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L’acier aux avant-postes de la crise chinoise

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  • L’acier aux avant-postes de la crise chinoise

    8 JANVIER 2016 | PAR MARTINE ORANGE
    Mediapart

    Une déferlante ! Un déluge ! Les sidérurgistes ont beau avoir l’habitude des cycles et des crises détonantes sur le marché de l’acier, ils semblent tétanisés par ce qui se dessine. À les entendre, une vague d’acier chinois, ne trouvant plus de débouchés sur le marché intérieur, menace de se déverser sur le marché mondial et de tout engloutir sur son passage. Et les analystes et les observateurs financiers les écoutent avec attention. Le marché de l’acier, un des plus mondialisés, est souvent un indicateur avancé de l’économie mondiale. En 1974, la crise de la sidérurgie européenne annonçait la grande rupture économique provoquée par le choc pétrolier. En 2003-2004, l’explosion des cours de l’acier et des matières premières avait donné les premiers signaux du boom chinois à venir. Ce qui se passe actuellement dans la sidérurgie, se demandent-ils, n’est-ce pas les prémisses d’une vague mondiale déflationniste, nourrie par les surproductions chinoises, comme l’annoncent certains économistes ?

    Depuis plusieurs mois, les sidérurgistes voient les arrivages d’acier, de tôles, d’inox en provenance de Chine grossir à vue d’œil. L’an dernier, les exportations chinoises d’acier ont dépassé les 100 millions de tonnes. Au cours des derniers mois, le rythme s’est encore accéléré : la Chine exporte désormais plus de 12 millions de tonnes d’acier par mois. Les produits chinois, il est vrai, sont à des prix défiant toute concurrence. En moins d’un an, ils ont été divisés par deux. Le prix du coil à chaud (bobine d’acier de première transformation servant de référence pour le prix de l’acier) d’acier chinois est autour de 260 dollars la tonne, contre 380 dollars pour l’acier fabriqué en Europe, 425 dollars pour l’acier américain. Il était à plus de 1 120 dollars la tonne avant la crise financière !

    Les conséquences de ces exportations massives à bas coût se font déjà lourdement sentir. Les fermetures d’usines, faillites et plans de restructuration dans la sidérurgie se succèdent partout dans le monde. En octobre, le britannique Caparo a été placé en redressement judiciaire, menaçant 1 700 postes. L’indien Tata Steel, qui a racheté il y a quelques années le sidérurgiste britannique Corus, a décidé l’arrêt de production de plaques sur ses sites, et la suppression de 1 200 postes. Il a aussi annoncé fin décembre être en discussion avec un fonds d’investissement Greybull Capital pour lui céder toute son activité de produits longs en Europe, dont l’usine d’Hayange (Moselle), qui fabrique des rails pour la SNCF. Mais la situation est tout aussi grave aux États-Unis, au Japon, en Corée ou en Inde.

    Fin décembre, le gouvernement indien a décidé d’imposer des prix minimaux pour les importations d’acier afin de protéger ses sidérurgistes. « Après avoir tant investi dans les usines locales, les gens sont obligés de vendre en dessous de leur coût de revient », s’est justifié un responsable indien chargé du secteur. De son côté, le gouvernement américain a ressorti son vieil arsenal protectionniste, utilisé depuis plus de quarante ans pour protéger sa sidérurgie. Fin décembre aussi, il a décidé d’imposer des droits de douane pouvant aller jusqu’à 256 % sur les importations de certains produits sidérurgiques chinois, pour contrer ce qu’il estime être du « dumping ».
    Les sidérurgistes européens pressent l’Europe d’adopter les mêmes mesures. En mai, Bruxelles a ouvert une enquête antidumping sur certaines importations sidérurgiques en provenance de Chine et de Russie, laquelle brade aussi son acier. Mais depuis, même si les ministres européens de l’industrie disent avoir pris note de la gravité de la situation, rien n’a bougé.

    « L’Europe doit décréter un prix plancher de l’acier. Toute la filière est touchée : produits à chaud, produits finis, etc. Les Allemands, l’Union des patrons européens, ont déjà déposé des plaintes pour concurrence déloyale. Le problème, c’est que les plaintes doivent concerner chaque produit. Or, on n’a pas le temps d’attendre 18 mois d’enquête pour agir. D’où ma préconisation de prix plancher immédiat ou blocage du produit incriminé d’entrée. (…) Si l’Europe ne réagit pas, je les accuserai de ne pas venir au secours d’un secteur en danger. Ils deviendraient complices », a averti l’ancien syndicaliste (CFDT) Édouard Martin dans un entretien au Républicain lorrain, en décembre.

    Tout cela ne pourrait être que les signes avant-coureurs d’une crise plus profonde, préviennent les acteurs du secteur. Les derniers messages envoyés par la Chine depuis le début de l’année risquent de raviver leurs appréhensions. Plus que les crashs boursiers à répétition – pour la deuxième fois dans la semaine, les autorités boursières ont dû interrompre le 7 janvier les échanges sur la bourse de Shanghai après 29 minutes pour endiguer une chute qui avait déjà dépassé les 7 % –, leur attention est d’abord focalisée sur le marché des changes.

    La banque centrale chinoise a abaissé jeudi le yuan de 0,5 % par rapport au dollar, soit la plus forte baisse depuis l’abandon de la parité fixe par rapport à la monnaie américaine en août. Cette baisse fait suite à une succession d’ajustements du yuan intervenus depuis que le FMI a annoncé, en novembre, l’entrée du yuan comme monnaie de réserve, courant 2016. Depuis août, le yuan a perdu 7 % par rapport au dollar. En décembre, la banque centrale de Chine a annoncé qu’elle poursuivrait sa politique d’ajustement monétaire, non seulement par rapport au dollar mais aussi un panier d’autres monnaies, estimant que le yuan est surévalué de 10 % à 15 %.

