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Pétrole : l'abondance menacée par la chute des investissements

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  • Pétrole : l'abondance menacée par la chute des investissements

    par Jean-Denis Renard
    Spécialiste du pétrole, Matthieu Auzanneau indique qu'un prix durablement très bas du baril ne manquera pas d'avoir des conséquences.


    pécialiste du pétrole, Matthieu Auzanneau tient un blog sur le sujet, intitulé "Oil Man". Il est en outre l'auteur d'un livre indispensable, publié l'an dernier aux éditions La Découverte, "Or noir, la grande histoire du pétrole". Il analyse les conséquences des prix déprimés du baril.

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    Sud Ouest. Peut-on attribuer la chute des cours du baril à la volonté de l'Arabie Saoudite de casser les reins du pétrole de schiste aux Etats-Unis ?

    Matthieu Auzanneau. L'Arabie Saoudite a effectivement fait le choix d'entrer dans une guerre des prix contre les nouveaux acteurs du pétrole non conventionnel (1). Pour ceux-ci, le seuil de rentabilité tourne autour de 80 dollars le baril. Cette stratégie est en train de payer, d'autant qu'elle est relayée au sein de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) où l'Arabie Saoudite conserve la plus forte influence. Aux Etats-Unis, le boom du pétrole de schiste est ainsi stoppé. La production américaine a reflué d'environ 500 000 barils par jour en l'espace de six mois. Et encore, elle était jusqu'alors entretenue par des contrats qui arrivent maintenant à terme.

    Sur le même sujet : Les carburants au plus bas malgré les taxes
    Est-ce la seule explication ?


    Non. La chute des prix du pétrole est corrélée à la baisse des prix de l'ensemble des matières premières. Qui fait elle-même écho au ralentissement très net de la croissance en Chine. Notons aussi que le décrochage correspond à la fin de la politique d' « assouplissement quantitatif » aux Etats-Unis (NDLR : le rachat massif de dettes par la Banque centrale) qui a provoqué la remontée du cours du dollar. Le pétrole étant facturé en dollars, cette tendance a pesé dans un premier temps sur la capacité des pays importateurs à acheter du pétrole.




    Ce mois-ci, le Congrès américain a officiellement levé l'interdiction d'exporter du pétrole qui était en vigueur depuis 1975. Comment faut-il l'interpréter ?

    Comme un cadeau fait à l'industrie pétrolière américaine pour qu'elle limite un peu la casse. C'est une erreur de considérer que l'autorisation d'exporter procède de l'indépendance énergétique des Etats-Unis. Les nouvelles ressources non conventionnelles ont permis au pays de passer de 40% de couverture de la consommation domestique à 65% environ. Malgré le boom du pétrole de schiste, les Américains ne sont pas parvenus à égaler le niveau qu'avait atteint leur production en 1970. Il s'en est fallu d'un cheveu mais cette incapacité est très significative. Les conditions de production du pétrole aux Etats-Unis n'ont rien à voir avec celles qui prévalaient il y a cinquante ans. Pour produire la même quantité, il faut aujourd'hui fournir des efforts industriels et financiers colossaux.

    On parle d'un pétrole à bas prix pendant très longtemps. Qu'en pensez-vous ?

    Il faut se souvenir des propos de Gérard Mestrallet (NDLR : le patron d'Engie) qui disait au début des années 2000 qu'on ne le reprendrait plus à faire des prévisions sur le cours du baril… C'est un exercice très difficile du fait de la multiplicité des acteurs, du côté de l'offre comme de la demande. Un relatif consensus s'est installé sur le fait que le prix du baril resterait durablement déprimé sans reprise de la croissance mondiale.

    Avec quelles conséquences sur la production ?

    Il faut comprendre que de nombreuses zones pétrolières sont entrées dans une phase de déclin naturel pour des questions simplement physiques : la ressource s'épuise. Pour maintenir la production à son niveau actuel dans ces zones, il faut investir massivement. On parle là de la mer du Nord, de l'Algérie comme du Brésil. Si on stoppait ces investissements, la production mondiale chuterait de l'équivalent d'une mer du Nord tous les ans. Or la situation des acteurs économiques est très problématique. Depuis un an, on réduit les investissements, on stoppe les projets, on licencie des ouvriers comme des ingénieurs. Dans les grandes firmes pétrolières comme chez les sous-traitants.

    Les effets vont-ils être rapides ?

    Sur les champs de pétrole matures, qui nécessitent des investissements permanents, la réponse est oui. Les conséquences les plus spectaculaires sont visibles sur les pétroles de schiste dont les puits s'épuisent en quelques mois. Sans investissements nouveaux, tout s'arrête. La donne est un peu différente sur les projets stoppés qui seront décalés dans le temps. Le développement des pétroles de schiste en Argentine ou en Chine est mort pour les dix ans à venir, par exemple. Les firmes n'engageront pas non plus de forages en Arctique, qui sont beaucoup trop onéreux.

    Et comment va évoluer la demande ?

    C'est très incertain. La hausse du niveau de vie de fractions très larges de la population en Inde comme en Chine se répercute mécaniquement sur la demande en pétrole. Le marché chinois des véhicules neufs représente 24 millions d'unités par an, c'est une transition énergétique du vélo à la voiture ! En consommation de pétrole, ce mouvement représente une petite mer du Nord supplémentaire tous les ans. Même en l'absence de reprise mondiale, l'industrie pétrolière doit être capable de répondre à cette réalité si l'on veut éviter des soubresauts du marché.

    (1) Le pétrole qui n'est pas extrait suivant les techniques habituellement utilisées par l'industrie. Ce qui englobe les pétroles de schiste comme les sables bitumineux.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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