Henri GENEVOIS
In Actes du deuxième congrès international d’étude des cultures de la méditerranée occidentale. II. Sned, Alger, 1978, pp. 393-401.
Abstract. A rain-ritual: “The Bride of Anzar”. This is a document collected among the At-Ziki in the upper Sebaou River valley in Algeria. The unedited Berber text is accompanied by a French translation.
The first part is the legend that gives the origin of the rain-ritual. According to this legend, the Rain Lord, Anzar, came to wed a maiden of wondrous beauty. Then, because of their union, “the river flowed once more and greenery covered the earth.”
The second part describes the ritual celebrated during a drought:
making ready the “bride”;
procession accompanying the “bride” to the doors of the sanctuary; women standing on the threshold throw water on the “bride”, offer food and join the group;
a communion-meal near the sanctuary;
the “bride”, laid bare, circumambulates the sanctuary (7 times) while she entreats Anzar; the women sing;
the young girls sing and play with a ball – the latter is supposed to fall into a hole prepared for it.
Document inédit recueilli en Kabylie (vallée du Haut-Sebaou, tribu des At-Ziki)
Transcription du texte kabyle adaptée et revue par Fatiha Lasri.
English translation by Dalila Fridi (***********)
1. La légende explicative du rite
« II était jadis un personnage du nom d’Anzar. C’était le Maître de la pluie. Il désirait épouser une jeune fille d’une merveilleuse beauté : la lune brille dans le ciel, ainsi elle brillait elle-même sur la terre. Son visage était resplendissant, son vêtement était de soie chatoyante.
Zik illa yiwen qqarn as Anzâr. D netta d Agellid n ugeffur. Yebgha ad yagh yiwet tteqcict : aggur deg genni, nettat di lqaàa. Udm is yettak ticci ; talaba is d lêhrir amseààel.
Elle avait l’habitude de se baigner dans une rivière aux reflets d’argent. Quand le Maître de la pluie descendait sur terre et s’approchait d’elle, elle prenait peur, et lui se retirait.
Taqcict agi g mi ara d tekker teccuccuf deg yiwen wasif, aman is d imzârfen. Akkn ara d isûbb Ugellid nni ugeffur ar elqaàa gher teqcict nni, nettat tettagad, dgha ad yughal.
Un jour, il finit par lui dire :
Almi d yiwen wass yenna yas:
Tel l’éclair j’ai fendu l’immensité du ciel,
ô Toi, Étoile plus brillante que les autres,
donne-moi donc le trésor qui est tien
sinon je te priverai de cette eau.
Aql i gezmegh d igenwan,
a yiwen n itran ;
fk iyi akejjud im fkan,
ngh am kksegh aman.
La jeune fille lui répondit :
Terra yas teqcict :
Je t’en supplie, Maître des eaux,
au front couronné de corail.
(Je le sais) nous sommes faits l’un pour l’autre…
mais je redoute le « qu’en dira-t-on »…
Txil k, ay Agellid n waman,
a bu teàsâbt n lmerjan,
nekk i ketc iwmi yid fkan,
meàna ugadegh i imennan.
À ces mots, le Maître de l’eau tourna brusquement la bague qu’il portait au doigt : la rivière soudain tarit et il disparut. La jeune fille poussa un cri et fondit en larmes. Alors elle se dépouilla de sa robe de soie et resta toute nue. Et elle criait vers le ciel :
Dgha yekker fellas Ugellid nni n waman, yebrem taxatemt tetturegh. Dgha yeqqel wasif nni d agherghar ; Agellid ighab. Taqcict tughwas, rrûh is d aman : tetru, tetru. Temmegh tekkes talaba nni n lêhrir, teqqim ttaàarit. Tessawal ar igenni :
Ô Anzar, ô Anzar !
Ô Toi, floraison des prairies !
Laisse à nouveau couler la rivière,
et viens prendre ta revanche.
