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Le monde selon Pékin

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  • Le monde selon Pékin

    Bonjour, les Chinois sont de fins diplomate, ils obtiennent tout par la négociation et non par la force, 5000 ans de civilisation sont passé par là.
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    L'impressionnant forum sino-africain (48 dirigeants), à peine achevé, ils se sont envolés, début novembre, avec le président Hu Jintao pour Hanoi, où se tenait le sommet de l'Apec. Trois jours plus tard, toujours avec le chef de l'Etat, ils étaient en Inde pour une rencontre historique avant de se retrouver au Pakistan. Ce week-end, ils seront aux Philippines, avec le Premier ministre Wen Jiabao, pour rencontrer les chefs d'Etat des nations de l'Asean. Avant ce marathon de fin d'année, les diplomates chinois avaient déjà mené plus d'une douzaine de déplacements officiels sur le continent noir depuis janvier et déroulé le tapis rouge aux présidents russe, ouzbek, tadjik et iranien dans le cadre de l'Organisation de coopération de Shanghai. A ce rythme, l'année 2006 va s'imposer comme l'une des plus actives de la diplomatie chinoise.

    Rarement Pékin aura dépensé autant d'énergie à faire entendre sa voix et à tisser des alliances un peu partout sur la planète. Le temps de la timidité paranoïaque semble bien révolu. A l'ONU, où la République populaire a récupéré, en 1971, le siège « chinois » de membre permanent jusqu'alors occupé par Taiwan, le pays a lentement pris du poids. Au début des années 1990, le représentant du gouvernement, Li Daoyu, était encore baptisé « l'ambassadeur qui regarde par la fenêtre », tant son pays semblait se désintéresser de l'ordre mondial et s'opposait automatiquement à toute résolution menaçant l'un de ses partenaires politiques ou économiques. Aujourd'hui, Wang Guangya, l'ambassadeur à New York - que l'on dit favori pour remplacer Li Zhaoxing au poste de ministre des Affaires étrangères -, parle un anglais parfait, se saisit de tous les dossiers et se permet même des coups de colère contre les Etats-Unis.

    C'est qu'entre-temps la Chine a pris conscience de son nouveau poids sur la scène internationale. L'ouverture aux investissements étrangers au début des années 1980, et l'explosion de sa puissance commerciale depuis la fin des années 1990 ont bouleversé la donne. Son 1,3 milliard d'habitants, son statut de quatrième puissance économique mondiale et sa croissance annuelle de plus de 10 % ont donné à la Chine une nouvelle confiance en elle et la volonté de peser dans l'ordre d'un monde dominé par les seuls Etats-Unis depuis la fin de la guerre froide.

    Un événement politique a toutefois précipité ce mouvement. Dénoncée par toutes les grandes capitales occidentales, la sanglante répression des manifestations démocratiques de Tiananmen en 1989 a poussé Pékin à initier une diplomatie plus « proactive » pour éviter un isolement potentiellement fatal à son développement. Cherchant à se faire accepter au rang des grandes nations, la Chine s'est peu à peu montrée plus ouverte au dialogue sur les grands dossiers internationaux. Lors de la crise financière asiatique de la fin des années 1990, le gouvernement chinois a même semblé capable de prendre en compte des intérêts globaux et non plus seulement nationaux dans sa prise de décision.

    Mettant en avant un « sacrifice majeur », Pékin avait ainsi accepté, au risque de mettre à mal la compétitivité de ses exportations, de ne pas dévaluer sa monnaie pour ne pas pousser à la baisse les autres devises de la région. Le geste avait séduit la communauté internationale. Forte de cette nouvelle aura, la diplomatie chinoise a commencé à développer en Asie des relations de « bon voisinage », cherchant toujours à apparaître comme une force de paix et de prospérité et non comme une menace. Le modèle a, depuis, été exporté un peu partout sur la planète.

    Pour nourrir son économie, la Chine a besoin de relations pacifiées, de marchés susceptibles d'absorber ses produits manufacturés et de matières premières. Importateur net de brut depuis 1993, le pays cherche à diversifier ses sources d'approvisionnement pour ne pas trop dépendre d'un Moyen-Orient jugé instable. En Afrique (déjà 30 % de ses importations de pétrole), en Amérique latine, en Iran ou en Asie centrale, Pékin multiplie les offensives de charme pour s'assurer des accès privilégiés aux réserves d'hydrocarbures, de cuivre, de minerai de fer ou de nickel. A chaque déplacement, les dirigeants chinois, conscients de la montée des discours protectionnistes depuis leur entrée à l'OMC, mettent en avant leur volonté de coopération commerciale et leur « recherche d'une prospérité commune ».

    A Alger, Santiago du Chili ou Islamabad, Hu Jintao et Wen Jiabao évoquent régulièrement leur stratégie « win-win » et leur vision d'un « monde harmonieux » débarrassé de toute hégémonie. La Chine ne serait, dès lors, selon les intellectuels proches du gouvernement, qu'une « soft power » ou « puissance douce ». Officiellement, cette offensive de pur pragmatisme économique serait même dépourvue de toute ambition politique. En creux, se dessinent pourtant des motivations moins candides. La Chine n'est pas encore désidéologisée. Si le pays fait les yeux doux à la communauté internationale, il reste encore très fermé sur certains dossiers jugés vitaux. Les discours sont ainsi beaucoup moins tendres avec les capitales qui « osent » entretenir des relations avec l'île de Taiwan, que Pékin veut réintégrer à son territoire national.

    Malgré un durcissement de ton pour ramener Pyongyang à la table des négociations, Pékin ne semble pas encore décidé à peser de tout son poids pour faire plier le régime de Kim Jong-il. La crise au Soudan semble également bloquée, tant que Pékin, solidaire de Khartoum, continuera de refuser des sanctions. Le dossier du nucléaire iranien n'est guère plus avancé. En marge de ces points de résistance, Pékin continue de mener une guérilla diplomatique plus fine, et se rêve en nouvelle grande puissance capable de neutraliser l'influence des Etats-Unis. En Amérique latine, elle prend soin de choyer particulièrement les régimes anti-américains du Venezuela, de Cuba ou de la Bolivie. En Asie centrale, la pénétration réussie par les Etats-Unis après le 11 septembre 2001 est repoussée pays par pays par Pékin, qui multiplie les accords stratégiques et économiques avec l'Ouzbékistan et le Kirghizistan.

    De même, au Proche-Orient, l'Arabie saoudite, le Koweït et l'Iran sont tombés sous le charme chinois. Dans tous ces pays, et plus particulièrement en Afrique, les discours chinois louant la souveraineté de chaque nation et refusant toute ingérence dans les « affaires intérieures » des autres Etats sont applaudis. Ils tranchent avec les sempiternelles leçons de démocratie professées par les Européens et les Américains. Une autre voie est possible, laissent entendre les dirigeants chinois.

    Reste à savoir laquelle. S'ils estiment que la démocratie multipartite occidentale n'est pas transposable dans toutes les régions du monde, les dirigeants chinois peinent encore à proposer une alternative crédible. Embarrassés par l'autoritarisme de leur régime, la toute-puissance du Parti communiste, les multiples violations des droits de l'homme, l'absence de liberté de la presse, ils savent qu'ils ne peuvent pas projeter leurs propres valeurs à l'échelle universelle. Pour gagner son statut de superpuissance politique, la Chine va devoir évoluer et accepter de remettre en question son propre modèle d'organisation sociale.

    YANN ROUSSEAU
    08/12/06 Les Echos
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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