Ayn Rand avait tort de rejeter la philosophie de Kant. À bien des égards, elle lui est très proche
Dans un bref résumé de The Objectivist, publié en 1971, Ayn Rand fit une déclaration surprenante : « Emmanuel Kant est l’homme le plus néfaste de l’histoire de l’humanité ». Elle avait déjà critiqué Kant, comme bien d’autres philosophes et penseurs par le passé, mais en dépit des éventuels désaccords que l’on peut avoir avec Kant, il est clair que cette déclaration est excessive. Elle a laissé beaucoup des soutiens de Rand dans l’embarras pour la justifier, et bien plus en ont simplement été déconcertés. Je viens ici défendre l’idée que non seulement Rand avait tort à propos de ce jugement, mais aussi à propos de son rejet total de la philosophie de Kant, dans la mesure où l’objectivisme se situe, à bien des égards, dans le sillon de la philosophie kantienne.
Je fais cette démarche en étant moi-même un objectiviste. Je me considère comme tel, du moins, depuis l’été suivant mon année de seconde, quand j’ai terminé de lire Atlas Shrugged (traduit en français par Sophie Bastide-Foltz sous le titre : La Grève, Les Belles Lettres, 2012), livre que mon père m’avait offert pour mon anniversaire. Certains diront que je ne suis pas objectivisite puisque je suis parfois en désaccord avec Ayn Rand. Peut-être certains d’entre eux sont aujourd’hui dans la salle, et j’espère qu’ils se manifesteront lors de la séance de questions/réponses pour un échange intéressant. Peut-être même que le sujet de cette conférence les confortera dans cette idée. Mais mon espoir, au-delà de démontrer que Rand avait tort sur ce point, est qu’il y ait une différence entre être objectiviste et être randien : alors que le randien serait celui qui s’en tient à des idées inexactes et les défend bec et ongle, l’objectiviste serait celui qui partagerait une vision globale et pertinente qui alimente une réflexion et une analyse sérieuses sur le monde et l’existence humaine.
Quand j’ai commencé à étudier la philosophie au lycée, j’étais enclin à croire ce que Ayn Rand disait de Kant. Quand je suis allé à l’université de Pennsylvania, en tant qu’étudiant puis en tant qu’auditeur libre en philosophie, j’ai voulu profiter du fait que je fréquentais un établissement accueillant un professeur comptant parmi les meilleurs spécialistes de Kant au monde, le Dr Paul Guyer. Durant mon parcours d’étudiant, j’ai suivi plusieurs enseignements universitaires avec le Dr Guyer et j’ai même rédigé ma thèse de fin d’études avec lui, thèse qui portait sur la déclinaison de la morale kantienne en philosophie politique.
Après avoir écarté les affirmations que Rand avait faites sur l’objectif de Kant de « préserver la moralité de l’abnégation et du sacrifice personnels » ou de protéger le mysticisme et la théologie de la science, et après m’être concentré sur la substance même de la pensée de Kant et sur ses écrits, je me suis rendu compte que non seulement Kant n’était pas l’homme le plus mauvais dans l’histoire, mais qu’il a en fait posé les fondations d’une large part de la pensée objectiviste d’aujourd’hui. Une présentation plus précise de la philosophie et des arguments de Kant sera très utile pour à la fois clarifier et développer la philosophie objectiviste.
La métaphysique, premier axe critique pour Rand
Comme on peut s’y attendre, à l’aune du rapport d’Ayn Rand avec la philosophie, sa première critique a trait à la métaphysique et à l’épistémologie de Kant. Je commencerai en replaçant l’œuvre de Kant dans son contexte. Emmanuel Kant est un philosophe qui fut essentiellement publié à la fin du XVIIIe siècle, peu après la critique de la causalité par David Hume. Ce dernier soutenait qu’il nous est impossible de déduire les lois causales, quand bien même notre vie quotidienne et toute la méthode scientifique dépend de leur existence dans l’univers. Au vu de notre interaction avec le monde, seul un raisonnement inductif peut établir la causalité. On ne déduit pas de principes préalables le fait qu’un stylo tombe au sol si on le lâche, mais à partir de l’observation du stylo qui tombe immanquablement à chaque fois qu’on le laisse tomber. On est ainsi en mesure de déterminer par induction que la prochaine fois que l’on lâchera le stylo, il tombera à nouveau. Bien que cette façon de raisonner puisse être admise dans la vie de tous les jours, et même dans la production et le travail, dit Hume, elle ne nous donne pas l’assurance et la sécurité que les scientifiques et les philosophes recherchent quand il est dit qu’il y a une loi de la gravité. Si Hume a raison, alors il n’existe pas de certitude tirée de la déduction, et tout le projet scientifique moderne, qui a moins de 200 ans, est en danger.