Ay Anzâr, ay Anzâr,
ay ajejjig uzaghar ;
asif rr as làinsêr,
rûh ad d rrêd ttâr.
À l’instant même elle vit le Maître de l’eau sous l’aspect d’un éclair immense. Il serra contre lui la jeune fille : la rivière se remit à couler et toute la terre se couvrit de verdure.
Dgha cwît kan akka twala ifettîwej d ameqqran, yeqql Ugellid nni n lehwa. Iger taqcict nni g iri is. Asif nni yeqqel akken yella ; tzegzew ak tmurt.
2. Le rite lui-même
Anzar ! Anzar !
Ô Roi, fais cesser la sécheresse,
et que le blé mûrisse sur la montagne
comme aussi dans la plaine...
Anzâr ! Anzâr !
ay Agellid, rêz d aghurar,
A ttebb nneàma n wedrar,
A tternu tin uzaghar…
Ô Anzar, la louche est sèche,
toute verdure a disparu.
Le vieillard est voûté par les ans,
la tombe l’appelle à elle.
Mon ventre est stérile
et ne connaît pas de progéniture.
Ta fiancée t’implore,
ô Anzar, car elle te désire.
Ay Anzâr, aghenja yekkaw,
ighab uzegzaw.
Amghar yekna,
Isawl as d uzêkka.
Taàbbût tuqqur aya,
ulac dakira.
Tislit ghur k teàna,
ay Anzâr, imi k tebgha.
Anzar ! Anzar !
Ô Roi, fais cesser la sécheresse,
et que le blé mûrisse sur la montagne
comme aussi dans la plaine…
Anzâr ! Anzâr !
ay Agellid, rêz d aghurar,
A ttebb nneàma n wedrar,
A tternu tin uzaghar…
In Actes du deuxième congrès international d’étude des cultures de la méditerranée occidentale. II. Sned, Alger, 1978, pp. 393-401.
Abstract. A rain-ritual: “The Bride of Anzar”. This is a document collected among the At-Ziki in the upper Sebaou River valley in Algeria. The unedited Berber text is accompanied by a French translation.
The first part is the legend that gives the origin of the rain-ritual. According to this legend, the Rain Lord, Anzar, came to wed a maiden of wondrous beauty. Then, because of their union, “the river flowed once more and greenery covered the earth.”
The second part describes the ritual celebrated during a drought:
making ready the “bride”;
procession accompanying the “bride” to the doors of the sanctuary; women standing on the threshold throw water on the “bride”, offer food and join the group;
a communion-meal near the sanctuary;
the “bride”, laid bare, circumambulates the sanctuary (7 times) while she entreats Anzar; the women sing;
the young girls sing and play with a ball – the latter is supposed to fall into a hole prepared for it.
Document inédit recueilli en Kabylie (vallée du Haut-Sebaou, tribu des At-Ziki)
Transcription du texte kabyle adaptée et revue par Fatiha Lasri.
English translation by Dalila Fridi (***********)
1. La légende explicative du rite
« II était jadis un personnage du nom d’Anzar. C’était le Maître de la pluie. Il désirait épouser une jeune fille d’une merveilleuse beauté : la lune brille dans le ciel, ainsi elle brillait elle-même sur la terre. Son visage était resplendissant, son vêtement était de soie chatoyante.
Zik illa yiwen qqarn as Anzâr. D netta d Agellid n ugeffur. Yebgha ad yagh yiwet tteqcict : aggur deg genni, nettat di lqaàa. Udm is yettak ticci ; talaba is d lêhrir amseààel.
Elle avait l’habitude de se baigner dans une rivière aux reflets d’argent. Quand le Maître de la pluie descendait sur terre et s’approchait d’elle, elle prenait peur, et lui se retirait.
Taqcict agi g mi ara d tekker teccuccuf deg yiwen wasif, aman is d imzârfen. Akkn ara d isûbb Ugellid nni ugeffur ar elqaàa gher teqcict nni, nettat tettagad, dgha ad yughal.
