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Une canne à pêche, pas du poisson(palestine)

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  • Une canne à pêche, pas du poisson(palestine)

    par,Amira Hass

    Le monde applaudit le bangladeshi Muhammad Yunus, lauréat du Prix Nobel de la Paix, pour avoir mis en application la sagesse populaire qui veut qu’au pauvre, on ne donne pas du poisson mais une canne à pêche.

    Autrement dit, pour combattre la pauvreté, il ne faut pas nourrir les pauvres, mais leur permettre de gagner leur vie. Et dans le même temps, le monde est invité à continuer de donner du poisson aux Palestiniens parce que le monde sait parfaitement bien qu’Israël bloquera l’envoi de cannes à pêche.

    La Commission nationale palestinienne pour la réduction de la pauvreté a établi deux seuils de pauvreté, sur la base des dépenses moyennes à la consommation : le seuil de pauvreté officiel comporte neuf catégories de marchandises et de services, avec une dépense quotidienne inférieure à 2,4 dollar par personne. Le « seuil de pauvreté profonde » ne comprend que trois catégories - nourriture, habillement et logement (sans soins de santé, sans enseignement, sans dépenses de transport) - avec une consommation inférieure à deux dollars par jour. Plus d’un million trois cent mille Palestiniens - sur une population de trois millions sept cent mille (en comptant les habitants de Jérusalem-Est) - étaient considérés en 2005 comme pauvres. Plus de la moitié d’entre eux, 820.000, étaient considérés comme étant réduits à un état de « pauvreté profonde ».

    Dans la première moitié de 2006, le nombre de Palestiniens vivant dans une telle situation de « pauvreté profonde » a atteint 1.069.200, comme l’indique un rapport détaillé de l’UNRWA, publié en novembre sous le titre : « Crise prolongée en territoire palestinien occupé : répercussions socio-économiques sur les réfugiés et les non-réfugiés ». Leur nombre s’est, il est vrai, réduit de moitié à l’approche de la fin 2006, du fait du soutien qu’ils ont reçu et du paiement d’une partie des salaires dans le secteur public. Un tiers de la population palestinienne a rapporté avoir bénéficié d’une assistance au cours du deuxième trimestre de 2006 : 15,3% des habitants de Cisjordanie et 56,9% des habitants de Gaza. 77,9% ont rapporté qu’il s’agissait d’une aide alimentaire. Les montants se situent entre 200 et 489 shekels par famille [entre 36 € et 89 € - NdT]. Au cours du deuxième trimestre de l’année 2006, 62% de l’ensemble des familles palestiniennes parlent d’une baisse de revenus et 66,8% d’une baisse de la consommation.

    A partir de ces rapports effrayants, 12 agences de l’ONU, en collaboration avec 14 organisations non gouvernementales, ont lancé, la semaine dernière, une opération visant à réunir 453,6 millions de dollars pour une aide humanitaire urgente aux Palestiniens : les Territoires palestiniens se situent ainsi à la troisième place parmi 13 autres zones assistées, toutes en Afrique : après le Soudan et le Congo, mais avant la Somalie et le Zimbabwe. Même si les sommes ne seront pas intégralement couvertes, leur montant élevé est le signe qu’on estime que la crise se prolongera au cours des années à venir. Ce montant élevé nous apprend que le boycott international à l’encontre du gouvernement du Hamas ne peut pas réellement fonctionner, parce que la pauvreté « africaine » créée ici menace davantage : au point de vue de la santé, au point de vue politique, sécuritaire et moral. Mais ce montant élevé reflète plus particulièrement le degré d’indulgence à l’égard de la politique d’Israël ou l’absence de capacité politique à amener Israël à choisir, soit de reconnaître ses obligations en tant que puissance occupante, conformément aux conventions internationales, et prendre soin de la population occupée, soit de cesser immédiatement sa politique délibérée d’étranglement économique. Cela fait des années qu’Israël utilise l’arme de l’étouffement économique comme moyen de pression politique. Et la tempête que cette politique a récoltée jusqu’à présent, c’est le rapprochement des Palestiniens avec l’Iran.

    Israël continue de voler des centaines de milliers de shekels chaque mois, l’argent de taxes et de droits de douane qui ne lui reviennent pas, mais qu’Israël ne remet pas au Trésor palestinien. C’est la cause immédiate de l’aggravation de la crise. La cause durable, permanente, historique, est constituée par les limitations imposées par Israël aux déplacements, en contradiction avec ses promesses d’ « allègement » maintes fois répétés (en particulier à la Banque Mondiale et au Département d’Etat américain) : la fermeture des points de passage de la Bande de Gaza et l’installation de centaines de barrages et de fermetures de routes à l’intérieur de la Cisjordanie, est ce qui fait de toute opération économique une gageure, jusqu’à faire faillite ou à renoncer par avance.

    Il est plus facile, pour les pays occidentaux de verser des centaines de milliers de dollars chaque année, pour subventionner une alimentation qu’Israël n’autorise pas les Palestiniens à produire et à acheter eux-mêmes, plutôt que d’amener Israël à cesser de se comporter comme s’il était au-dessus des lois internationales.

    Amira Hass ,Journaliste à Ha’aretz, grand quotidien israélien
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