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Jeu de sons et d'images dans le hammam national
Par Kamel Daoud
Le patron du DRS a été vu, filmé, scruté. Cela a laissé deux impressions : celle d'un col de chemise tordu et d'un visage apeuré, inquiet et comme sorti d'une ombre vers le cercle trop éclairé d'un cirque. Peut-être qu'au fond, le régime n'est si méchant et aveugle que parce qu'il est terrorisé par nous, par lui-même, par la force aveugle de la plèbe. C'est d'ailleurs un lien étrange entre dictatures et peuplades : les deux ont peur, l'un de l'autre. On a donc une image désormais. Elle rejoint l'image muette de Bouteflika parlant au reste du monde mais pas au monde sur lequel il est assis depuis des années.
En gros, le régime est le Grand corps malade. GCM. Il a un nez : Gaïd. Une bouche : Saïdani. Des oreilles : le Frère. Des yeux : Ouyahia. Un ventre : Sonatrach. Des mains : quelques ministres de main et Sellal. Deux épaules : le RND et le FLN. Une grande mosquée, un seul livre qu'il relit (sa constitution), un os : la mémoire de la guerre de libération et des dents, ses polices et des gardiens de silo, ses hommes d'affaires. Et pas de jambes, car il ne veut aller nulle part mais rester chez nous pendant que nous, nous partons peu à peu, dans l'autonome ou la prière ou la fumée. Le Grand Corps bouge en fonction des besoins et s'étend sur les 2 millions de km carrés selon les positions de sommeil ou de veille. Grand corps malade ouvre la bouche parfois, bouge une main, palpe son ventre ou plisse les yeux à chaque élection ou demande d'audience de l'opposition.
Donc, la division des tâches est calculée : Tertag est une image, Bouteflika une présence, les autres sont le son, les effets spéciaux, les crieurs, les rabatteurs ou les gestionnaires de la chaîne alimentaire.
Trêve d'humour. Le visage de ce néo-Tewfik semi coloré, mais encore muet, est resté dans la rétine tant l'homme semblait inquiet, exposé, épinglé sur un mur comme un papillon. Est-il important ? Non. Juste esthétique : la plèbe a de quoi mâcher dans sa tête pendant une semaine. Le reste étant sans sel : ces cannibalismes langagiers de fin de nation que mènent politiques, mercenaires et rabatteurs.
NB : dans sa diatribe contre Khalida Toumi, l'immense Tliba, héritier du FLN «messalisé» dans le mauvais sens, a retenu le crime de «danse et chant» contre cette femme. Il rejoint cette sous-culture islamisante qu'incarnent les néo-conservateurs FLN, mélange de fatwa, intégrisme et conservatisme et de bigotisme dont ils font usage pour souder la plèbe au sol et lever les foules contres les différences. Hanoun est même accusée d'être une femme, une «poule» et de ne pas dire «au nom de Dieu» par Saïdani.
En réalité, l'époque de Bouteflika est la réussite d'un vaste complot culturel : le nouveau FLN a la bedaine de Abassi, la virulence de Benhadj, la fourberie du caïd de l'époque coloniale, le zèle des rabatteurs/indicateurs et la formation idéologique d'une Tayabet El hammam en pleine crise de jalousie. Vaste projet réussi de Bouteflika : faire du pays un hammam et en écouter les jacassements avec amusement.
Le Quotidien d'Oran
Par Kamel Daoud
Le patron du DRS a été vu, filmé, scruté. Cela a laissé deux impressions : celle d'un col de chemise tordu et d'un visage apeuré, inquiet et comme sorti d'une ombre vers le cercle trop éclairé d'un cirque. Peut-être qu'au fond, le régime n'est si méchant et aveugle que parce qu'il est terrorisé par nous, par lui-même, par la force aveugle de la plèbe. C'est d'ailleurs un lien étrange entre dictatures et peuplades : les deux ont peur, l'un de l'autre. On a donc une image désormais. Elle rejoint l'image muette de Bouteflika parlant au reste du monde mais pas au monde sur lequel il est assis depuis des années.
En gros, le régime est le Grand corps malade. GCM. Il a un nez : Gaïd. Une bouche : Saïdani. Des oreilles : le Frère. Des yeux : Ouyahia. Un ventre : Sonatrach. Des mains : quelques ministres de main et Sellal. Deux épaules : le RND et le FLN. Une grande mosquée, un seul livre qu'il relit (sa constitution), un os : la mémoire de la guerre de libération et des dents, ses polices et des gardiens de silo, ses hommes d'affaires. Et pas de jambes, car il ne veut aller nulle part mais rester chez nous pendant que nous, nous partons peu à peu, dans l'autonome ou la prière ou la fumée. Le Grand Corps bouge en fonction des besoins et s'étend sur les 2 millions de km carrés selon les positions de sommeil ou de veille. Grand corps malade ouvre la bouche parfois, bouge une main, palpe son ventre ou plisse les yeux à chaque élection ou demande d'audience de l'opposition.
Donc, la division des tâches est calculée : Tertag est une image, Bouteflika une présence, les autres sont le son, les effets spéciaux, les crieurs, les rabatteurs ou les gestionnaires de la chaîne alimentaire.
Trêve d'humour. Le visage de ce néo-Tewfik semi coloré, mais encore muet, est resté dans la rétine tant l'homme semblait inquiet, exposé, épinglé sur un mur comme un papillon. Est-il important ? Non. Juste esthétique : la plèbe a de quoi mâcher dans sa tête pendant une semaine. Le reste étant sans sel : ces cannibalismes langagiers de fin de nation que mènent politiques, mercenaires et rabatteurs.
NB : dans sa diatribe contre Khalida Toumi, l'immense Tliba, héritier du FLN «messalisé» dans le mauvais sens, a retenu le crime de «danse et chant» contre cette femme. Il rejoint cette sous-culture islamisante qu'incarnent les néo-conservateurs FLN, mélange de fatwa, intégrisme et conservatisme et de bigotisme dont ils font usage pour souder la plèbe au sol et lever les foules contres les différences. Hanoun est même accusée d'être une femme, une «poule» et de ne pas dire «au nom de Dieu» par Saïdani.
En réalité, l'époque de Bouteflika est la réussite d'un vaste complot culturel : le nouveau FLN a la bedaine de Abassi, la virulence de Benhadj, la fourberie du caïd de l'époque coloniale, le zèle des rabatteurs/indicateurs et la formation idéologique d'une Tayabet El hammam en pleine crise de jalousie. Vaste projet réussi de Bouteflika : faire du pays un hammam et en écouter les jacassements avec amusement.
Le Quotidien d'Oran
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