Un jour, il finit par lui dire :
Almi d yiwen wass yenna yas:
Tel l’éclair j’ai fendu l’immensité du ciel,
ô Toi, Étoile plus brillante que les autres,
donne-moi donc le trésor qui est tien
sinon je te priverai de cette eau.
Aql i gezmegh d igenwan,
a yiwen n itran ;
fk iyi akejjud im fkan,
ngh am kksegh aman.
La jeune fille lui répondit :
Terra yas teqcict :
Je t’en supplie, Maître des eaux,
au front couronné de corail.
(Je le sais) nous sommes faits l’un pour l’autre…
mais je redoute le « qu’en dira-t-on »…
Txil k, ay Agellid n waman,
a bu teàsâbt n lmerjan,
nekk i ketc iwmi yid fkan,
meàna ugadegh i imennan.
À ces mots, le Maître de l’eau tourna brusquement la bague qu’il portait au doigt : la rivière soudain tarit et il disparut. La jeune fille poussa un cri et fondit en larmes. Alors elle se dépouilla de sa robe de soie et resta toute nue. Et elle criait vers le ciel :
Dgha yekker fellas Ugellid nni n waman, yebrem taxatemt tetturegh. Dgha yeqqel wasif nni d agherghar ; Agellid ighab. Taqcict tughwas, rrûh is d aman : tetru, tetru. Temmegh tekkes talaba nni n lêhrir, teqqim ttaàarit. Tessawal ar igenni :
Ô Anzar, ô Anzar !
Ô Toi, floraison des prairies !
Laisse à nouveau couler la rivière,
et viens prendre ta revanche.
Ay Anzâr, ay Anzâr,
ay ajejjig uzaghar ;
asif rr as làinsêr,
rûh ad d rrêd ttâr.
À l’instant même elle vit le Maître de l’eau sous l’aspect d’un éclair immense. Il serra contre lui la jeune fille : la rivière se remit à couler et toute la terre se couvrit de verdure.
Dgha cwît kan akka twala ifettîwej d ameqqran, yeqql Ugellid nni n lehwa. Iger taqcict nni g iri is. Asif nni yeqqel akken yella ; tzegzew ak tmurt.
Voilà l’origine de cette coutume : en cas de sécheresse on célèbre sans tarder Anzar. Et la jeune fille choisie pour la circonstance doit s’offrir nue. »
Dgha teqqim d akken ttisirit. Ticki yemmegh ugherghar ad nebder mebla leàdil Anzâr. D aymi tettekkes teqcict àaryan.
Dgha teqqim d akken ttisirit. Ticki yemmegh ugherghar ad nebder mebla leàdil Anzâr. D aymi tettekkes teqcict àaryan.
2. Le rite lui-même
« À l’époque où se durcit la terre, et que se présente ce que l’on nomme ‘sécher*esse’, les vieilles se réunissent pour fixer le jour où elles célébreront Anzar.
Mi ara tnezruref tmurt, d aymi neqqar « aghurar », ad nejmaàent tlawin timeqqranin, ad meslayent f teswiàt g ara weqment Anzâr.
Au jour dit, toutes (les femmes), jeunes et vieilles, sortent, accompagnées des jeunes garçons, et elles chantent :
Ata yebbdêd lweqt nni, ad ffghent tlawin g tmeqqrant alamma ttamêzyant ; ad rnun igerdan, ad tteddun tghennin :
Mi ara tnezruref tmurt, d aymi neqqar « aghurar », ad nejmaàent tlawin timeqqranin, ad meslayent f teswiàt g ara weqment Anzâr.
Au jour dit, toutes (les femmes), jeunes et vieilles, sortent, accompagnées des jeunes garçons, et elles chantent :
Ata yebbdêd lweqt nni, ad ffghent tlawin g tmeqqrant alamma ttamêzyant ; ad rnun igerdan, ad tteddun tghennin :
Ô Roi, fais cesser la sécheresse,
et que le blé mûrisse sur la montagne
comme aussi dans la plaine...
