son nom est celui d'une grande famille du terroir natal, son oeuvre, pourtant prodigieuse, n'est connue que par de rares chercheurs algériens.
Tandis que l'actualité est, ailleurs, à la journée de commémoration de l'abolition de l'esclavage, je me mets à ranger dans mon lieu de travail des documents depuis si longtemps accumulés et, comme je n'ai pu prendre le temps de m'en occuper, ils sont restés entassés. Mon regard se porte par hasard sur un livre à la couverture jaunie, piquée de grains de poussière jaune-brun. Je le saisis d'une main fiévreuse et je lis sur la couverture «Mohand Tazerout, Manifeste contre le racisme (*), éditions Subervie» puis, à l'intérieur, dans une page, «Copyright 1963».
La parole consciente et l'écriture intelligente
Quel bonheur de retrouver ce livre, ce souvenir qui me ramène au début de l'Indépendance, au début d'un cinquantenaire d'une identité retrouvée! L'éditeur, qui était aussi le mien en 1959, me l'a envoyé, dès sa parution, à mon adresse permanente en Algérie. Ému et éprouvant le devoir sacré, déjà à l'époque, de faire connaître les auteurs algériens, j'en ai immédiatement rédigé et publié une note de lecture et de présentation dans la page hebdomadaire Lettres-Arts-Sciences du journal Le Peuple du dimanche 8 décembre 1963, p. 4. J'ai sous les yeux ce que j'en ai écrit; en voici quelques extraits: «Le livre... [...] vient à son heure au moment où, dans le monde, les passions racistes sont à leur paroxysme. [...] Le terrible mal dont souffre tant le genre humain est le racisme. M.Mohand Tazerout [...] essaie de circonscrire ce mot et le dissèque. En effet, il écrit: ´´Le racisme est inséparable de la colonisation européenne du monde entier. Mais il se donne pour une doctrine scientifique et définitive de la race humaine dans sa pureté complète.´´ L'auteur, avec la passion nécessaire, mais aussi la lucidité de l'observateur, va, tout le long de son livre, décrire précisément cette ´´doctrine scientifique et définitive´´ en lui opposant les deux qualités intrinsèques de chaque homme vivant sur notre planète: ´´la conscience de la parole et l'intelligence de l'écriture, inséparables l'une de l'autre.´´ [...] Je voudrais signaler aussi que la rédaction de ce livre était achevée en 1960. Le titre primitif était ´´Contre le racisme´´. En conclusion, l'importance de ce livre de M.Mohand Tazerout, ne doit pas échapper à notre attention.» J'ajouterai, entre autres, deux remarques de l'auteur lui-même, extraites de son Manifeste contre le racisme, la première: «Pour faire mieux comprendre la signification fondamentale que nous rattachons aux deux épithètes de l'homme RACIQUE et de l'homme RACISTE, il ne sera peut-être pas inutile de prendre exemple concret sur la lutte septénaire en cours entre la France et le F.L.N. pour l'indépendance politique de l'Algérie coloniale (p. 222).»; la seconde, extraite de l'épilogue: «Je ne veux imposer à personne ce Manifeste comme une Vérité intégrale au-delà de laquelle il n'y en aurait pas d'autres; mais j'ai le droit et le devoir sacrés de le soumettre à la discussion des lecteurs honnêtes comme une première hypothèse scientifique sur la race et les peuples humains par opposition radicale au racisme...(p. 229)»
Mohand Tazerout! À part, quelques chercheurs universitaires naturellement passionnés de culture et d'histoire de leur pays, - qui le connaît? On pourrait disserter longuement, et pris d'indignation irraisonnée, considérer comme méchanceté sublime l'illustration - hélas! parfaite - de l'intention radicale d'une certaine «gendelettrerie» actuelle d'ignorer - par incompétence, par jalousie, par mépris,... par quoi d'autre encore? - la qualité d'homme de culture de quelques-uns de nos intellectuels disparus. Quant aux vivants, du moins les créateurs d'oeuvres culturelles, tous les artistes, à l'âme inaltérable, ils ont tôt appris à ne s'attendre à aucune reconnaissance, et d'autant qu'on les laisserait sciemment se consoler en pensant à la généreuse expression populaire qui est à consommer comme un baume miraculeux et qui est la suivante: «El hayy razqou hayy! L'être vivant a sa fortune devant lui!» C'est, parmi d'autres cas, quelque peu celui aussi de l'auteur du Manifeste contre le racisme.
Mohand Tazerout a subi des réserves douteuses d'une part, de J. Sauvaget qui, selon J.Déjeux, a estimé ´´mauvaise´´ sa traduction de l'Histoire des peuples islamiques de C. Brokelmann, éd. Payot, Paris,1949, d'autre part, du même J. Déjeux qui a jugé, lui, que ses ouvrages «tiennent beaucoup du discours d'idées: réflexion d'ordre philosophique sur les civilisations et les cultures, les religions et les idéologies (Dictionnaires des auteurs maghrébins de langue française, éd. Karthala, 1984, pp. 201-202)». Cela sans parler de pas mal de partis pris, scandaleusement échafaudés par des auteurs de la colonisation, s'intitulant Maîtres en la matière!
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