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La monnaie, un mythe fragile

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  • La monnaie, un mythe fragile

    La monnaie est un mythe, sa valeur est subjective.

    Je pense que nous sommes entrés dans une phase de hausse du dollar ; et ceci quels que soient les mouvements à venir de la Fed. Paradoxalement, cette hausse du dollar conduira à l’implosion du système monétaire et financier qui repose sur le dollar lui-même.

    Dans un premier temps, la baisse des marchés et la hausse du dollar seront neutres (voire négatives) pour l’or et l’argent.
    Juste après l’implosion, l’or et l’argent rejoindront leur sommet.
    Puis un nouvel ordre monétaire, dont j’ignore tout, s’établira.
    Bill Bonner ne dit pas autre chose lorsqu’il prévoit un scénario à la « Tokyo puis Buenos Aires », c’est-à-dire déflation puis inflation. David Stockman, Charles Gave, Pierre Leconte, Harry Dent ou Nassim Taleb se rangent également dans ce camp que Taleb résumait, en 2009, par « nous irons de la déflation à l’hyperinflation sans voir l’inflation ».

    Pour justifier ces conclusions, il faut se pencher sur le concept de « monnaie ».

    En réalité, la monnaie est un mythe ; sa valeur est donc subjective. L’inflation est un phénomène monétaire et l’hyperinflation un phénomène politique.

    Un mythe est une croyance, une doxa, une convention sociale, par opposition à une réalité scientifique. La pomme tombe de l’arbre : c’est une réalité, une vérité. Même si des gens ne croient pas que la pomme tombe de l’arbre, elle tombera, peu importe les époques ou les lieux. En revanche, un mythe n’existe que parce que les gens y croient. Souvent, il y a confusion entre mythe et vérité, surtout lorsque le mythe est universel. La disparition d’un mythe est toujours choquante car les mythes cimentent les sociétés.

    Le code d’Hammurabi (1776 avant J.C.) codifiait la justice d’une société babylonienne compartimentée en trois classes sociales : notable, homme du peuple, esclave. Le droit applicable à chacun était différent selon sa classe sociale. Le prologue historique du code assied le mythe qui fut partagé et accepté par toute la société babylonienne. Les gens croyaient à ces trois classes.

    En 1776 de notre ère, la déclaration d’Indépendance aux États-Unis proclama qu’il n’y avait qu’une seule classe et que les droits fondamentaux étaient les mêmes pour tous.

    « Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par leur Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. »

    Les hommes ne sont « évidemment » pas créés égaux. Ce n’est pas une « vérité ». L’établissement de ce nouveau mythe rencontra donc une certaine opposition, notamment des États du sud de l’Amérique qui pratiquaient l’esclavage. Tout changement de mythe conduit à une rupture politique et sociale violente ; c’est la thèse que développe le professeur d’histoire Yuval Noah Harari dans Sapiens : une brève histoire de l’humanité, un best-seller mondial traduit en 30 langues.

    Tout comme les classes sociales, la monnaie est un mythe qui cimente les sociétés basées sur l’échange et dans lesquelles nous vivons ; une remise en cause de la monnaie s’accompagnera logiquement d’un chaos certain.

    Pensez aux assignats en France, à l’hyperinflation allemande ou hongroise… Le mythe de la monnaie est sa supposée valeur garantie par un État. L’hyperinflation marque l’écroulement du mythe : chacun réalise alors que sa monnaie n’a en réalité aucune valeur et que la parole de l’État était trompeuse.

    Premier niveau : le mythe du cash

    Supposons que vous me vendiez un kilo de cèpes et que je vous donne 20 euros — un billet de 20 euros. Vous avez travaillé une demi-journée à ramasser ces cèpes que je mangerai en une heure.

    Pourquoi pouvez-vous acheter ensuite quelque chose avec votre billet de 20 euros ? Parce que la convention sociale veut que ce billet ait cours en zone euro et que, dans un territoire donné, il est reconnu comme tel. Si les gens ne croyaient pas à la valeur de ce bout de papier, ou de vos rondelles métalliques, il ne vaudrait rien. Mais comme le mythe est là, votre billet représente une créance au porteur (c’est vous) de 20 euros sur les gens qui partagent le mythe (les autres). Vous allez donc pouvoir échanger votre créance contre autre chose tant que les gens autour de vous y croient.

    Si le mythe s’effondre, vous n’avez plus rien. Souvenez-vous, j’ai mangé vos cèpes et vous ne pouvez pas me les reprendre.

    Deuxième niveau : le mythe du dépôt en banque

    Compliquons notre affaire. Je vous paye vos cèpes par carte bancaire. Hop, plus de billets ou de pièces. Vous avez une ligne créditrice sur votre compte, qui est une créance sur votre banque. Votre banque vous doit 20 euros. Pour que votre créance soit négociable, il faut que les gens croient votre banque saine et solide et que le système financier avec toutes ses petites puces, lecteurs, codes de sécurité, tuyaux de télécommunication, etc. fonctionne.

    Sinon ? Eh bien sinon, vous n’avez plus rien. Souvenez-vous que j’ai mangé vos cèpes. Pour que nous puissions échanger, il faut donc que la machine financière puisse tourner et que les gens y croient.

    Pourquoi les banques centrales créent-elles autant d’argent sous forme de dettes dans le système financier et si peu sous forme d’espèces ? Pour que le crédit soit disponible en quantité illimitée dans l’industrie financière et ainsi faire croire que les anciens crédits valent vraiment quelque chose.

    Imaginez qu’au lieu de faire des QE, une opération TWIST et des crédits à taux zéro à hauteur de 4 000 milliards de dollars, les États-Unis aient imprimé 4 000 milliards de dollars en billets pour les donner à ceux qui, par exemple, ne pouvaient payer leur crédit hypothécaire. Le mythe en aurait pris un coup. Mr & Mrs Smith auraient regardé leurs propres billets de 10 $ en se demandant s’ils valaient vraiment quelque chose puisque d’autres pouvaient en avoir gratuitement.

    Injecter de la monnaie au deuxième niveau (dans le système financier) et non au premier
    (le cash) préserve le mythe.

    Depuis 2008, politiques et financiers se sont enfermés dans un mensonge. Ils ont prétendu que le monde était en proie à une simple crise de liquidités (une fin de mois difficile) et non à une crise de solvabilité (banques et gouvernements ne pourront jamais payer leurs engagements). L’admettre aurait causé l’effondrement du système bancaire et donc de la monnaie puisqu’elle existe majoritairement sous cette forme.

    Pour sauvegarder le mythe, il faut que les gens croient que toutes les dettes valent vraiment quelque chose.

    contrepoints
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