Anzâr ! Anzâr !
ay Agellid, rêz d aghurar,
A ttebb nneàma n wedrar,
A tternu tin uzaghar…
Autrefois on escortait processionnellement une jeune fille pubère et de plus gracieuse. On lui mettait le henné et on la parait des plus beaux bijoux : bref, on en faisait une ‘fiancée’.
Zik ssêhwasent taqcict tilemzît yerna tezyen : ttin yebbwdên tizi n zzwaj. As qqnent lhênni, ssdaq n lfettâ, ad as xedment akw ayen xeddmen i teslit.
Zik ssêhwasent taqcict tilemzît yerna tezyen : ttin yebbwdên tizi n zzwaj. As qqnent lhênni, ssdaq n lfettâ, ad as xedment akw ayen xeddmen i teslit.
La matrone du village, femme aimée de tous et de conduite irréprochable, devait procéder elle-même à la toilette de ‘la fiancée d’Anzar’. Ce faisant, elle ne devait pas pleurer, sinon on aurait pu penser qu’elle ne donnait pas de bon cœur à Anzar sa fiancée. Elle remet à la jeune fille une cuiller à pot (aghenja) sans aucun ornement qu’elle tiendra à la main. Puis la matrone charge ‘la fiancée d’Anzar’ sur son dos.
Tamettût ara as icebbhên i teslit n wenzâr d lqibla n taddart : Tamettût hemmlen tt akw medden, tin zeddigen g fàayl is. Ur ilaq ara a ttettru, zeàma ur s tefki ara tislit nni seg ul yesfan i wenzâr. As tefk i teqcict nni aghenja d aàari a tettêf deg fus is. Lqibla a ttebbib tislit n wenzâr.
Celle-ci, la louche en main, ne cesse de redire :
Neftat, aghenja deg-fus-is, atteqqar :
Tamettût ara as icebbhên i teslit n wenzâr d lqibla n taddart : Tamettût hemmlen tt akw medden, tin zeddigen g fàayl is. Ur ilaq ara a ttettru, zeàma ur s tefki ara tislit nni seg ul yesfan i wenzâr. As tefk i teqcict nni aghenja d aàari a tettêf deg fus is. Lqibla a ttebbib tislit n wenzâr.
Celle-ci, la louche en main, ne cesse de redire :
Neftat, aghenja deg-fus-is, atteqqar :
toute verdure a disparu.
Le vieillard est voûté par les ans,
la tombe l’appelle à elle.
Mon ventre est stérile
et ne connaît pas de progéniture.
Ta fiancée t’implore,
ô Anzar, car elle te désire.
Ay Anzâr, aghenja yekkaw,
ighab uzegzaw.
Amghar yekna,
Isawl as d uzêkka.
Taàbbût tuqqur aya,
ulac dakira.
Tislit ghur k teàna,
ay Anzâr, imi k tebgha.
Un immense cortège les accompagne composé des gens accourus du village qui les suivent par derrière. À chaque seuil devant lequel passe le cortège, de nouveaux membres se joignent à lui et chantent eux aussi :
A tent tettâfar deffir tecdîbt i d yesran tjeggajêt ; yeàni akw lghaci nni i d yeddan deffir. Kra n timi n wexxam f ara d àeddi tjeggajt nni yerna adernun ghurs, ad tteddun qqaren :
A tent tettâfar deffir tecdîbt i d yesran tjeggajêt ; yeàni akw lghaci nni i d yeddan deffir. Kra n timi n wexxam f ara d àeddi tjeggajt nni yerna adernun ghurs, ad tteddun qqaren :
Ô Roi, fais cesser la sécheresse,
et que le blé mûrisse sur la montagne
comme aussi dans la plaine…
Anzâr ! Anzâr !
ay Agellid, rêz d aghurar,
A ttebb nneàma n wedrar,
A tternu tin uzaghar…
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