Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Pourquoi Dieu ne peut sauver l'homme ? Et c'est à l'homme de se sauver par la grâce qui est en lui

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Pourquoi Dieu ne peut sauver l'homme ? Et c'est à l'homme de se sauver par la grâce qui est en lui

    C'est dans une interview célèbre accordée au grand quotidien allemand Der Spiegel le 23 septembre 1966 que Heidegger a lâché cette phrase énigmatique : «Seul Dieu peut encore nous sauver...» Cette phrase de Heidegger demeure aujourd'hui assez énigmatique tant les interprétations émanant des plus grands spécialistes «divergent», écrit Jean-Luc Berlet (1). Aussi, prenons quelques points de cette interview et essayons d'en comprendre le sens. Que peut-on en conclure ?

    1. INTERVIEW DE HEIDEGGER A L'HEBDOMADAIRE ALLEMAND SPIEGEL

    (…) (2)

    Spiegel : Nous devons reconnaître que nous préférons être ici, et de notre vivant nous ne serons sans doute pas non plus obligés d'en partir ; mais qui sait si c'est la destination de l'homme d'être sur cette terre ? Il n'est pas impensable que l'homme n'ait aucune destination du tout. Mais en tout cas on pourrait voir aussi une possibilité de l'homme dans le fait que de cette terre il étende son emprise à d'autres planètes. Nous n'en sommes sûrement pas encore là d'ici longtemps. Simplement, où est-il écrit qu'il ait sa place ici ?

    Martin Heidegger : D'après notre expérience et notre histoire humaines, pour autant que je sois au courant, je sais que toute chose essentielle et grande a pu seulement naître du fait que l'homme avait une patrie (Heimat) et qu'il était enraciné dans une tradition. La littérature d'aujourd'hui, par exemple, est largement destructive.

    Spiegel : Le mot «destructif» nous gêne ici, entre autres raisons parce que le mot «nihiliste» a reçu de vous-même et dans votre philosophie un sens dont le contexte est très étendu. Cela nous frappe d'entendre le mot «destructif » rapporté à la littérature, que vous pourriez très bien ou même devriez considérer comme faisant partie de ce nihilisme.

    Martin Heidegger : J'aimerais dire que la littérature dont je parle n'est pas nihiliste dans le sens où je pense ce mot.

    (…)

    Spiegel : Bien. Alors une question se pose, naturellement : l'individu humain peut-il encore avoir une influence sur ce tissu d'événements qui doivent forcément se produire, ou bien alors la philosophie peut-elle avoir une influence, ou bien les deux ensemble, dans la mesure où la philosophie conduit l'individu ou plusieurs individus à entreprendre une action définie ?

    Martin Heidegger : (…) Si vous me permettez une réponse brève et peut-être un peu massive, mais issue d'une longue réflexion : la philosophie ne pourra pas produire d'effet immédiat qui change l'état présent du monde. Cela ne vaut pas seulement pour la philosophie, mais pour tout ce qui n'est que préoccupations et aspirations du côté de l'homme. Seulement un Dieu peut encore nous sauver. Il nous reste pour seule possibilité de préparer dans la pensée et la poésie une disponibilité pour l'apparition du Dieu ou pour l'absence du Dieu dans notre déclin, que nous ne fassions, pour dire brutalement les choses que «crever» ; que nous déclinions à la face du Dieu absent.

    Spiegel : Y a-t-il un rapport entre votre pensée et l'avènement de ce dieu ? Y a-t-il là, à vos yeux, un rapport causal ? Croyez-vous que nous pouvons penser ce dieu de manière à le faire venir ?

    Martin Heidegger : Nous ne pouvons pas le faire venir par la pensée, nous sommes capables au mieux d'éveiller une disponibilité pour l'attendre.

    Spiegel : Mais pouvons-nous aider ?

    Martin Heidegger : La préparation de la disponibilité pourrait bien être le premier secours. Le monde ne peut pas être ce qu'il est et comme il est par l'homme, mais il ne peut l'être non plus sans l'homme. Cela tient, d'après moi, au fait que ce que d'un mot venu de très loin, porteur de beaucoup de sens et aujourd'hui usé, j'appelle «l'être», est tel qu'il lui faut l'homme pour sa manifestation, sa garde et sa forme. L'essence de la technique, je la vois dans ce que j'appelle le Ge-stell, une expression souvent tournée en ridicule et peut-être maladroite. (…) Le règne du Ge-stell signifie ceci : l'homme subit le contrôle, la demande et l'injonction d'une puissance qui se manifeste dans l'essence de la technique et qu'il ne domine pas lui-même (…). Nous amener à voir cela : la pensée ne prétend pas faire plus. La philosophie est à bout.

