Ca pourrait être n'importe qui... Par Mazarine Pingeot... "Le voilà le terrorisme : celui qui détruit le lien social et le rapport à l’autre, celui qui atomise la société"...
Le terrorisme consiste à semer la terreur : la terreur, c’est l’impossibilité d’identifier l’ennemi et l’apparence arbitraire, contingente de ses frappes. Certes, à bien y regarder, on peut trouver des raisons aux choix du Bataclan, du petit Cambodge, de la Belle équipe, etc., mais ce sont des raisons qui n’ont aucune importance. Ces attaques relèvent d’une logique absurde dont on ne peut rendre compte, et qui de ce fait s’annule en tant que logique. Qui fut touché ? Tout le monde. Sans distinction d’appartenance religieuse, sexuelle, politique, générationnelle. Il suffisait d’être là. Chacun d’entre nous demeure sidéré d’avoir échappé au massacre, pour les mêmes raisons que d’autres en furent les victimes : le hasard.
Alors certes, on peut remonter à l’origine de Da’esh, à l’immigration et à
la ghettoïsation qui aurait produit des terroristes de façon quasi aussi déterminante qu’une chaîne des usines Renault délocalisées au Maroc produit des Logan en série. On pourrait remonter à l’enfance malheureuse, à la dérive sectaire, à l’échec scolaire. Certes on peut fournir autant d’éléments d’explication qu’on voudra, juste pour mettre du sens, juste pour se donner l’illusion du sens, mais c’est peine perdue.
La violence qui se nourrit d’elle-même et qui est à elle-même sa propre finalité n’a pas de sens. Le mot d’ordre de Da’esh n’a pas de sens (sinon justement la destruction du sens). Les petits imbéciles qui chez eux s’arment et revêtissent leurs gilets explosifs, demeurent de petits imbéciles et non des victimes du système. Sinon quoi penser de tous leurs voisins qui eux ne sont pas devenus des bombes humaines, à moins de considérer ceux-ci comme génétiquement déterminés pour le Bien à l’inverse des premiers, à moins de renoncer au champ éthique à l’intérieur duquel on peut considérer qu’un acte est associé à une responsabilité, à moins de renoncer… au sens justement, et à l’idée du choix.
« Ça pourrait être n’importe qui » est l’annonce d’une première victoire au compte des terroristes. Car cette phrase ne s’adresse pas seulement aux victimes potentielles, mais aussi aux bourreaux. Qui dans le métro, voyant entrer un musulman visiblement religieux muni d’un gros sac ne s’est pas posé la question : terroriste ? Pas terroriste ? Je change de rame ? Je reste ? Qui n’a pas fait de délit de faciès à usage personnel, avant de s’en vouloir – moi ? un délit de faciès ? Impossible ! Et pourtant j’ai peur, parce qu’il a vraiment une sale tronche. – Car n’importe qui, dans cette foule, pourrait être terroriste, et plus précisément, les hommes d’origine arabe. C’est alors qu’est exhumé le racisme ordinaire, celui qui s’indexe sur la peur. Une peur partagée par les Français d’origine arabe, par les Musulmans, par tous les usagers du métro, par moi, par les zélateurs des droits de l’homme, par les militants d’extrême gauche, par les policiers en civil, par les institutrices, par les femmes voilées, par les agents de la RATP. Et nous voilà nous observant avec dans le regard, cette étrange couleur du DOUTE.
Le voilà le terrorisme : celui qui détruit le lien social et le rapport à l’autre, celui qui atomise la société. Le terrorisme dont chacun est la victime potentielle, symbolique ou réelle, parce que le soupçon porte sur « n’importe qui ».
Que peut devenir une société du soupçon ?
Musulmans religieux, hommes et femmes de culture musulmane, soulevez-vous, portez une parole forte, c’est vous en premier lieu que les terroristes ont attaqués.
Ça aurait pu être n’importe qui. Voici le parcours de quelques-unes des victimes. (Source : France 24)
Mathieu Hoche. Technicien de la société Ericsson qui collaborait depuis le démarrage de la chaîne à France 24, il fait partie des victimes de la tuerie du Bataclan. Il avait 37 ans et était père d’un enfant. C’était « un garçon adorable, discret, bosseur, professionnel », indique le directeur de la rédaction de France 24, Marc Saikali.
