Al-Fudhayl al-Wartilani, un Algérien au Yémen
Le rôle des Frères Musulmans dans la Révolution de 1948
Mohamed al-Ahnaf
Les acteurs du "mouvement constitutionnel" de 1948 -qui a coûté la vie à l’Imam Yahya d’une part et à la fine fleur de l’élite yéménite de l’époque d’autre part- sont unanimes pour reconnaître que le personnage-clé de ce mouvement et sans lequel celui-ci n’aurait jamais vu le jour est l’Algérien al-Fudhayl al-Wartilani. Son rôle essentiel dans la préparation des esprits, l’élaboration du manifeste et l’exécution de ce qu’on appelle désormais la "révolution de 1948" est attesté par les historiens comme par les témoins directs de l’événement.
Il n’est pas dans notre intention ici de relater les péripéties de la révolte et de son échec, une vaste littérature nous en dispense. Notre propos consistera à présenter un militant de la première heure du nationalisme (1) qui reste très mal connu au Maghreb comme au Machrek, et subsidiairement à examiner, selon les sources disponibles, l’implication de l’Association des Frères Musulmans égyptiens dans le drame révolutionnaire de 1948. D’aucuns présentent al-Wartilani comme un 'âlim, versé dans toutes les sciences religieuses, un brillant orateur, un exhortateur sans pareil et jouissant d’une rare capacité de "séduction" ; tandis que d’autres le voient comme un intrigant agent de commerce, cherchant à augmenter sa fortune (Wenner, 1966).
De fait, al-Fudhayl fait partie d’une génération de militants arabes qui ont voué leur vie à la cause de la libération nationale et à la renaissance d’une umma dont la grandeur passée n’avait d’égales que sa décrépitude et son humiliation présentes. Les uns sont bien connus tels Afghani, Kawakibi, Chakib Arslan, et d’autres le sont moins comme le Palestinien M. Ali-Tahir, et le Tunisien Abdel-Aziz Tha‘alibi. Leur champ d’action ne se limitait pas à la patrie qui les a vus naître, mais couvrait tous les terrains où le hasard et les nécessités du combat les appelaient. Et rien n’est plus significatif que l’itinéraire de cet Algérien, d’origine kabyle, se déplaçant entre la France, quelques pays d’Europe, l’Egypte, le Yémen, le Liban et enfin la Turquie où il mourut dans la solitude et l’incognito.
Né en 1908 à Constantine, al-Fudhayl al-Wartilani est issu d’une famille aisée, de tradition lettrée originaire du village kabyle des Bani Wartilan [Beni Ourtilène - Wilaya de Sétif]. Il fait ses études au kuttâb, puis à l’école franco-musulmane et dans les institutions religieuses fondées par les Oulémas de sa ville natale. Il s’inscrit à la Zaytûna de Tunis et fait partie de l’entourage de Cheikh Abdelhamid ibn Badis fondateur de l’Association des Oulémas algériens, qu’il prend pour maître. Aussi fait-il partie de cette association dès sa création en 1931 et en devient-il l’un des apôtres et combattants.
Vers 1934, il est délégué par ses aînés pour aller en France prêcher les idéaux du réformisme musulman, d’Afghani, Abduh et Rachid Ridha, que certains orientalistes désignent comme wahabite, mais aussi pour initier les milieux de l’immigration de la région parisienne (qui représente la moitié de la communauté algérienne en France) à l’idée nationale algérienne. Il fonde une dizaine d’associations et de clubs où l’on apprend la langue arabe, l’histoire musulmane, les règles élémentaires de la religion et de la morale, et les rudiments du nationalisme, inséparable de l’arabisme et de l’islam. Ainsi il crée l’Association pour la prédication et l’éducation (Jam‘iyyat al-da‘wa wa-l-tahdhîb) et l’Association musulmane en France (al-Jam‘iyya al-islâmiyya fî faransâ) et il participe au Congrès musulman algérien du Docteur Benjelloul à Paris (1936). Rien ne semble confirmer ni infirmer l’idée qu’il s’est inscrit à la Sorbonne, comme l’avance Leigh Douglas (Douglas, 1987, p.53), à partir du témoignage de M.A. Nu‘man. Son activité apostolique et militante le rend très vite suspect aux yeux des autorités françaises qui cherchent désormais à le neutraliser. Se sentant menacé, il se réfugie clandestinement en Suisse, passe en Allemagne, se rend en Italie sous prétexte de rencontrer personnellement le Duce, s'enfuit en Grèce pour enfin arriver à Port-Saïd en Egypte, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, "sain et sauf et à l’abri des méfaits et de l’agression des Français" (Thalâth Wathâ’iq, 1985, p.276). Il s’inscrit aussitôt à al-Azhar pour justifier son séjour au Caire et échapper à la persécution des Anglais, lesquels, sur dénonciation française, pouvaient l'accuser d’intelligence avec les forces de l’Axe. Il obtient la ‘Alimiyya (2) et poursuit des études spécialisées d’abord à la Faculté de théologie (Usûl al-dîn) puis à celle de la Sharî‘a. Pendant ce temps il ne cesse son combat pour la cause nationale.
