vendredi 1er janvier 2016,
Le soir de son décès, je l’ai dit à sa famille, aux dirigeants du FFS et à l’opinion : le meilleur hommage à lui rendre est de faire fructifier dans un environnement national et mondial toujours plus difficile et complexe, ce qu’il a apporté à son peuple, les enseignements de son long parcours de luttes.
Je ne m’attarderai pas sur les événements, les actions et les valeurs que nous avons partagées, ensemble ou à distance, depuis notre patriotique et inoubliable « groupe PPA de Ben Aknoun » (année 1944-45). Au-delà des faits, déjà évoqués ou susceptibles de l’être plus tard, je voudrais m’en tenir à quelques points dans l’itinéraire de notre regretté l‘Hocine, que je crois essentiels pour l’avenir.
Son parcours d’homme et de militant a illustré hautement le parcours de ceux, innombrables et souvent anonymes, qui face aux épreuves et aux sacrifices, ont refusé la fatalité, le désespoir, l‘esprit de soumission ou les séductions et les compromissions de toutes sortes. Une qualité précieuse et nécessaire quand un peuple, une nation, une société, décident de briser le cercle de leur humiliation matérielle et morale. Qualité de plus en plus majoritairement appréciée, qui explique pourquoi l’annonce du décès a soulevé une haute vague d’émotion et de respect populaire, en même temps qu’un concert de louanges venant de certains qui n’avaient cessé de le calomnier et déformer le sens de sa vie militante
On dit bien chez nous : Ttoul hiatou, kan yechtaq themra ; ki mat, meddou lou 3ardjoun ». (Toute sa vie on lui refusait une datte ; à sa mort on lui en a offert tout un régime).
Cet hommage du vice à la vertu aura eu au moins un mérite : mettre en lumière la dimension nationale de l’homme politique attaché aux souffrances et au sort de son peuple. La nation s’est reconnue en lui, alors qu’on a voulu en vain réduire sa stature à celle du leader charismatique d’une seule région du pays. L’aveu tardif et opportuniste de certains, à des fins démagogiques, confirme à quel point l’expérience nationale et sociale des uns et des autres, a amené les gens de courants et d’obédiences multiples à un constat commun.
Les orientations défendues par Ait Ahmed depuis sa jeunesse se résument à la fidélité à la soif de liberté, de paix, de vérité et de justice sociale de ses compatriotes.
La peine et l’émotion des Algériens n’ont eu d’égale que leur indignation envers le gâchis immense occasionné depuis l’indépendance à la communauté nationale par l’ostracisme des pouvoirs en place à l’encontre des orientations de sauvegarde nationale que Ait Ahmed préconisait. C’est pourquoi de larges milieux patriotiques ont exprimé le sentiment d’une grande perte.
Or, sa disparition physique, inscrite dans un destin biologique inexorable, ne serait une perte irréparable pour la nation et la société, que si le message et l’exemple de ce grand militant devaient rester sans relais ni lendemains à un moment crucial de notre Histoire.
Le décès de Da L’Hocine intervient dans un contexte algérien et international des plus graves. Jamais les coups déjà portés contre l’existence et l’intégrité des peuples et des Etats-nations du pourtour méditerranéen et de l’Afrique n’ont été aussi grands. Loin de décourager et d’affaiblir la portée du combat que Ait Ahmed a mené, ce
contexte donne l’occasion d’un bilan historique collectif et mobilisateur. Il rend plus sensible le besoin des qualités humaines et politiques que le dirigeant défunt a déployées successivement dans le PPA, le FLN puis le FFS. Les hommages populaires, l’estime des élites et des cadres sérieux et soucieux des intérêts de la nation et de la société, donneront ainsi plus de force aux enseignements de son combat politique. Ici, je ne décrirai pas les faits dans leur déroulement, ils sont de plus en plus connus. J’attirerai plutôt l’attention sur une thématique dont l’impact a eu à plusieurs reprises une grande importance et reste aujourd’hui d’une actualité brûlante, quant au choix des voies et moyens pour la solution des problèmes vitaux posés au pays.
Comment pour Ait Ahmed se sont présentées les relations entre les formes armées ou pacifiques du combat politique ? Pour lui, avant comme après l’indépendance, il s’agit d’interactions constantes, avec un impact positif ou négatif selon la façon appropriée ou non dont les acteurs sur le terrain conduisent les imbrications ou les successions de ces formes de lutte.
D’autres, involontairement ou consciemment (à des fins particulières), ne distinguent pas ce que ces phases ou formes de lutte ont à la fois de commun et de particulier. Ils n’arrivent pas à comprendre une chose basique : ce n’est pas un hasard si Ait Ahmed, à deux étapes de notre Histoire, a su mener ses luttes de deux façons qui à tort leur paraissent contradictoires. D’un côté il fut l’ardent révolutionnaire qui avec d’autres a inspiré en 1947 la création de l’OS, instrument préparatoire du futur combat armé. En même temps, il fut celui qui, pendant la tragédie nationale des années 90, appela à emprunter la voie pacifique et démocratique pour dépasser et mettre fin à la monstrueuse dérive antinationale.
