Dire non à un homme en Algérie est-il devenu dangereux ? L’assassinat de Razika Chérif à Magra, dans la wilaya de M’sila met le débat du harcèlement sexuel et moral des femmes au cœur de l’actualité. Certes, rares sont les cas qui ont causé la mort, mais au quotidien les femmes dans la rue, chez elles, doivent subir l’humiliation de beaucoup d’hommes. Alors que la modification du Code pénal afin d’endurcir les sanctions à l’égard des hommes violents ou des harceleurs n’a toujours pas été validée par le Sénat, les femmes continuent à subir insultes, menaces, voire des coups par des hommes dans la rue.
Normaliser la violence
Des femmes algériennes victimes de harcèlement au quotidien ont accepté de se confier. Leurs récits sont édifiants. « Je ne passe pas une journée sans me faire insulter, sans que l’on commente ma tenue, ma démarche. J’ai pris l’habitude de marcher vite, la tête baissée, pour supporter tout ça. Mais des fois je craque », confie Amel, une Algéroise de 30 ans. Cette violence quotidienne est devenue une normalité, même si parfois elle peut dégénérer et devenir dangereuse.
Comme Amel, elles sont nombreuses à regarder quotidiennement derrière leur épaule, à éviter de faire régulièrement les mêmes trajets, ou s’interdire des quartiers, des rues. Parfois même au sein de leur propre quartier, des femmes craignent pour leur sécurité. « Je me souviens qu’une fois j’ai eu très peur, je revenais du marché et je ne m’étais pas rendu compte qu’un homme me suivait, arrivée devant chez moi il m’a pris les sacs que j’avais dans les mains soi-disant pour m’aider, il ne m’a pas donné le choix. Il a commencé à monter dans mon immeuble avec mes courses, alors que je refusais son aide. Il m’a suivie jusqu’à devant ma porte », raconte Selma 28 ans, qui avait l’impression d’être plus ou moins protégée par son voisinage. « Puis il m’a demandé de rentrer chez moi pour déposer mes courses. J’ai refusé, il a commencé à prendre un air menaçant exigeant mon numéro. J’ai fermé la porte rapidement et il a crié qu’il resterait là jusqu’à ce que je le lui donne », se remémore la jeune femme.
Risquer sa vie pour un non
De nombreuses Algériennes subissent des violences qu’elles ont finies par accepter, fatiguées de se battre. Dans certains cas si elles ont le malheur de vouloir se défendre comme l’a fait Razika Chérif, elles prennent des risques. « Une fois je descendais vers le centre-ville avec une amie, et au niveau de l’Aurassi deux garçons se sont approchés et voulaient nous parler, nous les avons ignorés mais ils l’ont mal pris et ont sorti un couteau pour nous menacer et nous dire qu’ils allaient nous voler notre sac », raconte Leïla.
La scène se passe en plein jour, dans un secteur surveillé par les forces de l’ordre. La jeune femme et son amie ont tenu tête aux deux garçons, jusqu’à ce qu’un policier passe par-là. Elles auraient pu être poignardées pour avoir refusé de parler à des garçons.
Fatima, elle aussi, a évité le pire. L’histoire de Razika l’a touchée : « Je me rends compte que j’ai vécu la même chose il y a quelques années », nous confie-t-elle.
« Un jour j’étais à Bab El Oued, alors que j’allais traverser la route, un homme dans une voiture m’a proposé de me déposer. J’ai refusé, mais il a insisté, il me demandait d’arrêter de faire la belle. Mais je refusais toujours alors il a essayé de me foncer dedans avec sa voiture. Heureusement j’ai eu le réflexe de sauter sur le trottoir. Autour de moi personne n’a réagi. Je ne suis pas sortie de chez moi pendant trois jours », raconte Fatima, encore choquée de cette mésaventure survenue il y a deux ans. Pendant longtemps, elle pensait avoir « été paranoïaque », car personne ne semblait être choqué de cette histoire.
« Une fois, un homme a failli me jeter au-dessus du pont de Tafourah »
Malheureusement des cas comme Fatima, il en existe sans doute des milliers dans tout le pays. En quelques secondes elles ont cru mourir pour refuser les avances d’un homme. « Une fois un homme a failli me jeter par-dessus le pont de Tafourah. J’étais étudiante. Alors que je passais, il m’a demandé l’heure et quand j’ai regardé il m’a attrapé le poignet et m’a demandé mon numéro, mais j’ai dit que je n’avais pas de téléphone, ce qui était vrai à l’époque. Il s’est rapproché de moi et il me serrait de plus en plus contre la rambarde. Je tremblais comme une feuille et je pleurais. Il s’est mis à hurler, je ne comprenais rien », raconte Yasmine, aujourd’hui 29 ans, qui au moment de cette mésaventure était une jeune étudiante de 18 ans.
Mais le plus malheureux dans cette scène est que Yasmine n’a pas reçu la moindre aide des personnes dehors. « C’était le matin, et il y avait beaucoup de monde mais personne n’a bougé le petit doigt. En revanche, je croisais le regard des gens qui s’arrêtaient pour le spectacle. Je ne sais pas comment, un moment je me suis retrouvée les pieds dans l’air. Il voulait me jeter ce fou, je criais et le poussais. Et j’espérais qu’on me sauve. Ce jour-là, je ne sais par quel miracle, un de mes oncles passait en voiture. Il l’a poussé et m’a prise dans ses bras et m’a déposée chez moi », se rappelle-t-elle.