En 1941, il est présenté comme le "président de la Mission des étudiants algériens au Caire" (al-Râbita al-‘arabiyya du 1.1 1941 in Douglas, 1987, p.53) ; en 1942, il fonde le "Comité de défense de l’Algérie" (Lajnat al-difâ‘ ‘an al-Djazâ’ir) et en devient le secrétaire général ; en 1944, il participe avec le Tunisien Muhammed al-Khidhr ibn Husayn (et non Muhammad al-Husaynî comme l’écrit Douglas, op cit. p.53), à la création du "Front de défense de l’Afrique du Nord" (Gabhat al-difâ‘ ‘an ifrîqiya al-shamâliyya). Pendant ce temps il fréquente assidûment le siège central des" Frères Musulmans", celui des "Jeunes Musulmans" (al-Shubbân al-muslimûn) et le cercle politico-intellectuel de Shakib Arslan et du journaliste Muhammad Ali-al-Tahir, c’est-à-dire le point de ralliement de l’ensemble des mouvements de libération arabe, au Maghreb comme au Machrek.
C’est donc au début des années 40 que al-Fudhayl al-Wartilani rencontre les jeunes Yéménites envoyés en Egypte pour poursuivre leurs études à al-Azhar ou à Dâr al-‘Ulûm, notamment Muhammad Ahmad Nu‘mân et Muhammad Mahmud al-Zubayri (3). Très vite il les subjugue par son savoir, son éloquence, son dynamisme et son dévouement pour la cause de l’arabisme et de l’islam. Nu‘man souhaite l’envoyer au Yémen pour convaincre l’Imam Yahya d’entreprendre des réformes, mais c’est lui qui arrive à convaincre Nu‘man de rentrer dans son pays pour répondre aux sollicitations du prince héritier, Ahmad, gouverneur de Taez,"pour les intérêts communs des Yéménites libres et des Frères Musulmans" (Douglas, 1987, p.53-54). Nu‘man regagne le Yémen en février 1941, bientôt suivi par M.M. Al-Zubayri, Muhi-al-din al-Ansi et Ahmad al Hawrash. Seul M.S. al-Masmari demeure en Egypte pour garder le contact avec l’association de Hassan al-Banna.
Encore envoûté par al-Wartilani et les milieux islamistes du Caire, al-Zubayri rédige un "Programme pour le commandement du bien et le pourchas du mal" (barnâmaj al-amr bi-l-ma‘rûf wa-l-nahy ‘an al-munkar) et s’engage dans une campagne de propagation des idées du manifeste, à travers une série de discours prononcés dans les mosquées de Sana'a. Après quelques tergiversations, l’Imam Yahya finit par l’envoyer en prison. al-Zubayri considérait alors F. al-Wartilani comme la plus grande personnalité qu’il lui fût donné de rencontrer au Caire (Shâmî, 1985, p.199) (4).
