués.

    alter éco
Chargement...
X