    « Ce qui est réellement préoccupant est que la situation économique en Chine est peut-être beaucoup plus grave que supposé et indiqué dans les chiffres officiels. La banque de Chine et d’autres institutions financières et économiques ont une vue de l’intérieur beaucoup plus précise du fonctionnement de l’économie. S’ils procèdent à des dévaluations à un rythme si rapide, c’est peut-être parce que les choses vont bien plus mal que prévu », dit Angus Nicholson, un analyste de la firme australienne de trading IG, cité par The Guardian.

    Surcapacités

    Si l’état réel de l’économie chinoise suscite encore de nombreuses interrogations, il n’y a plus de doute, en revanche, sur la situation des sidérurgistes chinois : ils sont entrés dans une crise structurelle. Surinvestissement, surproduction, surcapacités, surendettement : les aciéristes chinois paient aujourd’hui la marge arrière de l’expansion menée à un train d’enfer du pays.

    La croissance économique au cours des vingt dernières années a d’abord été portée par des projets d’équipements et de modernisation sans précédent dans le pays. La demande en acier, ciment, béton a explosé partout. Pour y répondre, les sidérurgistes, profitant d’un crédit bon marché et de débouchés assurés, ont multiplié les usines, les centres de fabrication, sans se poser trop de questions et surtout sans fermer les unités de production vieillissantes. En 2000, la Chine produisait 127 millions de tonnes d’acier brut. Sa production ne représentait que 15 % du marché mondial. En 2014, elle en a produit plus de 822 millions de tonnes, soit plus de la moitié de la production mondiale, d’après les chiffres de la World Steel Association. En dix ans, sa production a été multipliée par 1,5 fois. Depuis la crise financière, elle a augmenté de 60 %.

    Mais aujourd’hui, il n’y a plus de grands projets d’équipements et de transport. La bulle immobilière a explosé, laissant derrière elle des dizaines de cités fantômes dans le pays. Les besoins en acier ont fondu à vue d’œil. Mais les usines, elles, demeurent. Selon les estimations, les surcapacités de production d’acier se chiffrent entre 250 et 350 millions de tonnes, soit entre le quart et le tiers de la capacité installée. L’an dernier, l’équivalent de 50 millions de tonnes ont été supprimées, d’après HSBC. Les analystes de la banque estiment qu’il faudrait au minimum en fermer entre 120 et 160 millions de tonnes cette année pour stabiliser un peu le marché.

    Mais fermer des usines, même vieillissantes et non compétitives, semble presque impossible en Chine. Les autorités locales, qui ont soutenu et multiplié les projets sidérurgiques du temps de la folle croissance, ne veulent pas en entendre parler, pour conserver des emplois et des rentrées fiscales. De leur côté, les banques maintiennent à bout de bras certaines sociétés, afin de ne pas avoir à inscrire de mauvaises créances dans leur bilan. Officiellement, le taux des créances non recouvrables s’élève à 1,5 % dans les bilans bancaires. Des analystes bancaires les estiment plutôt entre 15 % et 20 %.

    Pour survivre, les sidérurgistes se livrent à une guerre des prix sans merci. Même si les prix des matières premières (minerai de fer, charbon) ont beaucoup baissé, cela ne suffit pas à couvrir leur coût de production. Tous ou presque vendent à perte en Chine et sur les marchés étrangers. Aidés par le gouvernement chinois qui soutient leurs exportations, favorisés par la chute des prix du pétrole et des transports maritimes qui contribuent à diminuer les coûts de livraison, ils inondent les marchés. Leur préoccupation est d’abord d’écouler leur production, de conserver leurs parts de marché plus que le prix de revient.

    Alors, les pertes s’accumulent. Au cours des dix premiers mois de 2015, les 101 premières sociétés sidérurgiques ont additionné une perte cumulée de 72 milliards de yuans (environ 11,5 milliards d’euros), d’après les calculs de la banque Macquarie. Surendettées, beaucoup d’entre elles n’arrivent plus à payer leur remboursement de crédit. Elles n’arrivent plus, non plus, à se refinancer sur les marchés. Des entreprises ont dû renoncer à leur émission obligataire, les investisseurs chinois et étrangers fuyant désormais tout ce qui touche de près ou de loin au charbon, à l’acier et au ciment. Le nombre de faillites grandit, mais sans pour autant résoudre les problèmes structurels du secteur.

    Pendant combien de temps les sidérurgistes chinois vont-ils pouvoir encore s’abstraire des règles élémentaires de l’offre et de la demande, des coûts de revient ? Aucun connaisseur du secteur n’ose s’avancer. Car la réponse dépend pour l’essentiel du gouvernement chinois, de ses arbitrages entre l’emploi et les adaptations économiques, de la capacité et du rythme auquel il entend mener la transition économique qu’il souhaite conduire, de la situation intérieure et de la paix sociale. En attendant, la sauvegarde de la sidérurgie chinoise risque de se faire au détriment de tous les autres. En Europe, le secteur emploie près de quatre millions de personnes.

    Dernière modification par jawzia, 10 janvier 2016, 17h34.

  • #2
    Ca risque d'etre une catastrophe d'une échelle mondiale surtout si les choinois sont tentés de vendre à perte.

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