Bien que nous n’ayons pas de témoignages directs, il semble que al-Wartilani soit resté le trait d’union entre les Yéménites libres et les Frères Musulmans, et que ce soit lui qui tenait Hassan al-Banna au courant des affaires du Yémen. Après le départ de Nu‘man et al-Zubayri à Aden en 1944 et la constitution du Parti des Yéménites libres (Hizb al-Ahrâr) puis de la "Grande association yéménite" (Al-Jam‘iyya al-yamaniyya al-kubrà) en 1946, les Frères égyptiens n’ont pas hésité à se faire l’écho des protestations et des déclarations des révolutionnaires yéménites, dans leurs publications ou celles qui leur sont apparentées. Ainsi le 5 mai 1946, al-Sadâqa publie un télégramme envoyé à l’Imam Yahya où il est dit : "Au nom de l’arabisme et de l’islam espérons un juste traitement pour les jeunes et les Oulémas du Yémen détenus et leur prompte libération ... ". Il est signé, entre autres, par al-Fudhayl al-Wartilani (secrétaire du Front de défense de l’Afrique du Nord), Salah Harb Pacha (président de l’Association des Jeunes Musulmans) et Hassan al-Banna (Guide général des Frères Musulmans).
Les journaux cairotes al-Kashkûl al-jadîd et Minbar al-sharq publient de violents articles qui dénoncent le caractère primitif, despotique et inhumain du régime de l'Imam Yahya, où n'existent "ni libertés, ni garanties personnelles, ni shûrà, ni élection" . (Manqûsh, 1979, p.190-191). Lors d'une réunion à Sana'a, al-'Ansi, de retour du Caire, confirme l'hostilité des Frères Musulmans au système de gouvernement yéménite qui ne représente pas l'islam, mais le déforme et le corrompt ; aussi ont-ils décidé de le combattre. Cet appui des Frères Musulmans aux Yéménites libres était considéré comme un grand acquis pour ces derniers. (Témoignage d'Abd-al-Salam Sabra in Thawra, p.376-378).
Les relations reprennent officiellement entre les Frères Musulmans et l’opposition yéménite, lors du pèlerinage de Hassan al-Banna en 1365-1946. Celui-ci rencontre par hasard Qadi Abdallah Shammahi envoyé par Sayyid Abdullah al-Wazir et Sayyid Ahmad al-Muta‘ (chef de Hay’ât al-Nidhâl) pour solliciter l’appui du roi Ibn Saoud à un éventuel changement de régime au Yémen. Les deux hommes "se mettent d’accord pour une coopération entre les Frères et les organisations yéménites, et al-Banna tint sa promesse" (Shammahi ; 1972, p.200-202).
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Le rôle des Frères Musulmans dans la Révolution de 1948
Mohamed al-Ahnaf
Les acteurs du "mouvement constitutionnel" de 1948 -qui a coûté la vie à l’Imam Yahya d’une part et à la fine fleur de l’élite yéménite de l’époque d’autre part- sont unanimes pour reconnaître que le personnage-clé de ce mouvement et sans lequel celui-ci n’aurait jamais vu le jour est l’Algérien al-Fudhayl al-Wartilani. Son rôle essentiel dans la préparation des esprits, l’élaboration du manifeste et l’exécution de ce qu’on appelle désormais la "révolution de 1948" est attesté par les historiens comme par les témoins directs de l’événement.
Il n’est pas dans notre intention ici de relater les péripéties de la révolte et de son échec, une vaste littérature nous en dispense. Notre propos consistera à présenter un militant de la première heure du nationalisme (1) qui reste très mal connu au Maghreb comme au Machrek, et subsidiairement à examiner, selon les sources disponibles, l’implication de l’Association des Frères Musulmans égyptiens dans le drame révolutionnaire de 1948. D’aucuns présentent al-Wartilani comme un 'âlim, versé dans toutes les sciences religieuses, un brillant orateur, un exhortateur sans pareil et jouissant d’une rare capacité de "séduction" ; tandis que d’autres le voient comme un intrigant agent de commerce, cherchant à augmenter sa fortune (Wenner, 1966).
De fait, al-Fudhayl fait partie d’une génération de militants arabes qui ont voué leur vie à la cause de la libération nationale et à la renaissance d’une umma dont la grandeur passée n’avait d’égales que sa décrépitude et son humiliation présentes. Les uns sont bien connus tels Afghani, Kawakibi, Chakib Arslan, et d’autres le sont moins comme le Palestinien M. Ali-Tahir, et le Tunisien Abdel-Aziz Tha‘alibi. Leur champ d’action ne se limitait pas à la patrie qui les a vus naître, mais couvrait tous les terrains où le hasard et les nécessités du combat les appelaient. Et rien n’est plus significatif que l’itinéraire de cet Algérien, d’origine kabyle, se déplaçant entre la France, quelques pays d’Europe, l’Egypte, le Yémen, le Liban et enfin la Turquie où il mourut dans la solitude et l’incognito.