    Spiegel : Dans le temps passé - et pas seulement dans le temps passé - on a tout de même pensé que la philosophie a beaucoup d'effets indirects, rarement des effets directs, mais qu'elle pouvait avoir beaucoup d'effets indirects, qu'elle a sus cité de nouveaux courants. Si, à ne s'en tenir qu'aux Allemands, on pense aux grands noms de Kant, Hegel, jusqu'à Nietzsche, sans même parler de Marx, on peut faire la preuve que la philosophie, par des chemins détournés, a eu une énorme influence. Voulez-vous dire maintenant que cette influence de la philosophie a pris fin ? Et quand vous dites que l'ancienne philosophie est morte, qu'il n'y en a plus, est-ce que vous pensez en même temps que cette influence de la philosophie, si elle en a jamais eu, aujourd'hui en tout cas n'existe plus ?

    Martin Heidegger : Une autre pensée pourrait avoir une influence médiate, mais aucune directe d'une façon qui ferait dire que la pensée «cause» un changement de l'état du monde.

    Spiegel : (…)

    2. L'HOMME PARTAGE PAR SON ETRE QU'IL SAIT ET SON NON-ETRE DONT IL N'EN SAIT RIEN

    L'interview nous fait dire d'emblée qu'Heidegger est en avance sur le temps. Comme d'ailleurs les questions que pose Spiegel, qui semblent acquiescer dans un certain sens à la vision de Heidegger. Quand le philosophe allemand reproche à la littérature d'aujourd'hui qu'elle est largement «destructive», on ne peut ne pas lier cette idée à la conception qui a donné cette idée. Il y a un mouvement historique qui fait que l'avènement du nihilisme que Heidegger l'identifie au destin de l'histoire occidentale n'est pas venu ex nihilo, c'est-à-dire est un processus de cause à effet. C'est très important d'en comprendre la genèse ? Sinon comment comprendre un nihilisme qui a un effet destructeur selon le philosophe. Pour Heidegger, le nihilisme moderne s'apparenterait à un pessimisme dans l'avenir du monde. Un pessimisme qui s'apparenterait à un «refus de soi, à une renonciation » dans un monde moderne qui ne rassure pas. Cependant, il faut dire que l'homme n'a pas choisi d'être, il est simplement, il existe parce qu'il est venu au monde malgré lui. Un «Décret a été émis» et toute l'humanité est venue au monde, du même arbre généalogique, du premier homme Adam, chassé du paradis.

    L'humanité est partie d'un homme. Ceci nous fait dire qu'on existé, mais on aurait pu ne pas exister si cela n'a pas été Décrété. Si aujourd'hui on existe, d'autres nous ont précédé. Demain on sera ceux qui ont précédé parce que, comme l'écrit Heidegger, nous sommes des être-pour-la-mort. Nous existons pour ne pas exister.

    Et le nihilisme que reproche Heidegger à l'Occident touchera forcément aussi le reste du monde. L'humanité est une et indivisible dans son essence. Chaque peuple, chaque humanité passe par des stades historiques mais toutes convergent vers le même but d'être. Le reste du monde qui n'a pas encore les avancées technologiques et organisationnelles de l'Occident a cependant des pare- feux qui le sécurisent. La religion, par exemple, lui permet de s'adapter à l'accélération de la vie moderne.

    L'Occident, malgré ses avancées, est confronté à cette «accélération de la vie moderne». L'Occident l'a-t-il voulu ? Faut-il dire à Heidegger N'a-t-il pas été livré aux contingences de l'histoire contre lesquelles il ne pouvait rien. La science a connu un développement considérable. Et cette science est venue ainsi. Le monde pouvait-il être autrement ? Quand l'Occident a découvert l'Amérique au XVe siècle ? L'a-t-il voulu ? N'a-t-elle pas été la marche de l'histoire ?

    «Oubli de soi», «changer d'être», ou être la proie du nihilisme répond à la question que Spiegel a posée : «l'individu humain peut-il encore avoir une influence sur ce tissu d'événements qui doivent forcément se produire, ou bien alors la philosophie peut-elle avoir une influence, ou bien les deux ensemble, dans la mesure où la philosophie conduit l'individu ou plusieurs individus à entreprendre une action définie ?» L'homme, ou simplement l'être humain, n'est-il pas partagé entre l'être qui est en lui, propre à lui, et cet être qui n'est pas à lui mais le dirige dans le monde ? Cette partie de lui dont il ne sait rien mais qui est associée à son existence. Un peu comme être et ne pas être. Sans la pensée, l'être n'est pas, n'existe pas.