Nick Alexander 36 ans, un Anglais de Colchester, vendait des produits à l’effigie du groupe Eagles of Death Metal, qui se produisait au Bataclan le soir du massacre. « Nick est mort en faisant le travail qu’il aimait et nous sommes réconfortés de voir à quel point il était aimé par ses amis à travers le monde », a écrit sa famille dans un communiqué.
Jorge Alonso de Celada, un Espagnol de 59 ans, est mort sur l’une des terrasses de café visées par les terroristes.
Thomas Ayad, 32 ans, originaire d’Amiens, a été tué au Bataclan. Ce passionné de hockey sur gazon était chef de projet pour la maison de disques Mercury Music Group (Universal).
Halima Ben Khalifa Saadi, 34 ans. Cette jeune femme originaire de Menzel Bourguiba (Tunisie), près de Bizerte, vivait au Sénégal. Elle était à Paris pour fêter un anniversaire.
Hodda Ben Khalifa Saadi, 35 ans, sa grande sœur, vivait à Paris alors que sa famille est installée au Creusot (Saône-et-Loire). Elle était avec sa sœur à la fête d’anniversaire.
Maxime Bouffard, 26 ans, originaire du Coux (Dordogne), est mort au Bataclan. Ce fêtard, amateur de rugby, habitait depuis quatre ans à Paris, où il réalisait des films.
Quentin Boulenger, 29 ans, mort au Bataclan. Cet habitant du XVIIe arrondissement, originaire de Reims, travaillait comme manager de projets numériques chez L’Oréal, rapporte le quotidien « Libération ».
Ludovic Boumbas, une quarantaine d’années, a été tué à la terrasse du bar La Belle équipe. Né au Congo, cet employé du transporteur Fedex a grandi à Lille. À « Libération », l’un de ses amis, qui devait le rejoindre ce soir-là, a parlé d’ »un garçon très social, avec un sens du contact hors du commun ». Le journal britannique « Daily Mail » rapporte que Ludovic s’est jeté sur les assaillants pour tenter de sauver d’autres personnes.
Élodie Breuil, 23 ans, a été tuée au Bataclan où elle passait la soirée avec six amis. Elle étudiait le design à Paris, à l’École de Condé. Le 11 janvier, elle avait défilé avec sa mère place de la République, à Paris.
Ciprian Calciu, 32 ans, et sa compagne Lacramioara Pop, 29 ans, tous deux de nationalité roumaine, sont morts au restaurant La Belle équipe. Ils étaient parents d’un enfant âgé de 18 mois.
Nicolas Catinat, 37 ans, a été tué au Bataclan, alors qu’il se trouvait dans la fosse. Habitant à Domont, dans le Val-d’Oise, il a cherché à protéger ses amis en se plaçant en bouclier humain.
Nicolas Classeau, 40 ans, père de trois enfants âgés de 6, 11 et 15 ans, est tombé sous les balles au Bataclan, où il assistait au concert avec sa compagne, blessée. Guitariste amateur, cet habitant de Bagnolet (Seine-Saint-Denis) était directeur de l’IUT de Marne-la-Vallée (Seinte-et-Marne).
Precilia Correia, 35 ans. Portugaise, elle était employée par la maison de disques Mercury Music. Elle est morte au Bataclan.
Guillaume Decherf, 43 ans, était un journaliste indépendant qui travaillait pour plusieurs titres et couvrait notamment la musique rock pour le magazine culturel « Les Inrockuptibles ». Il avait récemment écrit au sujet du nouvel album du groupe Eagles of Death Metal. Il était le père de deux filles.
Asta Diakite, cousine du joueur de l’équipe de France de football Lassana Diarra, qui était en train de jouer sur la pelouse du Stade de France lorsque les explosions ont eu lieu. Elle est tombée sous les balles de la fusillade de la rue Bichat, où elle « était juste partie chercher à manger », rapporte « Le Parisien ».
Manuel Colaco Dias, 63 ans, un Portugais fan de foot qui vivait près de Reims, a péri alors qu’il se trouvait à l’extérieur du Stade de France, soufflé par l’explosion de l’un des kamikazes. Chauffeur d’une navette, il avait transporté des supporters Rémois au stade, rapporte France Bleu.
Elsa Delplace, 35 ans, était venue au concert des Eagles of Death Metal avec sa mère et son fils de 5 ans. La fille et la mère, Patricia San Martin, 61 ans, ont été tuées, alors que le garçonnet a survécu. Patricia, fonctionnaire à la mairie de Sevran (Seine-Saint-Denis), était la nièce de l’ambassadeur chilien au Mexique.