La métaphysique et l’épistémologie kantiennes sont dans une large mesure une réponse à la critique humienne de la causalité. En résumé, nous savons que le monde autour de nous existe, et nous pouvons le comprendre par un des deux biais suivants : la perception et la raison. On peut utiliser les sens pour expérimenter le monde et notre esprit pour établir la façon dont le monde fonctionne. Cependant, l’un ne dépend pas de l’autre. On peut avoir une perception du monde qui ne soit pas raisonnée, et on peut user de notre raison pour établir que nos perceptions ne nous donnent pas toujours une image exacte du monde. À partir de là, Kant démontre qu’il existe deux façons de comprendre les choses : en tant que phénomènes, c’est à dire en tant qu’objets de sensibilité, qui sont simplement la façon dont ils nous apparaissent dans la perception sensible, ou en tant que noumènes, c’est à dire les choses telles qu’elles sont et telles qu’elles nous sont connues par le biais du simple intellect. Ce qui différencie notre compréhension des phénomènes de celle des noumènes, c’est le fait que nos sens ne peuvent appréhender les choses que de façon particulière. Nous expérimentons les choses par le biais de certaines formes ou catégories, qui ne peuvent être pas dépassées par nos sens. En revanche, dit Kant, en utilisant notre intellect, nous pouvons comprendre rationnellement quelles choses sont indépendantes de ces catégories.
C’est sur cette distinction qu’Ayn Rand concentre sa critique. Je la cite in extenso, à partir de For The New Intellectual :
« Le monde phénoménal, disait Kant, n’est pas réel : la réalité telle que perçue par l’esprit humain est une déformation. Le ressort de cette distorsion réside dans la faculté de l’homme à conceptualiser : les concepts de base pour l’homme, tels que l’espace ou l’existence, ne proviennent pas de l’expérience ou de la réalité, mais d’un système spontané de filtres dans sa conscience, que l’on appelle « catégories » ou « formes de perception », qui imposent leur propre dessein à sa perception du monde externe et le rendent incapable de le percevoir autrement que de la façon dont il l’appréhende effectivement. Cela prouve, selon Kant, que les concepts humains ne sont qu’une illusion, mais une illusion à laquelle personne n’a la possibilité d’échapper. La raison et la science sont donc limitées pour Kant, elles ne valent que tant qu’elles se penchent sur ce monde par le biais d’une illusion collective, prédéterminée et permanente – d’où le passage, pour la validité de la raison en tant que critère, de l’objectif au collectif. Mais elles sont inopérantes pour traiter des questions fondamentales, métaphysiques de l’existence, qui appartiennent au monde nouménal. Celui-ci ne peut être connu, c’est le monde de la réalité « réelle », de la vérité supérieure, des « choses en tant qu’elles-mêmes » ou « telles qu’elles sont », ce qui veut dire des choses telles qu’elles ne sont pas perçues par l’homme. Même au-delà du fait que la théorie de Kant sur les « catégories », en tant que source des concepts humains, soit une invention ridicule, son argument revenait à la négation non seulement de la conscience de l’homme, mais de toute conscience, de la conscience en tant que telle. Son propos, par essence, se présentait ainsi : l’homme est limité à une conscience d’une nature spécifique, qui perçoit par des moyens spécifiques et pas d’autres. Dès lors, sa conscience n’est pas valide, l’homme est aveugle parce qu’il a des yeux, sourd parce qu’il a des oreilles, dupé du fait de son esprit, et les choses qu’il perçoit n’existent pas parce qu’il les perçoit ».
