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“Il faut être bac 7 en langue arabe pour comprendre le Coran”

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  • “Il faut être bac 7 en langue arabe pour comprendre le Coran”

    Une partie d'une longue entrevue avec l'anthropologue algérien Malek au quotidien Liberté Algerie

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    Dans ce long entretien à bâtons rompus, cet universitaire, qui se distingue par une approche transversale, utilise les instruments théoriques de l’anthropologie, la philosophie, la psychanalyse, pour tenter d’accéder au sens profond du texte coranique, interroger l’imaginaire arabo-musulman et comprendre comment un texte sacré comme le Coran intéresse 1,8 milliard d’êtres humains dans le monde.

    ...../.....
    Quelle est la place du hadith dans tout cela ?
    Exactement. Nous, on est sunnite, on croit au hadith. Savez-vous que les chiites n’y croient pas du tout. Nous on a Boukhari et Mouslim qui ont des milliers de hadiths dont on est biberonnés depuis le début. Mais pour les chiites, ils ne croient pas aux hadiths. Mon travail à moi n’est pas de remettre en cause aux yeux des sunnites le hadith. Ce n’est pas mon travail, c’est un travail de prédicateurs, d’idéologues. Moi je suis un scientifique. D’abord je prends acte qu’il y a des hadiths, qu’il y a des croyants qui croient aux hadiths et je prends acte aussi qu’il y a d’autres croyants qui sont tout aussi musulmans que nous mais qui ne croient pas aux hadiths. Moi, je fais un travail de comparaison (comparation) de scientifique, d’observation, et j’en tire des conclusions. Mais je ne verse ni dans l’agressivité ni dans la flagornerie. Mon souci à moi, c’est de faire un travail de juste milieu objectif, rationnel, argumenté. Tout ce que je dis dans tous mes livres est rigoureusement étayé. Je donne la maison d’édition, le titre du livre, l’auteur, la page, l’année. C’est une façon de permettre au lecteur, quel qu’il soit, d’aller vérifier ce que je dis. Parce que vous avez le prédicateur, qui vous donne le hadith, qu’il sort de je ne sais où, d’un faubourg de Médine, et vous l’impose comme vérité absolue. Alors je dis non. Il faut me donner la référence pour que je puisse contrôler, donner le hadith en entier, le contexte dans lequel il a été dit. Il y a des considérations rationnelles et objectives qui sont vérifiables par tout un chacun. C’est ce en quoi je ne suis pas un prédicateur. Et je fais parfois les choses contre ma volonté personnelle. On me dit : “Vous avez traduit le Coran mais vous n’avez pas enlevé le hadith qui dit qu’il faut frapper les femmes !” Moi je dis que je suis un traducteur et je ne peux pas supprimer tel ou tel point de vue. Parce qu’il y a certains traducteurs comme Eva de Vitray-Meyerovitch qui traduit Djalal Eddine Roumi, un grand mystique qui, dans son livre qui s’appelle Mathnawi, a écrit des passages très sexualisés. Qu’est-ce qu’elle fait ? Elle a tout traduit en français, sauf pour les passages qu’elle traduit en latin (rires).
    Pourquoi, à votre avis, les discours des intellectuels comme vous, comme M. Arkoun, ont du mal à prendre, notamment dans les sociétés arabo-musulmanes et même en France, notamment dans les banlieues ?
    Il y a plusieurs raisons à cela. Déjà, Arkoun est hermétique. C’est un parti pris. il parle aux universitaires, c’est d’un très haut niveau. C’est un universitaire classique. Il a brillamment réussi dans sa discipline il a été notre maître à tous, pour avoir lancé des débats compliqués et tendus à un moment où personne ne les attendait, notamment sur la laïcité et la laïcisation de la société arabo-musulmane et de l’islam. Moi j’ai eu un parti pris différent, c’est celui de la clarté, j’ai décidé dès le début d’écrire clairement. Je suis capable d’écrire de manière argotique et en jargonnant à telle enseigne que même moi je n’aurais pas compris mon texte 6 mois après. J’ai décidé justement de réduire ce problème, cette distance, un peu épistémologique, pour permettre à tout le monde de lire et de comprendre ce que je dis. Sur 80% de ce que je fais, je suis lisible et compréhensible par bac+2. Mes livres jargonnants, ce sont mes premiers livres du début La formation de l'identité politique, L'Imaginaire arabo-musulman…, c’est un peu universitaire. Mais depuis, j’ai fait contre moi-même un travail de dépouillement très avancé au point que je suis capable d’écrire maintenant pour des adolescents et des enfants. Ce qui est d’une grande difficulté.
    La difficulté n’est-elle pas dans le livre. Le Coran lui-même, un texte difficile d’accès pour les profanes. Un texte sacré qui fait que tout le monde se prétend musulman, se réfère à l’islam, au Coran, alors qu’une vraie compréhension du Coran exige une grande maîtrise ?
    Exactement ! Trop peu de gens comprennent le Coran ! Il faut être bac + 7 en langue arabe pour comprendre vraiment le Coran. Moi je me suis confronté au texte en langue arabe pendant 10 ans et je l’ai traduit. Quand j’hésite, je consulte 12 traductions pour le même mot. Si vous lisez ma traduction du Coran, je me suis fait un plaisir de roi de montrer toutes les carences et les faiblesses des traducteurs européens.
    Peut-on appréhender un texte d’essence spirituelle, un texte religieux avec des instruments théoriques profanes ?
    Nous, on considère que le Coran est sacré. Soit. Moi je n’y touche pas. Je ne désacralise pas le Coran. Je ne dis pas que le Coran est mensonger ! J’analyse les conditions qui sont données par le Coran, les hadiths et la vie du Prophète. Mais je ne change pas une virgule au Coran. Moi je ne remets pas en question la révélation ! Ce n’est pas mon but. Mon but c’est de savoir pourquoi et comment un texte sacré comme le Coran intéresse 1,8 milliard d’êtres humains dans le monde. C’est ce que j’analyse : comment un livre aussi complexe, peu lisible et pas facilement accessible motive autant de personnes ? C’est quand même impressionnant !
    Le contexte de parution est donc indispensable à une bonne compréhension du sens des versets ?
    Absolument. La contextualisation des versets et c’est là que les islamologues occidentaux font leur beurre. Ils sont allés même jusqu’à dire que le Coran n’est pas cohérent et que tel verset devrait précéder tel autre verset. Sur certains points, ils ont raison et c’est la science elle-même. Mais sur beaucoup d’autres, ils ont tort et c’est parce qu’au départ ils ne sont allés chercher que les faiblesses, les failles du texte.

    Liberté Algerie

    Malek Chebel: Changer l'Islam

    Dernière modification par humani, 12 novembre 2015, 16h42.
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