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Ferhat Aït Ali: «Cela est d’une gravité impardonnable»

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  • Ferhat Aït Ali: «Cela est d’une gravité impardonnable»

    Ferhat Aït Ali. Expert financier
    «Cela est d’une gravité impardonnable»
    EL WATAN


    - Le ministre du Commerce a révélé que sur les 60 milliards de dollars d’importations, 30% ont fait l’objet de transferts illicites par le biais de la surfacturation. Quelles sont, selon vous, les niches favorisant ce phénomène ?

    Si le ministre confirme ses déclarations relatives à l’estimation de la surfacturation à 20 milliards de dollars sur chaque 60 milliards d’importations, c’est d’une gravité impardonnable pour tous les départements en charge de la protection supposée de l’économie nationale et cela, à tous les niveaux de décision. En effet, cette affirmation revient à dire que le tiers des transferts effectués pour la couverture des importations est allé en paiement de biens ou de services fictifs, et ceci selon une durée au moins égale à la date de promulgation de la LFC 2009, même si le phénomène date de bien avant cette fameuse loi.

    Au lieu de se limiter à constater les dégâts et à faire des contrôles a posteriori – qui, juridiquement, n’exonèrent pas les services ayant effectué les contrôles a priori ou en temps réel de leur entière responsabilité dans cette hémorragie –, il serait judicieux de situer les niches légales créées par l’administration elle-même qui ont favorisé la naissance de cette activité fort lucrative qui a pris des proportions ingérables à partir de 2009. Ces niches se décomposent en deux catégories : niches initiales et niches récentes. Les niches initiales concernent les produits subventionnés ou détaxés à des fins de soutien des prix à la consommation ou d’investissement par exonération totale de droits et taxes, dont la TVA.

    Ces produits ont toujours été sujets à un phénomène de surfacturation, tant ils permettent non seulement un transfert de devises au taux officiel, sans aucune charge, et même des financements bancaires pour l’opération quand il s’agit d’investissement, permettant par la même occasion des charges d’amortissement conséquentes pour réduire les résultats imposables quand imposition il y a.

    En contrepartie, ces produits surfacturés du fait de la détaxe légale génèrent un surplus qui sert généralement à financer le différentiel de déclaration sur d’autres produits sous-facturés du fait d’une taxation plus lourde, parfois chez le même opérateur à l’importation.

    Ce circuit à deux vitesses – induit par une politique de subventions publiques erratique qui exonère totalement des produits de large consommation tout en surtaxant d’autres d’aussi large consommation dans les années 1993 à 2002 – a favorisé non seulement l’exportation frauduleuse de devises, mais aussi par ricochet un manque à gagner fiscal et douanier pour les produits sous-facturés, alimentés pour la partie cachée par la surfacturation des premiers.

    - Qu’appelez-vous les «niches récentes» ?

    Elles sont autrement plus graves ; ces formes de surfacturation induites par de nouveaux facteurs favorables ont repris non seulement le segment initial avec les acteurs initiaux, mais créé de nouvelles formes ainsi que de nouveaux acteurs, cette fois extérieurs, sous l’impulsion de lois et instructions dont l’effet a été l’inverse de ce qui était déclaré comme facteur générateur.

    L’Accord d’association de 2005 avec l’UE a permis des abattements importants sur le taux général de droits et taxes sur les marchandises en provenance de cette zone. Il a réorienté, à partir de 2010, le gros des importateurs adeptes de la surfacturation vers cette zone, où la surfacturation est devenue de facto possible sur tous les produits et non pas sur quelques-uns. Les sociétés originaires de l’UE, et particulièrement les françaises, en ont bénéficié.

    La LFC 2009, cette loi qui a obligé les opérateurs à se financer en interne même s’ils sont étrangers et à régler les factures à l’avance par crédoc, a favorisé les sociétés étrangères ayant un pied-à-terre local, qui encaissent leurs factures à l’avance quels qu’en soient le montant et la nature, tout en ayant accès à des financements bancaires locaux sous forme de crédits.

    Ces mesures, conjuguées avec l’obligation d’obtenir un certificat de qualité du pays d’origine, ont mis à plat toute possibilité de contrôle à l’arrivée et toute possibilité de contentieux et de recouvrement sur les produits non conformes, inexistants ou surévalués.

    En contrepartie, toute une série de mesures bureaucratiques et irrationnelles ont été imposées pour le transfert de bénéfices déclarés des entités étrangères implantées en Algérie, les poussant ainsi directement vers le transfert de ces dividendes en amont, sous forme de charges et d’importations de biens et services surévalués, laissant des poussières à bloquer à la Banque d’Algérie.

    - Le fléau a donc été favorisé par des facteurs endogènes dont les institutions de l’état étaient à l’origine directe…


    Dans l’absolu, comme expliqué plus haut, ce n’est pas un phénomène imprévu et imprévisible, comme d’autres phénomènes, mais la résultante logique et forcée d’une gouvernance mixte entre une bureaucratie qui confond nuisance et efficience et une caste dite politique qui confond penchants et convictions.

    La solution ne peut donc être partielle et sectorielle, mais dans la refonte de notre système de gouvernance et de notre système de pensée.

    L’installation d’une cellule de prospection ayant pour mission de suivre, en temps réel, tous les produits prévus dans la nomenclature douanière, au niveau de tous les pays prisés par les Algériens ou d’origine des importateurs étrangers installés chez nous, aurait permis de limiter le phénomène en amont, bien avant qu’il n’atteigne les proportions de catastrophe nationale évoquée par le ministre.

    Quoi qu’il en soit, si le chiffre de 20 milliards de dollars de surfacturations, qui me paraît effarant et non fondé, se vérifiait, cela reviendrait à faire deux conclusions:
    - La première est que ce chiffre calculé sur cinq ans serait de 100 milliards de dollars, et là quelqu’un d’autre que les opérateurs devrait répondre de cette perte, qui représente les deux tiers de ce qui nous reste en réserve.
    - La deuxième est que seule une infime partie de ce chiffre pourra être récupérée par contrôle a posteriori sur quelques opérateurs locaux, le gros étant déjà ailleurs.

    Ali Titouche
    Lorsque vous changez votre manière de voir les choses, les choses que vous voyez changent !

    Ne cédez donc plus à la tentation de victimisation, si vous voulez êtes l’acteur principal de votre vie.
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