Né en 1908 à Constantine, al-Fudhayl al-Wartilani est issu d’une famille aisée, de tradition lettrée originaire du village kabyle des Bani Wartilan [Beni Ourtilène - Wilaya de Sétif]. Il fait ses études au kuttâb, puis à l’école franco-musulmane et dans les institutions religieuses fondées par les Oulémas de sa ville natale. Il s’inscrit à la Zaytûna de Tunis et fait partie de l’entourage de Cheikh Abdelhamid ibn Badis fondateur de l’Association des Oulémas algériens, qu’il prend pour maître. Aussi fait-il partie de cette association dès sa création en 1931 et en devient-il l’un des apôtres et combattants.
Vers 1934, il est délégué par ses aînés pour aller en France prêcher les idéaux du réformisme musulman, d’Afghani, Abduh et Rachid Ridha, que certains orientalistes désignent comme wahabite, mais aussi pour initier les milieux de l’immigration de la région parisienne (qui représente la moitié de la communauté algérienne en France) à l’idée nationale algérienne. Il fonde une dizaine d’associations et de clubs où l’on apprend la langue arabe, l’histoire musulmane, les règles élémentaires de la religion et de la morale, et les rudiments du nationalisme, inséparable de l’arabisme et de l’islam. Ainsi il crée l’Association pour la prédication et l’éducation (Jam‘iyyat al-da‘wa wa-l-tahdhîb) et l’Association musulmane en France (al-Jam‘iyya al-islâmiyya fî faransâ) et il participe au Congrès musulman algérien du Docteur Benjelloul à Paris (1936). Rien ne semble confirmer ni infirmer l’idée qu’il s’est inscrit à la Sorbonne, comme l’avance Leigh Douglas (Douglas, 1987, p.53), à partir du témoignage de M.A. Nu‘man. Son activité apostolique et militante le rend très vite suspect aux yeux des autorités françaises qui cherchent désormais à le neutraliser. Se sentant menacé, il se réfugie clandestinement en Suisse, passe en Allemagne, se rend en Italie sous prétexte de rencontrer personnellement le Duce, s'enfuit en Grèce pour enfin arriver à Port-Saïd en Egypte, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, "sain et sauf et à l’abri des méfaits et de l’agression des Français" (Thalâth Wathâ’iq, 1985, p.276). Il s’inscrit aussitôt à al-Azhar pour justifier son séjour au Caire et échapper à la persécution des Anglais, lesquels, sur dénonciation française, pouvaient l'accuser d’intelligence avec les forces de l’Axe. Il obtient la ‘Alimiyya (2) et poursuit des études spécialisées d’abord à la Faculté de théologie (Usûl al-dîn) puis à celle de la Sharî‘a. Pendant ce temps il ne cesse son combat pour la cause nationale.
En 1941, il est présenté comme le "président de la Mission des étudiants algériens au Caire" (al-Râbita al-‘arabiyya du 1.1 1941 in Douglas, 1987, p.53) ; en 1942, il fonde le "Comité de défense de l’Algérie" (Lajnat al-difâ‘ ‘an al-Djazâ’ir) et en devient le secrétaire général ; en 1944, il participe avec le Tunisien Muhammed al-Khidhr ibn Husayn (et non Muhammad al-Husaynî comme l’écrit Douglas, op cit. p.53), à la création du "Front de défense de l’Afrique du Nord" (Gabhat al-difâ‘ ‘an ifrîqiya al-shamâliyya). Pendant ce temps il fréquente assidûment le siège central des" Frères Musulmans", celui des "Jeunes Musulmans" (al-Shubbân al-muslimûn) et le cercle politico-intellectuel de Shakib Arslan et du journaliste Muhammad Ali-al-Tahir, c’est-à-dire le point de ralliement de l’ensemble des mouvements de libération arabe, au Maghreb comme au Machrek.