    Et cette pensée active aussi dans son devenir.

    Cette pensée de l'être n'est-elle pas le socle de l'homme qui le sort du non-être, et le propulse dans le devenir ? Ainsi l'essence de l'homme apparaît comme un processus tiré du non-être pour venir à être. Dès lors, «le non-être n'est pas matériel», mais exprime l'«idée», par lequel l'être est, l'être existe. Et ce «non-être» définit les instances même qui expriment les fonctions du psychisme humain. D'où proviennent-ils les fonctions du psychisme humain «qui ne sont pas, n'existent pas matériellement, donc relevant d'un non-être dans le sens que les instances qu'il renferme sont simplement ressenties et donne existence à l'homme ? Il est évident qu'elles proviennent de l'Essence du Créateur des mondes, c'est-à-dire Dieu.

    Quand Heidegger répond par une réponse qu'il juge massive. «La philosophie ne pourra pas produire d'effet immédiat qui change l'état présent du monde. Cela ne vaut pas seulement pour la philosophie, mais pour tout ce qui n'est que préoccupations et aspirations du côté de l'homme. Seulement un Dieu peut encore nous sauver.» Il demeure cependant que l'être n'a pas à attendre qu'un Dieu le sauve, en réalité, «Dieu est déjà en lui et l'être lui doit son existence» par l'essence de l'Esprit du monde qu'il lui a insufflée. Et toute création est œuvre de Dieu.

    Et cette essence lui octroie aussi un libre-arbitre qui fait de l'homme un être complet dans la finitude. Un être complet dans l'infiniment grand et petit. Cependant, doté de l'essence d'être et d'un libre arbitre, il reste néanmoins lié à son non-être dont il ne sait rien et qui l'a amené à être.

  • #2
    suite

    3. SANS L'IDEE DU NON-ETRE, IL NE PEUT Y AVOIR L'IDEE D'ETRE

    Dans l'existence de l'humanité, et du monde, il y a la main de Dieu, et cette «main qui est invisible» peut être visible par la pensée, par la «conscience». Dans le Coran, Sourate 16, An-Nahl (Les abeilles), il est écrit au Verset 9 : «Il appartient à Allah [par Sa grâce, de montrer] le droit chemin car il en est qui s'en détachent. Or, s'Il voulait, Il vous guiderait tous.» Au Verset 93, «Si Allah avait voulu, Il aurait certes fait de vous une seule communauté. Mais Il laisse s'égarer qui Il veut et guide qui Il veut. Et vous serez certes, interrogés sur ce que vous faisiez». Ce qui signifie que l'homme peut se rapprocher de Dieu pour peu qu'il le veuille, pour peu qu'il le cherche vraiment, pour peu qu'il cherche le sens de son existence, ses relations avec autrui et le monde.

    Quand Heidegger énonce : «Le monde ne peut pas être ce qu'il est et comme il est par l'homme, mais il ne peut l'être non plus sans l'homme.» (2) C'est qu'il existe entre l'homme et le monde une telle symbiose que l'un ne peut aller sans l'autre.

    C'est par l'homme qu'il y a le monde, et par le monde qu'il y a l'homme. Sans l'homme, sans l'être et le non-être, il n'y a ni monde, ni vide, ni néant. Rien n'aurait existé.

    La réflexion de Heidegger sur la philosophie et le constat de son impuissance relève de son dépassement par l'histoire. «La seule possibilité de préparer la pensée et la poésie une disponibilité pour l'apparition du Dieu ou pour l'absence de Dieu dans notre déclin, que nous ne fassions, pour dire brutalement les choses que «crever» ; que nous déclinions à la face du Dieu absent», dit-il. Heidegger. Malgré toute la puissance de sa réflexion, Heidegger se trouve à penser cet «Etant» à travers la disponibilité de l'être pour l'apparition du Dieu ou pour l'absence de Dieu dans le déclin. Mais y a-t-il réellement déclin ? Y a-t-il réellement absence de Dieu dans le déclin ? Et si ce déclin n'est qu'apparent, et qu'en réalité, il y a progrès. Et Dieu a toujours été présent par l'instance même qui donne vie à notre être. Par cette «Grâce» en lui qui n'est que rarement pensé par l'homme. Ou pensé dans les durs moments où Dieu devient l'ultime recours à son existence.

    L'essence de l'Etant est l'existence. Mais comment accéder à l'essence de cette existence ? Heidegger le nomme «Dasein», la voie pour accéder à l'Etant, dans le sens d'une prise de conscience de cet être-là, de cette présence-là, de cette réalité humaine. Cela nous ramène à l'«être» qui existe et le «non-être», son antithèse qui n'existe pas mais existe parce qu'elle est ressentie par l'énoncé même de l'idée qui se fait du non-être. Et rien ne saurait être vrai que par l'idée.