Pourtant, une simple exploration superficielle de la philosophie de Kant conduit à une conclusion toute différente. Kant ne défend pas l’idée que les phénomènes ne sont pas réels. Ils sont, effectivement, bien réels. De même, les noumènes sont réels, et nous pouvons en effet être sûrs des catégories, et des représentations des phénomènes à travers elles, parce qu’elles sont des éléments nécessaires à la façon dont le monde se présente à nous par nos sens. Les catégories peuvent mener à des perceptions différentes du monde – des différences aussi bien dans la façon dont des personnes différentes voient les choses que dans la façon dont une chose est – mais cela ne remet pas en question la validité de nos perceptions, au contraire. En saisissant cette distinction, Kant estime que l’on peut mieux rationaliser nos perceptions du monde et comprendre la nécessité d’éléments tels que la loi de causalité en tant que caractéristique nécessaire du monde phénoménal. Au lieu de ne compter que sur nos sens ou notre perception, Kant fournit un cadre pour allier les deux.
Comme l’a montré Dr. Paul Guyer :
La grande idée de Kant est que la raison pure mène à l’illusion quand on essaie de l’utiliser indépendamment de la sensibilité et de ses limites inhérentes, dans le but d’acquérir une connaissance théorique des objets se situant au-delà des limites de nos sens. D’où la notion d’objets « supra-sensibles », tels que Dieu ou notre âme. Mais seulement la raison pure peut apporter ce qu’il faut dans la sphère pratique de la conduite morale : seule la raison pure, et non pas les dispositions de sensibilité, c’est-à-dire nos simples vœux et passions naturels, fournit le principe fondamental de la moralité, la « loi pratique » du bien et du mal, et comme postulats de pure raison pratique nécessaire à notre conduite morale, les idées de liberté de nos propres volontés et même l’immortalité de nos âmes et l’existence de Dieu sont des objets de croyance justifiée.
Kant fournit un moyen de défendre le déterminisme du monde réel et la certitude de la science tout en dégageant un espace pour la libre volonté des individus. C’est là un ensemble de vues dont l’objectivisme semble vouloir se réclamer, et pour lequel il doit probablement se fonder sur Kant pour y arriver.
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Dans un bref résumé de The Objectivist, publié en 1971, Ayn Rand fit une déclaration surprenante : « Emmanuel Kant est l’homme le plus néfaste de l’histoire de l’humanité ». Elle avait déjà critiqué Kant, comme bien d’autres philosophes et penseurs par le passé, mais en dépit des éventuels désaccords que l’on peut avoir avec Kant, il est clair que cette déclaration est excessive. Elle a laissé beaucoup des soutiens de Rand dans l’embarras pour la justifier, et bien plus en ont simplement été déconcertés. Je viens ici défendre l’idée que non seulement Rand avait tort à propos de ce jugement, mais aussi à propos de son rejet total de la philosophie de Kant, dans la mesure où l’objectivisme se situe, à bien des égards, dans le sillon de la philosophie kantienne.
Je fais cette démarche en étant moi-même un objectiviste. Je me considère comme tel, du moins, depuis l’été suivant mon année de seconde, quand j’ai terminé de lire Atlas Shrugged (traduit en français par Sophie Bastide-Foltz sous le titre : La Grève, Les Belles Lettres, 2012), livre que mon père m’avait offert pour mon anniversaire. Certains diront que je ne suis pas objectivisite puisque je suis parfois en désaccord avec Ayn Rand. Peut-être certains d’entre eux sont aujourd’hui dans la salle, et j’espère qu’ils se manifesteront lors de la séance de questions/réponses pour un échange intéressant. Peut-être même que le sujet de cette conférence les confortera dans cette idée. Mais mon espoir, au-delà de démontrer que Rand avait tort sur ce point, est qu’il y ait une différence entre être objectiviste et être randien : alors que le randien serait celui qui s’en tient à des idées inexactes et les défend bec et ongle, l’objectiviste serait celui qui partagerait une vision globale et pertinente qui alimente une réflexion et une analyse sérieuses sur le monde et l’existence humaine.