C’est donc au début des années 40 que al-Fudhayl al-Wartilani rencontre les jeunes Yéménites envoyés en Egypte pour poursuivre leurs études à al-Azhar ou à Dâr al-‘Ulûm, notamment Muhammad Ahmad Nu‘mân et Muhammad Mahmud al-Zubayri (3). Très vite il les subjugue par son savoir, son éloquence, son dynamisme et son dévouement pour la cause de l’arabisme et de l’islam. Nu‘man souhaite l’envoyer au Yémen pour convaincre l’Imam Yahya d’entreprendre des réformes, mais c’est lui qui arrive à convaincre Nu‘man de rentrer dans son pays pour répondre aux sollicitations du prince héritier, Ahmad, gouverneur de Taez,"pour les intérêts communs des Yéménites libres et des Frères Musulmans" (Douglas, 1987, p.53-54). Nu‘man regagne le Yémen en février 1941, bientôt suivi par M.M. Al-Zubayri, Muhi-al-din al-Ansi et Ahmad al Hawrash. Seul M.S. al-Masmari demeure en Egypte pour garder le contact avec l’association de Hassan al-Banna.
Encore envoûté par al-Wartilani et les milieux islamistes du Caire, al-Zubayri rédige un "Programme pour le commandement du bien et le pourchas du mal" (barnâmaj al-amr bi-l-ma‘rûf wa-l-nahy ‘an al-munkar) et s’engage dans une campagne de propagation des idées du manifeste, à travers une série de discours prononcés dans les mosquées de Sana'a. Après quelques tergiversations, l’Imam Yahya finit par l’envoyer en prison. al-Zubayri considérait alors F. al-Wartilani comme la plus grande personnalité qu’il lui fût donné de rencontrer au Caire (Shâmî, 1985, p.199) (4).
Bien que nous n’ayons pas de témoignages directs, il semble que al-Wartilani soit resté le trait d’union entre les Yéménites libres et les Frères Musulmans, et que ce soit lui qui tenait Hassan al-Banna au courant des affaires du Yémen. Après le départ de Nu‘man et al-Zubayri à Aden en 1944 et la constitution du Parti des Yéménites libres (Hizb al-Ahrâr) puis de la "Grande association yéménite" (Al-Jam‘iyya al-yamaniyya al-kubrà) en 1946, les Frères égyptiens n’ont pas hésité à se faire l’écho des protestations et des déclarations des révolutionnaires yéménites, dans leurs publications ou celles qui leur sont apparentées. Ainsi le 5 mai 1946, al-Sadâqa publie un télégramme envoyé à l’Imam Yahya où il est dit : "Au nom de l’arabisme et de l’islam espérons un juste traitement pour les jeunes et les Oulémas du Yémen détenus et leur prompte libération ... ". Il est signé, entre autres, par al-Fudhayl al-Wartilani (secrétaire du Front de défense de l’Afrique du Nord), Salah Harb Pacha (président de l’Association des Jeunes Musulmans) et Hassan al-Banna (Guide général des Frères Musulmans).
Les journaux cairotes al-Kashkûl al-jadîd et Minbar al-sharq publient de violents articles qui dénoncent le caractère primitif, despotique et inhumain du régime de l'Imam Yahya, où n'existent "ni libertés, ni garanties personnelles, ni shûrà, ni élection" . (Manqûsh, 1979, p.190-191). Lors d'une réunion à Sana'a, al-'Ansi, de retour du Caire, confirme l'hostilité des Frères Musulmans au système de gouvernement yéménite qui ne représente pas l'islam, mais le déforme et le corrompt ; aussi ont-ils décidé de le combattre. Cet appui des Frères Musulmans aux Yéménites libres était considéré comme un grand acquis pour ces derniers. (Témoignage d'Abd-al-Salam Sabra in Thawra, p.376-378).
Les relations reprennent officiellement entre les Frères Musulmans et l’opposition yéménite, lors du pèlerinage de Hassan al-Banna en 1365-1946. Celui-ci rencontre par hasard Qadi Abdallah Shammahi envoyé par Sayyid Abdullah al-Wazir et Sayyid Ahmad al-Muta‘ (chef de Hay’ât al-Nidhâl) pour solliciter l’appui du roi Ibn Saoud à un éventuel changement de régime au Yémen. Les deux hommes "se mettent d’accord pour une coopération entre les Frères et les organisations yéménites, et al-Banna tint sa promesse" (Shammahi ; 1972, p.200-202).
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