    «Si l'idée d'une chose ou d'un sens n'existait pas», par exemple, le non-être en tant que concept n'aurait pas été énoncé, n'aurait pas eu une existence conceptuelle. Et le non-être a un sens conceptuel. Comme, par exemple, par essence métaphysique, l'idée de faux existe parce qu'elle trouve sur sa négation, qui est le vrai. Et réciproquement, l'idée de vrai tire son existence de l'idée de faux. Il en va de même pour le blanc et le noir, le jour et la nuit, le bruit et le silence, le riche et le pauvre, la vie et la mort… Et il en va de même dans l'idée pour tout concept qui détient son contraire comme pour ceux qui n'en détiennent pas mais sont des archétypes universels, donc des universaux. Comme, par exemple, la Terre qui n'a pas son opposé, une non-Terre, le Soleil qui n'a pas de non-Soleil ou de Dieu qui n'a pas de non-Dieu. Toute idée a un sens existentiel.

    Pour l'homme, l'idée d'être-là dans l'existence a besoin de l'idée de négation, son contraire, et de l'idée-archétype qui dépasse la négation. L'homme donc, dans son non-être, n'existe que parce qu'il est l'opposé de ne pas exister. Pourtant il peut ne pas exister. Sa mort ne met-elle pas fin à son existence ?

    Le non-être a beaucoup de sens, contrairement à ce qu'écrit Gorgias, un penseur de la Grèce antique, qui dit : «Le non-être n'est pas car si le non-être existe, il sera et à la fois il ne sera pas : il sera en tant qu'il existe et il ne sera pas en tant que non-être. Il est tout à fait absurde que quelque chose soit et ne soit pas à la fois. Donc le non-être n'est pas» (3), relève de la sophistique, un discours qui n'a pas de valeur scientifique, plus pour séduire par un raisonnement futile.

    Pour tenter d'avoir une idée concrète du non-être et de cette conception de l'existence de Dieu dans chaque être, il est intéressant de narrer une histoire vécue par un enfant au cours de sa vie. Evidemment, l'approche sur cette histoire vécue dépendrait de la vision que l'on de la métaphysique de l'être. Cependant que l'on accepte ou non ce qui ressort de cette histoire, il est intéressant de s'interroger sur le pourquoi du phénomène. Aussi, parlons de cet enfant.

    Un enfant qui était pour ainsi dire normal. Des capacités intellectuelles ordinaires. Peu curieux de la vie dans son quotidien, et des choses, il les vivait naturellement, sans question. Contrairement à des enfants qui sont curieux, éveillés et posent des questions aux adultes sur la signification des choses, ou des mots qui retiennent leur attention. Un comportement spontané, naturel pour ceux-là comme pour ceux qui ne questionnent pas.

    Les premières années à l'école pour cet enfant primaire étaient ternes. Sans intérêt pour les études, cet enfant n'aimait pas étudier, cela lui était difficile, ardu voire même au-dessus de ses forces. Et c'est ainsi que sans enthousiasme, il allait à l'école parce qu'il se sentait obligé et cela a duré plusieurs années, avec des résultats scolaires médiocres, moins que passables. Pourtant, ne brillant pas d'intelligence, il passait quand même aux classes supérieures. Un jour, tout se retourna pour lui. A l'occasion d'un changement de ville – ses parents déménagèrent –, inscrit dans une nouvelle école, au cours moyen de 2ème année (CM2), une classe d'examen pour l'entrée en sixième, il se découvrit des dons incroyables.

    4. L'ENFANT MU PAR SON NON-ETRE ?

    La classe comptait 24 élèves dont 20 français et 4 arabes. Cet enfant était le seul algérien de la classe. Le premier jour de classe, l'instituteur qui était aussi le directeur de l'école, de confession juive, posa la question suivante aux élèves : «Qui est fort en calcul ?» C'est-à-dire les mathématiques. Quatre élèves levèrent le doigt, 3 français et cet enfant algérien qui était pourtant faible.

    A la sortie de l'école, cet enfant s'est posait la question : «Quelle mouche l'a piqué pour avoir levé le doigt sachant pertinemment qu'il était faible en calcul ? Qu'il n'avait jamais eu de bonnes notes en calcul, et de surcroît cette matière ne l'a jamais vraiment intéressé ni comprise dans les années antérieures qu'il fit à l'école.» Evidemment, il avait menti. La question était pourquoi.