Ce qu’il faut comprendre de ces deux orientations en apparence diamétralement opposées, c’est qu’elles ont en commun le souci de mobiliser pour la sauvegarde nationale, en s’appuyant sur l’effort de conscience et d’analyse politique, sur un esprit constructif de rassemblement, une volonté de comprendre le vécu et les aspirations de la base populaire.
Des hommes politiques comme Ait Ahmed, Abbane, Benmehidi, Mehri et tant d’autres l’ont bien compris. Est-ce que vont le comprendre (on peut en douter) les autorités qui, en proclamant les huit jours de deuil, ont mis unilatéralement en relief l’hommage mérité que la patrie doit aux pionniers et combattants de la guerre d’indépendance, tout en laissant dans l’ombre l’opposition pacifique au régime antidémocratique instauré après l’indépendance et les orientations constructives préconisée par les courants et forces démocratiques et de progrès ?
En fait, aux yeux de la plupart, le temps continue à démêler le vrai du faux. Face aux prises de conscience qui continuent, aucune piètre manœuvre ou dérobade bureaucratique ne pourra remplacer l’exigence d’un bilan critique sur les graves atteintes portées depuis l’indépendance aux évolutions pacifiques dont l’Algérie a profondément besoin.
Aucune larme de crocodile de ceux qui n’ont cessé de calomnier directement ou sournoisement l’engagement rassembleur du regretté Ait Ahmed, ne parviendra à faire oublier le caractère démocratique de son action d’opposant après l’indépendance.
Aucune manœuvre politicienne ne pourra occulter le fait que pour lui, il s‘agit d’un refus global et de principe du régime et non d’une opposition manœuvrière à l’une ou l’autre des composantes des pouvoirs en place.
Il n’est pas possible de dissocier le contenu des deux périodes d’avant et après l’indépendance.
Il n’est pas possible de vider la guerre de libération, « ath-thaoura -l- djazairiya », de sa vocation populaire, démocratique, sociale et anti-impérialiste, qui lui était assignée par les appels du 1er novembre 54, la Charte de la Soummam et le programme de Tripoli.
L’attachement de Ait Ahmed à l’option pacifique et démocratique, était-il fondamental, exprimant sa forte conviction, ou était-il seulement tacticien et à géométrie variable pour des opportunités de pouvoir ? Il est possible de vérifier concrètement la nature et la continuité de cet attachement à l’occasion des moments cruciaux qui mettent à l’épreuve chaque acteur politique.
Le soir de son décès, je l’ai dit à sa famille, aux dirigeants du FFS et à l’opinion : le meilleur hommage à lui rendre est de faire fructifier dans un environnement national et mondial toujours plus difficile et complexe, ce qu’il a apporté à son peuple, les enseignements de son long parcours de luttes.
Je ne m’attarderai pas sur les événements, les actions et les valeurs que nous avons partagées, ensemble ou à distance, depuis notre patriotique et inoubliable « groupe PPA de Ben Aknoun » (année 1944-45). Au-delà des faits, déjà évoqués ou susceptibles de l’être plus tard, je voudrais m’en tenir à quelques points dans l’itinéraire de notre regretté l‘Hocine, que je crois essentiels pour l’avenir.
Son parcours d’homme et de militant a illustré hautement le parcours de ceux, innombrables et souvent anonymes, qui face aux épreuves et aux sacrifices, ont refusé la fatalité, le désespoir, l‘esprit de soumission ou les séductions et les compromissions de toutes sortes. Une qualité précieuse et nécessaire quand un peuple, une nation, une société, décident de briser le cercle de leur humiliation matérielle et morale. Qualité de plus en plus majoritairement appréciée, qui explique pourquoi l’annonce du décès a soulevé une haute vague d’émotion et de respect populaire, en même temps qu’un concert de louanges venant de certains qui n’avaient cessé de le calomnier et déformer le sens de sa vie militante
On dit bien chez nous : Ttoul hiatou, kan yechtaq themra ; ki mat, meddou lou 3ardjoun ». (Toute sa vie on lui refusait une datte ; à sa mort on lui en a offert tout un régime).
Cet hommage du vice à la vertu aura eu au moins un mérite : mettre en lumière la dimension nationale de l’homme politique attaché aux souffrances et au sort de son peuple. La nation s’est reconnue en lui, alors qu’on a voulu en vain réduire sa stature à celle du leader charismatique d’une seule région du pays. L’aveu tardif et opportuniste de certains, à des fins démagogiques, confirme à quel point l’expérience nationale et sociale des uns et des autres, a amené les gens de courants et d’obédiences multiples à un constat commun.
Les orientations défendues par Ait Ahmed depuis sa jeunesse se résument à la fidélité à la soif de liberté, de paix, de vérité et de justice sociale de ses compatriotes.