Quand j’ai commencé à étudier la philosophie au lycée, j’étais enclin à croire ce que Ayn Rand disait de Kant. Quand je suis allé à l’université de Pennsylvania, en tant qu’étudiant puis en tant qu’auditeur libre en philosophie, j’ai voulu profiter du fait que je fréquentais un établissement accueillant un professeur comptant parmi les meilleurs spécialistes de Kant au monde, le Dr Paul Guyer. Durant mon parcours d’étudiant, j’ai suivi plusieurs enseignements universitaires avec le Dr Guyer et j’ai même rédigé ma thèse de fin d’études avec lui, thèse qui portait sur la déclinaison de la morale kantienne en philosophie politique.
Après avoir écarté les affirmations que Rand avait faites sur l’objectif de Kant de « préserver la moralité de l’abnégation et du sacrifice personnels » ou de protéger le mysticisme et la théologie de la science, et après m’être concentré sur la substance même de la pensée de Kant et sur ses écrits, je me suis rendu compte que non seulement Kant n’était pas l’homme le plus mauvais dans l’histoire, mais qu’il a en fait posé les fondations d’une large part de la pensée objectiviste d’aujourd’hui. Une présentation plus précise de la philosophie et des arguments de Kant sera très utile pour à la fois clarifier et développer la philosophie objectiviste.
La métaphysique, premier axe critique pour Rand
Comme on peut s’y attendre, à l’aune du rapport d’Ayn Rand avec la philosophie, sa première critique a trait à la métaphysique et à l’épistémologie de Kant. Je commencerai en replaçant l’œuvre de Kant dans son contexte. Emmanuel Kant est un philosophe qui fut essentiellement publié à la fin du XVIIIe siècle, peu après la critique de la causalité par David Hume. Ce dernier soutenait qu’il nous est impossible de déduire les lois causales, quand bien même notre vie quotidienne et toute la méthode scientifique dépend de leur existence dans l’univers. Au vu de notre interaction avec le monde, seul un raisonnement inductif peut établir la causalité. On ne déduit pas de principes préalables le fait qu’un stylo tombe au sol si on le lâche, mais à partir de l’observation du stylo qui tombe immanquablement à chaque fois qu’on le laisse tomber. On est ainsi en mesure de déterminer par induction que la prochaine fois que l’on lâchera le stylo, il tombera à nouveau. Bien que cette façon de raisonner puisse être admise dans la vie de tous les jours, et même dans la production et le travail, dit Hume, elle ne nous donne pas l’assurance et la sécurité que les scientifiques et les philosophes recherchent quand il est dit qu’il y a une loi de la gravité. Si Hume a raison, alors il n’existe pas de certitude tirée de la déduction, et tout le projet scientifique moderne, qui a moins de 200 ans, est en danger.
La métaphysique et l’épistémologie kantiennes sont dans une large mesure une réponse à la critique humienne de la causalité. En résumé, nous savons que le monde autour de nous existe, et nous pouvons le comprendre par un des deux biais suivants : la perception et la raison. On peut utiliser les sens pour expérimenter le monde et notre esprit pour établir la façon dont le monde fonctionne. Cependant, l’un ne dépend pas de l’autre. On peut avoir une perception du monde qui ne soit pas raisonnée, et on peut user de notre raison pour établir que nos perceptions ne nous donnent pas toujours une image exacte du monde. À partir de là, Kant démontre qu’il existe deux façons de comprendre les choses : en tant que phénomènes, c’est à dire en tant qu’objets de sensibilité, qui sont simplement la façon dont ils nous apparaissent dans la perception sensible, ou en tant que noumènes, c’est à dire les choses telles qu’elles sont et telles qu’elles nous sont connues par le biais du simple intellect. Ce qui différencie notre compréhension des phénomènes de celle des noumènes, c’est le fait que nos sens ne peuvent appréhender les choses que de façon particulière. Nous expérimentons les choses par le biais de certaines formes ou catégories, qui ne peuvent être pas dépassées par nos sens. En revanche, dit Kant, en utilisant notre intellect, nous pouvons comprendre rationnellement quelles choses sont indépendantes de ces catégories.