    Evidemment, il y avait des filles françaises surtout que l'école se situait dans un quartier huppé de la ville. Peut-être cet enfant voulait faire l'intéressant, ce qui est possible. Une crainte cependant que tout va se savoir, qu'en fait il était faible et pas seulement dans cette matière.

    Mais les jours de classe qui vont suivre vont démontrer le contraire et changer le cours du destin de cet enfant. D'enfant faible, il va passer brusquement passer à très fort partout. Incroyable. La seule note où il avait la mention a bien était le français. En calcul, c'était incroyable. Tout exercice, tout problème était résolu et mis au propre dans le cahier de classe dans les 3 ou 4 minutes que l'instituteur prit pour expliquer aux élèves les données du calcul demandé. Au début, dès que l'instituteur dit aux élèves de commencer, l'enfant levait la main pour dire : «Monsieur, j'ai terminé !». Trois ou quatre fois, il lui demanda le cahier de classe. Debout devant son bureau, il attendit. La seule réponse a été : «rejoignez votre place et ne parlez-pas !» Ce processus lui est devenu systématique. L'instituteur de son bureau cessa de prendre son cahier et lui intima de temps en temps de ne pas parler. Et toujours après les trois ou quatre minutes d'explication, les exercices et problèmes étaient résolus et mis au propre. Il passait donc une année entière à attendre en silence que les élèves terminent leurs calculs –bien que des élèves souvent lui chuchotent de les aider. Pas une fois, et quel que soit l'exercice, le problème des leçons enseignées, il n'a excédé les 3 ou 4 minutes de temps pour les résoudre.

    Il est devenu une machine à calculer, il ne raisonnait pas, il cherchait à aller vite avec ses mains, comme si l'enjeu était le temps et non le problème. Le facteur temps lui importait plus que le raisonnement du calcul. Un jeu d'enfant ? Il ne révisait jamais ses cours à la maison et passait son temps à jouer avec ses copains. A l'école, dans toutes les matières hormis la rédaction (assez bon), il était excellent. Lors des examens, les seules matières qu'il révisait était l'histoire, la géographie et la leçon de choses. La veille, sous une bougie parce que ses parents dormaient et il ne pouvait pas déranger ou allumer la lumière, il n'apprenait pas, il passait seulement son «regard» sur toutes les leçons. Et de ce regard, il «photographiait» pour ainsi dire intelligemment dans sa mémoire ces leçons. Et la note est identique au calcul.

    Un jour, l'instituteur qui donne des cours payants le jeudi l'invita à venir pour y assister. Sans payer. Même processus, 3 ou 4 minutes pour résoudre les exercices que l'instituteur donnait à résoudre. Dès les premiers cours, le maître le pria de ne plus venir. Il était évident que cet enfant dérangeait en restant assis en silence pendant que les élèves travaillaient pour résoudre leurs exercices.

    Au cours des récréations, cet enfant est toujours entouré des meilleurs élèves de la classe, tous des français. Un jour, durant les récréations, il posa la question pourquoi il est classé toujours 3ème ou 4ème, et pourquoi il n'est pas le premier de la classe. D'autant plus qu'au cours des récréations, à la fin des examens, il lui arrivait de calculer le nombre de points reçus dans les examens passés qu'il confrontait avec ceux de ses camarades (les premiers de la classe). Il s'apercevait qu'il les devance toujours de quatre ou cinq points. Les explications que lui fournissaient ses camarades de classe ne le satisfaisant pas, l'enfant, un jour, s'enquit auprès de l'instituteur de ce «décalage». Le maître lui expliqua que c'est la note d'assiduité en classe qui fait baisser sa moyenne générale.

    Commentaire


    • #3
      suite

      Pourtant, en matière d'assiduité, cet enfant n'avait rien à se reprocher. Excellent élève de la classe, reconnu par tous ses camardes y compris par l'instituteur qui parfois lui fit faire des commissions pour sa maison, en plein cours de la classe. Très estimé, très modeste, l'enfant ne voyait pas pourquoi il n'était pas assidu. Cependant, il comprit que c'est une affaire de statut social. Venant souvent avec des vêtements rapiécés, conduisant une veille bicyclette de son père, alors que ses camarades étaient attendus par leurs parents ou leurs chauffeurs dans des voitures rutilantes. L'explication venait d'elle-même, l'instituteur que j'estimais était tenu de respecter le rang social des élèves. Ce qui n'affectait pas outre mesure l'enfant. Ce n'était pas d'un grand intérêt d'autant plus que l'enfant n'aspirait pas à être le meilleur, puisqu'il l'était déjà et sans grand zèle. La Providence s'en chargeait.