Le terrorisme consiste à semer la terreur : la terreur, c’est l’impossibilité d’identifier l’ennemi et l’apparence arbitraire, contingente de ses frappes. Certes, à bien y regarder, on peut trouver des raisons aux choix du Bataclan, du petit Cambodge, de la Belle équipe, etc., mais ce sont des raisons qui n’ont aucune importance. Ces attaques relèvent d’une logique absurde dont on ne peut rendre compte, et qui de ce fait s’annule en tant que logique. Qui fut touché ? Tout le monde. Sans distinction d’appartenance religieuse, sexuelle, politique, générationnelle. Il suffisait d’être là. Chacun d’entre nous demeure sidéré d’avoir échappé au massacre, pour les mêmes raisons que d’autres en furent les victimes : le hasard.
Alors certes, on peut remonter à l’origine de Da’esh, à l’immigration et à
la ghettoïsation qui aurait produit des terroristes de façon quasi aussi déterminante qu’une chaîne des usines Renault délocalisées au Maroc produit des Logan en série. On pourrait remonter à l’enfance malheureuse, à la dérive sectaire, à l’échec scolaire. Certes on peut fournir autant d’éléments d’explication qu’on voudra, juste pour mettre du sens, juste pour se donner l’illusion du sens, mais c’est peine perdue.
La violence qui se nourrit d’elle-même et qui est à elle-même sa propre finalité n’a pas de sens. Le mot d’ordre de Da’esh n’a pas de sens (sinon justement la destruction du sens). Les petits imbéciles qui chez eux s’arment et revêtissent leurs gilets explosifs, demeurent de petits imbéciles et non des victimes du système. Sinon quoi penser de tous leurs voisins qui eux ne sont pas devenus des bombes humaines, à moins de considérer ceux-ci comme génétiquement déterminés pour le Bien à l’inverse des premiers, à moins de renoncer au champ éthique à l’intérieur duquel on peut considérer qu’un acte est associé à une responsabilité, à moins de renoncer… au sens justement, et à l’idée du choix.
« Ça pourrait être n’importe qui » est l’annonce d’une première victoire au compte des terroristes. Car cette phrase ne s’adresse pas seulement aux victimes potentielles, mais aussi aux bourreaux. Qui dans le métro, voyant entrer un musulman visiblement religieux muni d’un gros sac ne s’est pas posé la question : terroriste ? Pas terroriste ? Je change de rame ? Je reste ? Qui n’a pas fait de délit de faciès à usage personnel, avant de s’en vouloir – moi ? un délit de faciès ? Impossible ! Et pourtant j’ai peur, parce qu’il a vraiment une sale tronche. – Car n’importe qui, dans cette foule, pourrait être terroriste, et plus précisément, les hommes d’origine arabe. C’est alors qu’est exhumé le racisme ordinaire, celui qui s’indexe sur la peur. Une peur partagée par les Français d’origine arabe, par les Musulmans, par tous les usagers du métro, par moi, par les zélateurs des droits de l’homme, par les militants d’extrême gauche, par les policiers en civil, par les institutrices, par les femmes voilées, par les agents de la RATP. Et nous voilà nous observant avec dans le regard, cette étrange couleur du DOUTE.
Le voilà le terrorisme : celui qui détruit le lien social et le rapport à l’autre, celui qui atomise la société. Le terrorisme dont chacun est la victime potentielle, symbolique ou réelle, parce que le soupçon porte sur « n’importe qui ».
Que peut devenir une société du soupçon ?
Musulmans religieux, hommes et femmes de culture musulmane, soulevez-vous, portez une parole forte, c’est vous en premier lieu que les terroristes ont attaqués.
Ça aurait pu être n’importe qui. Voici le parcours de quelques-unes des victimes. (Source : France 24)
Mathieu Hoche. Technicien de la société Ericsson qui collaborait depuis le démarrage de la chaîne à France 24, il fait partie des victimes de la tuerie du Bataclan. Il avait 37 ans et était père d’un enfant. C’était « un garçon adorable, discret, bosseur, professionnel », indique le directeur de la rédaction de France 24, Marc Saikali.
Nick Alexander 36 ans, un Anglais de Colchester, vendait des produits à l’effigie du groupe Eagles of Death Metal, qui se produisait au Bataclan le soir du massacre. « Nick est mort en faisant le travail qu’il aimait et nous sommes réconfortés de voir à quel point il était aimé par ses amis à travers le monde », a écrit sa famille dans un communiqué.