La peine et l’émotion des Algériens n’ont eu d’égale que leur indignation envers le gâchis immense occasionné depuis l’indépendance à la communauté nationale par l’ostracisme des pouvoirs en place à l’encontre des orientations de sauvegarde nationale que Ait Ahmed préconisait. C’est pourquoi de larges milieux patriotiques ont exprimé le sentiment d’une grande perte.
Or, sa disparition physique, inscrite dans un destin biologique inexorable, ne serait une perte irréparable pour la nation et la société, que si le message et l’exemple de ce grand militant devaient rester sans relais ni lendemains à un moment crucial de notre Histoire.
Le décès de Da L’Hocine intervient dans un contexte algérien et international des plus graves. Jamais les coups déjà portés contre l’existence et l’intégrité des peuples et des Etats-nations du pourtour méditerranéen et de l’Afrique n’ont été aussi grands. Loin de décourager et d’affaiblir la portée du combat que Ait Ahmed a mené, ce
contexte donne l’occasion d’un bilan historique collectif et mobilisateur. Il rend plus sensible le besoin des qualités humaines et politiques que le dirigeant défunt a déployées successivement dans le PPA, le FLN puis le FFS. Les hommages populaires, l’estime des élites et des cadres sérieux et soucieux des intérêts de la nation et de la société, donneront ainsi plus de force aux enseignements de son combat politique. Ici, je ne décrirai pas les faits dans leur déroulement, ils sont de plus en plus connus. J’attirerai plutôt l’attention sur une thématique dont l’impact a eu à plusieurs reprises une grande importance et reste aujourd’hui d’une actualité brûlante, quant au choix des voies et moyens pour la solution des problèmes vitaux posés au pays.
Comment pour Ait Ahmed se sont présentées les relations entre les formes armées ou pacifiques du combat politique ? Pour lui, avant comme après l’indépendance, il s’agit d’interactions constantes, avec un impact positif ou négatif selon la façon appropriée ou non dont les acteurs sur le terrain conduisent les imbrications ou les successions de ces formes de lutte.
D’autres, involontairement ou consciemment (à des fins particulières), ne distinguent pas ce que ces phases ou formes de lutte ont à la fois de commun et de particulier. Ils n’arrivent pas à comprendre une chose basique : ce n’est pas un hasard si Ait Ahmed, à deux étapes de notre Histoire, a su mener ses luttes de deux façons qui à tort leur paraissent contradictoires. D’un côté il fut l’ardent révolutionnaire qui avec d’autres a inspiré en 1947 la création de l’OS, instrument préparatoire du futur combat armé. En même temps, il fut celui qui, pendant la tragédie nationale des années 90, appela à emprunter la voie pacifique et démocratique pour dépasser et mettre fin à la monstrueuse dérive antinationale.
Ce qu’il faut comprendre de ces deux orientations en apparence diamétralement opposées, c’est qu’elles ont en commun le souci de mobiliser pour la sauvegarde nationale, en s’appuyant sur l’effort de conscience et d’analyse politique, sur un esprit constructif de rassemblement, une volonté de comprendre le vécu et les aspirations de la base populaire.
Des hommes politiques comme Ait Ahmed, Abbane, Benmehidi, Mehri et tant d’autres l’ont bien compris. Est-ce que vont le comprendre (on peut en douter) les autorités qui, en proclamant les huit jours de deuil, ont mis unilatéralement en relief l’hommage mérité que la patrie doit aux pionniers et combattants de la guerre d’indépendance, tout en laissant dans l’ombre l’opposition pacifique au régime antidémocratique instauré après l’indépendance et les orientations constructives préconisée par les courants et forces démocratiques et de progrès ?
En fait, aux yeux de la plupart, le temps continue à démêler le vrai du faux. Face aux prises de conscience qui continuent, aucune piètre manœuvre ou dérobade bureaucratique ne pourra remplacer l’exigence d’un bilan critique sur les graves atteintes portées depuis l’indépendance aux évolutions pacifiques dont l’Algérie a profondément besoin.
Aucune larme de crocodile de ceux qui n’ont cessé de calomnier directement ou sournoisement l’engagement rassembleur du regretté Ait Ahmed, ne parviendra à faire oublier le caractère démocratique de son action d’opposant après l’indépendance.
Aucune manœuvre politicienne ne pourra occulter le fait que pour lui, il s‘agit d’un refus global et de principe du régime et non d’une opposition manœuvrière à l’une ou l’autre des composantes des pouvoirs en place.
Il n’est pas possible de dissocier le contenu des deux périodes d’avant et après l’indépendance.
Il n’est pas possible de vider la guerre de libération, « ath-thaoura -l- djazairiya », de sa vocation populaire, démocratique, sociale et anti-impérialiste, qui lui était assignée par les appels du 1er novembre 54, la Charte de la Soummam et le programme de Tripoli.
L’attachement de Ait Ahmed à l’option pacifique et démocratique, était-il fondamental, exprimant sa forte conviction, ou était-il seulement tacticien et à géométrie variable pour des opportunités de pouvoir ? Il est possible de vérifier concrètement la nature et la continuité de cet attachement à l’occasion des moments cruciaux qui mettent à l’épreuve chaque acteur politique.
Commentaire