      Au secondaire (lycée), il ne fit que quatre classes au lieu de sept, trois années ont été «sautées» pour des raisons de changement de villes, de pays et autres erreurs d'inscription. La terminale, cet enfant devenu un jeune homme l'a faite dans un lycée de la région parisienne. Une matière cependant dans cette classe, le rebutait, c'était la «philosophie» qui lui paraissait trop irrationnelle, et cela est dû peut-être par son côté très rationnel des choses.

      Si la puissance intellectuelle que cet enfant s'est découverte durant son jeune âge a été d'un grand apport pour lui, il reste que sa vie d'adulte n'a pas été de tout repos. Ses études supérieures ont été tumultueuses comme d'ailleurs, plus tard, sa vie active, mais il faut le dire avec beaucoup d'attrait sur le plan scientifique, et beaucoup de réussites dans son existence – même si elles étaient modestes. L'adulte qui l'a été est resté simplement lui-même attaché à ses pensées qu'il estimait juste, malgré l'adversité.

      Plus tard, il s'est toujours questionné sur cette découverte particulière de soi. Pourquoi n'y a-t-il pas eu une affirmation progressive de son intelligence dans ses études ? D'une situation d'un enfant de très médiocre, qui n'a pas été préparé à ce saut, il se transforma brusquement en une formidable puissance de comprendre. Comme si tout à coup il avait un autre cerveau, une autre intelligence. Et surtout que «cet enfant n'a rien fait pour que ce don arrive». Cela est arrivé parce que cela a été prédestiné pour cet enfant, doit-il conclure ? Comment enfant, et «cet enfant est l'auteur de ces lignes», ai-je pu résoudre des exercices ardus, sans préparation, sans révision, sans lecture profonde du livre de calcul qui, pour mon jeune âge, étaient complexes, alors que durant des années entières de scolarité jusqu'à cette classe, je n'étais pas seulement médiocre, je n'existais pratiquement pas pour les études tant celles-ci me paraissaient difficiles, inintéressantes voire «au-dessus» pour mes forces d'enfant.

      Et surtout dans cette classe, un rituel s'est crée, toujours le même, jamais pas même une fois je n'avais dépassé les 3 ou 4 minutes imparties pour résoudre exercices et problèmes posés par le maître d'école. Tout s'effectuait en quelques minutes sans pratiquement y penser – le temps n'était pas suffisant pour réfléchir juste pour calculer et écrire la solution au propre. J'avais cette impression que les leçons données par l'instituteur préexistaient presque en moi. Aussitôt lues ou écoutées une fois, elles se gravaient en moi. Je ne me rappelle jamais avoir révisé une leçon d'école, mis à part le soir du dernier jour, à la veille de l'examen.

      Je comprenais tout non pas par intuition, non par intelligence ou par raisonnement mais plutôt par un instinct intelligent comme si celui-ci m'était inné ou se greffait en moi. Le mot de Heidegger «ek-sister» que j'avais retenu dans une de mes lectures s'appliquait mieux à ma pensée d'être. Il souligne, comme le dit Heidegger, que l'idée d'un être en dehors de moi me fait mouvoir. Et ma pensée, ma conscience, mon intelligence sont ce par ce que je suis et ce que je ne suis pas. Il me semble que ce «ek-sisté» se superpose à ce «existé» en moi, deux êtres un en présence et un en dehors s'associent pour donner ce que je suis. Et je comprends alors que ce n'est pas un don qui m'a été donné, bien qu'on puisse l'appeler un don provenant de la Providence, en fait, ce don a été plus qu'un don puisqu'il m'a révélé mon «non-être» par lequel mon «être» est, par lequel je suis cette présence-là dans le monde.

      Je suis donc un être partagé avec mon non-être. Tout brillant que je suis, je peux être aussi médiocre, comme je l'étais et même je pourrais l'être. Parce que je ne commande pas véritablement mon moi. Au final, je crois me déterminer mais c'est mon «non-être» qui me détermine en dernière instance dans mon essence. Si je fais du bien, par exemple, c'est en dernière instance mon non-être qui est en moi, qui s'assimile aussi à la Grâce que m'a octroyé Dieu – car sans celle-ci je ne peux exister – qui me permet d'être auteur du bien. Si je fais du mal, c'est aussi en dernière instance mon non-être qui est en moi, qui s'assimile à la Grâce que m'a octroyé Dieu, mais me laisse avec mon acte parce que l'Essence de Dieu m'a laissé libre et c'est là le «sens de l'existence». Et si Nous sommes responsables de nos actes de bien et du mal que l'on fait devant les hommes, nous le sommes surtout devant Dieu. Parce que cette Grâce que nous donne Dieu est le Témoin, le Livre où sont enregistrés tous nos actes de l'infiniment petit à l'infiniment grand au cours de l'existence. La moindre pensée est enregistrée dans le Livre ouvert de notre vie jusqu'à notre mort.