Jorge Alonso de Celada, un Espagnol de 59 ans, est mort sur l’une des terrasses de café visées par les terroristes.
Thomas Ayad, 32 ans, originaire d’Amiens, a été tué au Bataclan. Ce passionné de hockey sur gazon était chef de projet pour la maison de disques Mercury Music Group (Universal).
Halima Ben Khalifa Saadi, 34 ans. Cette jeune femme originaire de Menzel Bourguiba (Tunisie), près de Bizerte, vivait au Sénégal. Elle était à Paris pour fêter un anniversaire.
Hodda Ben Khalifa Saadi, 35 ans, sa grande sœur, vivait à Paris alors que sa famille est installée au Creusot (Saône-et-Loire). Elle était avec sa sœur à la fête d’anniversaire.
Maxime Bouffard, 26 ans, originaire du Coux (Dordogne), est mort au Bataclan. Ce fêtard, amateur de rugby, habitait depuis quatre ans à Paris, où il réalisait des films.
Quentin Boulenger, 29 ans, mort au Bataclan. Cet habitant du XVIIe arrondissement, originaire de Reims, travaillait comme manager de projets numériques chez L’Oréal, rapporte le quotidien « Libération ».
Ludovic Boumbas, une quarantaine d’années, a été tué à la terrasse du bar La Belle équipe. Né au Congo, cet employé du transporteur Fedex a grandi à Lille. À « Libération », l’un de ses amis, qui devait le rejoindre ce soir-là, a parlé d’ »un garçon très social, avec un sens du contact hors du commun ». Le journal britannique « Daily Mail » rapporte que Ludovic s’est jeté sur les assaillants pour tenter de sauver d’autres personnes.
Élodie Breuil, 23 ans, a été tuée au Bataclan où elle passait la soirée avec six amis. Elle étudiait le design à Paris, à l’École de Condé. Le 11 janvier, elle avait défilé avec sa mère place de la République, à Paris.
Ciprian Calciu, 32 ans, et sa compagne Lacramioara Pop, 29 ans, tous deux de nationalité roumaine, sont morts au restaurant La Belle équipe. Ils étaient parents d’un enfant âgé de 18 mois.
Nicolas Catinat, 37 ans, a été tué au Bataclan, alors qu’il se trouvait dans la fosse. Habitant à Domont, dans le Val-d’Oise, il a cherché à protéger ses amis en se plaçant en bouclier humain.
Nicolas Classeau, 40 ans, père de trois enfants âgés de 6, 11 et 15 ans, est tombé sous les balles au Bataclan, où il assistait au concert avec sa compagne, blessée. Guitariste amateur, cet habitant de Bagnolet (Seine-Saint-Denis) était directeur de l’IUT de Marne-la-Vallée (Seinte-et-Marne).
Precilia Correia, 35 ans. Portugaise, elle était employée par la maison de disques Mercury Music. Elle est morte au Bataclan.
Guillaume Decherf, 43 ans, était un journaliste indépendant qui travaillait pour plusieurs titres et couvrait notamment la musique rock pour le magazine culturel « Les Inrockuptibles ». Il avait récemment écrit au sujet du nouvel album du groupe Eagles of Death Metal. Il était le père de deux filles.
Asta Diakite, cousine du joueur de l’équipe de France de football Lassana Diarra, qui était en train de jouer sur la pelouse du Stade de France lorsque les explosions ont eu lieu. Elle est tombée sous les balles de la fusillade de la rue Bichat, où elle « était juste partie chercher à manger », rapporte « Le Parisien ».
Manuel Colaco Dias, 63 ans, un Portugais fan de foot qui vivait près de Reims, a péri alors qu’il se trouvait à l’extérieur du Stade de France, soufflé par l’explosion de l’un des kamikazes. Chauffeur d’une navette, il avait transporté des supporters Rémois au stade, rapporte France Bleu.
Elsa Delplace, 35 ans, était venue au concert des Eagles of Death Metal avec sa mère et son fils de 5 ans. La fille et la mère, Patricia San Martin, 61 ans, ont été tuées, alors que le garçonnet a survécu. Patricia, fonctionnaire à la mairie de Sevran (Seine-Saint-Denis), était la nièce de l’ambassadeur chilien au Mexique.
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