C’est sur cette distinction qu’Ayn Rand concentre sa critique. Je la cite in extenso, à partir de For The New Intellectual :
« Le monde phénoménal, disait Kant, n’est pas réel : la réalité telle que perçue par l’esprit humain est une déformation. Le ressort de cette distorsion réside dans la faculté de l’homme à conceptualiser : les concepts de base pour l’homme, tels que l’espace ou l’existence, ne proviennent pas de l’expérience ou de la réalité, mais d’un système spontané de filtres dans sa conscience, que l’on appelle « catégories » ou « formes de perception », qui imposent leur propre dessein à sa perception du monde externe et le rendent incapable de le percevoir autrement que de la façon dont il l’appréhende effectivement. Cela prouve, selon Kant, que les concepts humains ne sont qu’une illusion, mais une illusion à laquelle personne n’a la possibilité d’échapper. La raison et la science sont donc limitées pour Kant, elles ne valent que tant qu’elles se penchent sur ce monde par le biais d’une illusion collective, prédéterminée et permanente – d’où le passage, pour la validité de la raison en tant que critère, de l’objectif au collectif. Mais elles sont inopérantes pour traiter des questions fondamentales, métaphysiques de l’existence, qui appartiennent au monde nouménal. Celui-ci ne peut être connu, c’est le monde de la réalité « réelle », de la vérité supérieure, des « choses en tant qu’elles-mêmes » ou « telles qu’elles sont », ce qui veut dire des choses telles qu’elles ne sont pas perçues par l’homme. Même au-delà du fait que la théorie de Kant sur les « catégories », en tant que source des concepts humains, soit une invention ridicule, son argument revenait à la négation non seulement de la conscience de l’homme, mais de toute conscience, de la conscience en tant que telle. Son propos, par essence, se présentait ainsi : l’homme est limité à une conscience d’une nature spécifique, qui perçoit par des moyens spécifiques et pas d’autres. Dès lors, sa conscience n’est pas valide, l’homme est aveugle parce qu’il a des yeux, sourd parce qu’il a des oreilles, dupé du fait de son esprit, et les choses qu’il perçoit n’existent pas parce qu’il les perçoit ».
Pourtant, une simple exploration superficielle de la philosophie de Kant conduit à une conclusion toute différente. Kant ne défend pas l’idée que les phénomènes ne sont pas réels. Ils sont, effectivement, bien réels. De même, les noumènes sont réels, et nous pouvons en effet être sûrs des catégories, et des représentations des phénomènes à travers elles, parce qu’elles sont des éléments nécessaires à la façon dont le monde se présente à nous par nos sens. Les catégories peuvent mener à des perceptions différentes du monde – des différences aussi bien dans la façon dont des personnes différentes voient les choses que dans la façon dont une chose est – mais cela ne remet pas en question la validité de nos perceptions, au contraire. En saisissant cette distinction, Kant estime que l’on peut mieux rationaliser nos perceptions du monde et comprendre la nécessité d’éléments tels que la loi de causalité en tant que caractéristique nécessaire du monde phénoménal. Au lieu de ne compter que sur nos sens ou notre perception, Kant fournit un cadre pour allier les deux.
Comme l’a montré Dr. Paul Guyer :
La grande idée de Kant est que la raison pure mène à l’illusion quand on essaie de l’utiliser indépendamment de la sensibilité et de ses limites inhérentes, dans le but d’acquérir une connaissance théorique des objets se situant au-delà des limites de nos sens. D’où la notion d’objets « supra-sensibles », tels que Dieu ou notre âme. Mais seulement la raison pure peut apporter ce qu’il faut dans la sphère pratique de la conduite morale : seule la raison pure, et non pas les dispositions de sensibilité, c’est-à-dire nos simples vœux et passions naturels, fournit le principe fondamental de la moralité, la « loi pratique » du bien et du mal, et comme postulats de pure raison pratique nécessaire à notre conduite morale, les idées de liberté de nos propres volontés et même l’immortalité de nos âmes et l’existence de Dieu sont des objets de croyance justifiée.
Kant fournit un moyen de défendre le déterminisme du monde réel et la certitude de la science tout en dégageant un espace pour la libre volonté des individus. C’est là un ensemble de vues dont l’objectivisme semble vouloir se réclamer, et pour lequel il doit probablement se fonder sur Kant pour y arriver.
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