      Dès lors, peu importe que l'être en moi réussisse dans les études, la réussite n'est qu'une partie du message de cet «ek-sisté» de Heidegger. Comme d'ailleurs la non-réussite ou la médiocrité n'est aussi qu'une partie du message puisqu'il m'a été permis d'en prendre connaissance dans mon existence. Dans les deux cas, l'être «ek-siste», c'est-à-dire est dépendant de son non-être. Ce qui importe pour l'être en situation, l'être en Etant, c'est que combien même il ne commande pas cet étant, il doit s'efforcer à prendre conscience.

      Aussi pourrait-on dire de l'humanité entière, qu'elle n'existerait pas s'il n'existait pas son non-être. Coupé de son non-être, elle ne serait même pas un néant, même pas un rien, même pas un vide. Un inexistant peut-il avoir existé ? L'humanité aurait-elle existé si elle n'avait pas existé cette Grâce en elle ? Et c'est pourquoi l'humanité entière «ek-siste» par elle-même et en dehors d'elle-même.

      Evidemment cela paraît peu concevable cette vision, difficile à admettre le «concept de non-être» mais celui-ci existe bel et bien et pas seulement en concept abstrait. La difficulté pour l'homme est d'aller à lui-même. Et c'est là l'intérêt de l'homme qui lui arrive à réfléchir sur soi, à comprendre son existence, sa vie, sa raison d'être.

      5.COMMENT APPREHENDER LE MONDE DANS NOTRE «EK-SISTENCE» ?

      LE LIBRE-ARBITRE LIMITE

      Heidegger parle de l'absence de dieu, et lui associe le déclin. Peut-on penser alors que Dieu peut être absent dans notre être ? Si nous ne sommes pas nous, cet être-nous qui repose sur notre réalité d'existant et que témoigne notre corps et notre pensée, que sommes nous alors sans cette Grâce dans notre être ? Nous ne serions pas. Impossible d'exister, sans la Grâce, sans l'Esprit qui souffle en nous. L'Esprit de Dieu est présent dans notre conscience sans que nous le sachions. Par conséquent, nous le sommes par notre conscience, notre pensée qui dit que nous sommes. Nous «ek-sistons» par cette substantialité – ou le Dasein d'Heidegger – par laquelle nous ne faisons rien pour qu'elle soit mais fait que nous soyons. Forcément cette substantialité ne relève pas de nous mais d'une Puissance extérieure à nous, qui met en jeu cet Etant heideggérien dans lequel nous baignons. Ce qui signifie que nous sommes nous mais en même temps un nous qui s'impose à nous.

      Dès lors que nous sommes partagés entre l'être réel, matériel, présent qui est nous, et cette substantialité ou notre «non-être» qui est abstrait, n'est palpable que par ce «ek-siste» en nous et qui regroupe toutes nos instances psychiques supérieures (pensée, conscience, intelligence, intuition…).

      Et pour désigner à travers ces instances psychiques cette Grâce, et en prenant le court chemin, elle ne peut être que venant du Créateur, donc Dieu. Notre existence est redevable donc à Dieu. Et Dieu ne peut jamais être absent à notre existence. Une absence signifierait la fin de notre existence, ou encore notre retour, après notre mort, à Dieu. Dieu reprend ce qu'il a crée.

      «Tout ce que nous pensons, ce que nous faisons de bon ou de mauvais», Dieu forcément le sait. Et les textes bibliques l'Evangile, la Torah et l'Islam le confirment. «Nous avons crée l'homme ; nous savons ce que son âme lui suggère ; nous sommes plus près de lui que la veine [jugulaire] de son cou» (Coran : Sourate Qaf, Verset16).

      Dieu est plus proche de nous que nous de nous-mêmes. L'homme ne peut exister sans la Grâce qui est insufflée en nous-mêmes. Par conséquent, son existence devient une «ek-sistence» dont parle Heidegger, c'est-à-dire un être qui est à la fois inspiré par Dieu et libéré de Dieu par son libre-arbitre [octroyé par Dieu] mais aussi rattaché au dessein divin du monde. Et c'est là le miracle : l'homme produit par un détour ek-sistentiel fait l'histoire du monde. Et dans cette histoire humaine, l'action divine se déploie implicitement dans l'infinité des temps.