Combien de Razika, de Yasmine, de Fatima faudra-t-il pour qu’une prise de conscience ait lieu ? Dans d’autres pays, d’autres femmes auraient sans doute pu porter plainte. En Algérie, il est compliqué d’assumer, de convaincre des témoins de soutenir la victime, ou tout simplement de se dire que ce type de violence n’est pas une normalité.
TSA
Normaliser la violence
Des femmes algériennes victimes de harcèlement au quotidien ont accepté de se confier. Leurs récits sont édifiants. « Je ne passe pas une journée sans me faire insulter, sans que l’on commente ma tenue, ma démarche. J’ai pris l’habitude de marcher vite, la tête baissée, pour supporter tout ça. Mais des fois je craque », confie Amel, une Algéroise de 30 ans. Cette violence quotidienne est devenue une normalité, même si parfois elle peut dégénérer et devenir dangereuse.
Comme Amel, elles sont nombreuses à regarder quotidiennement derrière leur épaule, à éviter de faire régulièrement les mêmes trajets, ou s’interdire des quartiers, des rues. Parfois même au sein de leur propre quartier, des femmes craignent pour leur sécurité. « Je me souviens qu’une fois j’ai eu très peur, je revenais du marché et je ne m’étais pas rendu compte qu’un homme me suivait, arrivée devant chez moi il m’a pris les sacs que j’avais dans les mains soi-disant pour m’aider, il ne m’a pas donné le choix. Il a commencé à monter dans mon immeuble avec mes courses, alors que je refusais son aide. Il m’a suivie jusqu’à devant ma porte », raconte Selma 28 ans, qui avait l’impression d’être plus ou moins protégée par son voisinage. « Puis il m’a demandé de rentrer chez moi pour déposer mes courses. J’ai refusé, il a commencé à prendre un air menaçant exigeant mon numéro. J’ai fermé la porte rapidement et il a crié qu’il resterait là jusqu’à ce que je le lui donne », se remémore la jeune femme.
Risquer sa vie pour un non
De nombreuses Algériennes subissent des violences qu’elles ont finies par accepter, fatiguées de se battre. Dans certains cas si elles ont le malheur de vouloir se défendre comme l’a fait Razika Chérif, elles prennent des risques. « Une fois je descendais vers le centre-ville avec une amie, et au niveau de l’Aurassi deux garçons se sont approchés et voulaient nous parler, nous les avons ignorés mais ils l’ont mal pris et ont sorti un couteau pour nous menacer et nous dire qu’ils allaient nous voler notre sac », raconte Leïla.
La scène se passe en plein jour, dans un secteur surveillé par les forces de l’ordre. La jeune femme et son amie ont tenu tête aux deux garçons, jusqu’à ce qu’un policier passe par-là. Elles auraient pu être poignardées pour avoir refusé de parler à des garçons.
Fatima, elle aussi, a évité le pire. L’histoire de Razika l’a touchée : « Je me rends compte que j’ai vécu la même chose il y a quelques années », nous confie-t-elle.
« Un jour j’étais à Bab El Oued, alors que j’allais traverser la route, un homme dans une voiture m’a proposé de me déposer. J’ai refusé, mais il a insisté, il me demandait d’arrêter de faire la belle. Mais je refusais toujours alors il a essayé de me foncer dedans avec sa voiture. Heureusement j’ai eu le réflexe de sauter sur le trottoir. Autour de moi personne n’a réagi. Je ne suis pas sortie de chez moi pendant trois jours », raconte Fatima, encore choquée de cette mésaventure survenue il y a deux ans. Pendant longtemps, elle pensait avoir « été paranoïaque », car personne ne semblait être choqué de cette histoire.
« Une fois, un homme a failli me jeter au-dessus du pont de Tafourah »
Malheureusement des cas comme Fatima, il en existe sans doute des milliers dans tout le pays. En quelques secondes elles ont cru mourir pour refuser les avances d’un homme. « Une fois un homme a failli me jeter par-dessus le pont de Tafourah. J’étais étudiante. Alors que je passais, il m’a demandé l’heure et quand j’ai regardé il m’a attrapé le poignet et m’a demandé mon numéro, mais j’ai dit que je n’avais pas de téléphone, ce qui était vrai à l’époque. Il s’est rapproché de moi et il me serrait de plus en plus contre la rambarde. Je tremblais comme une feuille et je pleurais. Il s’est mis à hurler, je ne comprenais rien », raconte Yasmine, aujourd’hui 29 ans, qui au moment de cette mésaventure était une jeune étudiante de 18 ans.
Mais le plus malheureux dans cette scène est que Yasmine n’a pas reçu la moindre aide des personnes dehors. « C’était le matin, et il y avait beaucoup de monde mais personne n’a bougé le petit doigt. En revanche, je croisais le regard des gens qui s’arrêtaient pour le spectacle. Je ne sais pas comment, un moment je me suis retrouvée les pieds dans l’air. Il voulait me jeter ce fou, je criais et le poussais. Et j’espérais qu’on me sauve. Ce jour-là, je ne sais par quel miracle, un de mes oncles passait en voiture. Il l’a poussé et m’a prise dans ses bras et m’a déposée chez moi », se rappelle-t-elle.
Combien de Razika, de Yasmine, de Fatima faudra-t-il pour qu’une prise de conscience ait lieu ? Dans d’autres pays, d’autres femmes auraient sans doute pu porter plainte. En Algérie, il est compliqué d’assumer, de convaincre des témoins de soutenir la victime, ou tout simplement de se dire que ce type de violence n’est pas une normalité.
TSA
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