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Quel avenir pour la croissance économique?

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  • Quel avenir pour la croissance économique?

    Au coeur de notre conception du progrès depuis 250 ans, la croissance économique serait irrémédiablement compromise par les simples limites de notre planète. Ou pas.

    Les temps sont durs pour la croissance économique. La Grande Récession a laissé une sorte de morosité dont les pays riches ont encore du mal à se débarrasser même six ans après la fin officielle de la crise. Longtemps d’une insolente vigueur, les économies émergentes commencent aussi à marquer le pas, notamment en Chine. Selon certains experts, il faut s’attendre à une « stagnation prolongée » causée entre autres par l’endettement des ménages et des gouvernements, le vieillissement de la population, la panne de productivité, le plafonnement des gains en éducation et la croissance des inégalités. Selon d’autres, nous avons simplement épuisé le potentiel des innovations technologiques exceptionnelles apparues entre la Révolution industrielle et la fin des années 60.

    Tout cela se produit alors qu’on semble de plus en plus convenir que la croissance économique et sa fameuse mesure du produit intérieur brut (PIB pour les intimes) ne reflètent pas nécessairement une amélioration du bien-être des peuples. Mais peut-être plus encore, alors que la crise des changements climatiques nous ramène brutalement aux limites de notre planète en termes de quantité de ressources naturelles disponible et de capacité à supporter la vie face à la pollution. L’économiste américain Kenneth Boulding disait : « Quiconque croit que la croissance exponentielle peut continuer sans fin dans un monde fini est soit un fou soit un économiste. »

    Un gros mot qui commence par « d »

    L’économiste de l’Université York, en Ontario, Peter Victor, s’est prêté, il y a quelques années, à un exercice de simulation dans lequel il comparait le niveau d’émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’économie canadienne d’ici 2035 selon trois scénarios : une poursuite de la trajectoire actuelle, une croissance presque nulle de l’économie ou une décroissance jusqu’à un niveau de GES soutenable. Il est arrivé à la conclusion que la seule façon efficace de réduire les GES (-80 % par rapport à 2005) était de ramener le PIB par habitant à ce qu’il était au pays en 1976. Les Canadiens ne s’en porteraient pas plus mal, assurait-il, et verraient même diminuer la pauvreté et le chômage, mais à condition de parvenir à arrêter la croissance de la population (baisse de la natalité et de l’immigration), de trouver le moyen de réduire le temps de travail de 75 % et de composer avec une taxe sur le carbone de 550$ la tonne alors qu’elle est actuellement à 12 $ au Québec.

    Parler de décroissance économique est presque sacrilège dans nos sociétés tellement l’idée d’une longue et irrésistible expansion de l’économie, ponctuée de rares intermèdes aussi vite oubliés (crises), y est considérée, depuis toujours, comme la normalité.

    Depuis toujours ? Non, corrigent les historiens. Avant la révolution industrielle, la normalité était plutôt faite de successions de hauts et de bas qui, au fil des siècles, tendaient à s’annuler.

    Ce monde était bien différent du nôtre, observait la semaine dernière le chroniqueur économique du New York Times Eduardo Porter. Comme la richesse totale disponible restait la même, l’enrichissement des uns s’y traduisait par l’appauvrissement des autres. Fatalement, les plus forts et les plus puissants tendaient à accaparer les richesses, alors que les autres devaient se contenter des miettes.

    Un tel monde conviendrait mal à nos démocraties, poursuivait Eduardo Porter. On aime à penser que l’économie n’a pas à être un jeu à somme nulle et que tous — mais particulièrement les plus démunis — devraient pouvoir améliorer leur sort sans être obligés de faire chaque fois la guerre contre les riches et puissants.

    Tout cela est vrai aussi en ce qui concerne les relations entre les pays sur la scène internationale.

    Croissance verte

    On n’a pas à choisir entre croissance économique et protection de l’environnement, estiment d’autres experts. « Une forte croissance économique qui soit faiblement émettrice de carbone peut devenir la nouvelle normalité », a martelé cet été l’économiste britannique Nicolas Stern lors du dévoilement d’un volumineux rapport de la Global Commission on the Economy and the Climate, qu’il copréside.

    On y a estimé, en effet, qu’il ne coûterait, d’ici 2030, que de 1 % à 4 % de croissance mondiale pour faire de 50 % à 90 % du chemin nécessaire pour respecter la cible des deux degrés de réchauffement climatique, soit l’équivalent d’atteindre le même niveau de PIB six à douze mois plus tard.

    Pour ce faire, il faudrait cependant fortement accélérer le virage en cours vers des sociétés plus vertes. Le rapport formule dix recommandations qui vont de la révision de la façon de construire les villes à la restauration de forêts et de terres agricoles, en passant par la mise en place d’un prix du carbone et des investissements massifs dans l’innovation et les énergies renouvelables.

    On comprend tout de suite qu’on a affaire à une révolution au moins aussi ambitieuse que celle que proposent les partisans de la décroissance. Reste à voir maintenant laquelle est la plus emballante et a la plus de chances de nous sauver de la catastrophe environnementale.

    le devoir
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