      Commentaire


      • #4
        fin

        Beaucoup pense que l'humanité va à sa ruine. Les guerres d'hier et d'aujourd'hui, les milliards d'êtres humains grâce au progrès dans la technologie et dans la médecine, les crises économiques, etc., font peser de lourdes menaces sur l'humanité. Dans un excellent article de Bernard Dugué (4), dont le mérite a été de poser des questions fondamentales sur la marche de l'humanité, on lit : «Que peut faire le divin dans ce monde qui va vers le chaos social et politique avec une profusion de moyens technologiques et des flux d'informations qui intoxiquent les âmes des vivants avec leur consentement pas du tout éclairé ? Le mal est à la fois dans la matière et dans la domination. La plupart des hommes n'ont pas conscience du mal.

        L'idée du signe de dieu est intéressante. Elle entre en résonance avec les symboles qui structurent les actions humaines, parfois individuelles mais en règle générale, collective. Les symboles donnent du sens, ils relient les hommes entre eux dans leurs actions. Pareillement, le signe divin est un symbole de sa présence, un signe attestant d'une sorte de lien entre les hommes et le divin. Peut-être que notre époque se prête pour vivre une nouvelle alliance entre l'homme, ses symboles et le divin, ce qui place cette éventualité». S'il décrit très judicieusement la dynamique qui lie le divin à la présence humaine, il demeure néanmoins un fond caché dont il n'explicite pas le développement. La dynamique sociale et politique générée «par une profusion de moyens technologiques et des flux d'informations qui intoxiquent les âmes des vivants avec leur consentement pas du tout éclairé» ne relève pas de l'homme mais des stades de l'histoire, au cours desquels des découvertes scientifiques par l'homme ont influé sur l'état d'avancement de l'humanité. Or, ce stade historique fait figurer l'humanité comme une simple partie d'un processus, engagée par elle-même et malgré elle-même dans son développement. L'humanité ne commande pas le devenir, ni le progrès mais subit ce qu'elle devient. Le progrès est une nécessité pour un devenir.

        Le mal qui intoxique, comme du reste la domination, fait partie du sens de l'ek-sistence. Sans eux, et contre lesquels s'opposent des forces laissées au bien, il n'y a pas d'ek-sistence. «Les hommes se laissent aller aux instincts les plus bas alors que les élites se servent du chaos pour asseoir leur pouvoir. La transformation de l'homme ne passe plus par la lutte matérialiste mais par l'alliance avec le divin. Cette vérité ne vaut pas nécessité. L'humanité est libre de se suicider. Dieu ne peut rien sauver sauf si l'homme le décide.» (4) La lutte matérialiste que Dugué fait état n'est qu'une facette de la lutte essentialiste. Une lutte matérialiste n'est que la réalité ressortant de la lutte idéaliste – Dieu est déjà inclu dans le combat de l'homme. Et l'humanité ne peut se suicider parce qu'elle n'a pas les moyens pour le faire. Les arsenaux nucléaires dont se font peur les grandes puissances ne sont que des «illusions réelles» pour les obliger à ne pas faire la guerre. L'Essence leur crée l'effroi en vue de les dissuader à aller au-delà de ce qu'il leur est autorisé. Car la science n'est pas à eux, elle est à leur non-être dont ressort leur être.

        Et «l'humanité n'est pas libre de se suicider», pour la simple raison qu'elle ne le peut pas. Le libre-arbitre de l'homme est limité par Dieu parce que tout est décrété par l'Essence. Mais tout limité ce libre-arbitre pour préserver l'espèce humaine, il demeure que l'homme doit penser à son salut par la Grâce que Dieu a insufflée en lui.

        L'humanité ne meurt pas, son corps certes peut mourir et meurt comme il lui est décrété mais son essence par laquelle elle est ne meurt pas, elle est éternelle. Surtout que les hommes doivent rendre des comptes de ce qu'ils ont fait de bien et de mal dans leur ek-sistence. Quant aux arsenaux nucléaires, cela ne signifie pas qu'ils ne soient pas utilisés un jour, et pas forcément pour une guerre apocalyptique. Une vérité que nous donne l'Essence que tout ce qui existe participe à l'existence au sens de l'Ek-sistence, et donc au Développement du monde qui n'est pas que humain.

        *Auteur et Chercheur spécialisé en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective

        Notes :

        1.«Seul Dieu peut encore nous sauver...», par Jean-Luc Berlet. 25 octobre 2007. http://www.accordphilo.com/article-13339294.html

        2.«Entretien avec le Spiegel de Martin Heidegger»

        https://pkaccueil.files.************...1976_pk_wp.pdf

        3.Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, VII, 66

        4.«Seul un dieu peut nous sauver !» par Bernard Dugué. 9 octobre 2015

        http://www.agoravox.fr/actualites/re...ut-nous-sauver


        le quotidien d'oran

        Commentaire

        Chargement...
        X