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Soldes : comment le capitalisme s'inspire de nos peurs pour nous faire consommer plus

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  • Soldes : comment le capitalisme s'inspire de nos peurs pour nous faire consommer plus

    LE PLUS. Les soldes d'hiver 2016 ont été lancées le 6 janvier dernier. Comme chaque année, des milliers de Français se ruent sur les bonnes occasions, mais qu'est-ce qui les poussent à acheter ? Les magasins sont-ils les seuls responsables de cette fièvre de l'achat ? Explications de Thierry Brugvin, docteur en sociologie politique et psychosociologue.

    La courbe de la consommation est à son sommet durant cette période de l’année. Les rituels des fêtes de Noël et du Nouvel An viennent tout juste de se terminer, mais la période des soldes relance déjà la fièvre des achats.

    L’industrie marketing ne s’appuie pas seulement sur des périodes bien ritualisées ou un renouveau technologique pour accroître les profits. Elle cherche aussi à développer l’addiction des consommateurs en leur créant de nouveaux besoins et en s’appuyant sur la psychologie et sur nos besoins subconscients.

    Le besoin de consommer pour être aimé

    Le besoin de consommer et de posséder compense la peur de ne pas être reconnu et d’être faible. Le marketing capitaliste vise à inciter à la consommation infinie et repose sur plusieurs besoins et peurs de nature psychologique.

    Le sociologue Thorstein Veblen qualifie de "consommation ostentatoire", c'est-à-dire l’acte de consommer pour se sentir exister par le regard des autres, qu’on imagine envieux et admiratif.

    Le philosophe Christopher Lash explique que la société capitaliste engendre une "personnalité culturelle" narcissique et prédatrice. En effet, le besoin de consommer pour paraître, vise à compenser des carences identitaires. Le besoin de reconnaissance sociale repose sur un manque d’estime de soi, donc un besoin d’être aimé pour sa force, qui repose sur la peur d’être faible et de ne pas être aimé suffisamment.

    Plus les individus se sentent mal aimés, insuffisamment reconnus, ou plus ils ressentent un vide existentiel, un profond manque de sens dans leur vie, plus ils cherchent des béquilles pour répondre à leurs carences affectives et identitaires.

    Le besoin de possession et d’accumulation est quasiment illimité chez certains milliardaires, qui accumulent plus qu’ils ne pourront jamais consommer ou dépenser. Car, le ressort profond de leurs besoins réside sur un besoin de puissance. Le niveau de leur consommation devient un indicateur de réussite.

    Se sécuriser face à la peur de manquer

    L’autre aspect du besoin névrotique de possession consiste à se sécuriser, face à la peur de manquer au plan affectif et matériel. La sécurité matérielle relève des besoins essentiels physiologiques (de se nourrir et de se loger), mais aussi de posséder des technologies puissantes et multiples. Ces dernières visent à être en capacité de faire face à tous les besoins et problèmes éventuels, grâce à des instruments, à la technologie (automobile, ordinateur, outillage), mais aussi le besoin névrotique de connaissance.

    Ainsi, accepter sa part de fragilité est une des conditions pour se sécuriser individuellement, mais aussi collectivement. C’est pourquoi, les personnes qui subissent cette peur névrotique de l’insécurité matérielle peuvent soit consommer pour s’entourer de "biens sécurisants", soit à l’inverse ne rien dépenser, afin de conserver sans cesse leur argent et d’accumuler, pour se protéger de ce danger d’insécurité matérielle, très peu probable pour elles.

    Un besoin de compenser une carence affective

    Le besoin de consommer relève aussi d'un besoin de possession affectif et non pas seulement matériel. Le fait de consommer (de la nourriture, des vêtements, des voyages, de la culture…) s’avère nécessaire à la vie et à l’épanouissement de l’être humain. Mais à l’excès, cela manifeste le besoin de compenser une carence affective. Il s’agit à nouveau de la peur de ne pas être aimée suffisamment.

    Plus le consommateur se nourrit, plus il se donne de l’amour par ce qu’il ingurgite, plus il compense alors sa peur de ne pas être aimé. C’est un comportement analogue aux boulimiques, mais eux à un degré extrême.

    De même, le fait de posséder beaucoup de biens (de beaux vêtements, de beaux outils de beaux livres), permet de satisfaire son besoin d’être aimé en se donnant de belles choses, en mangeant de bonnes choses. Cette nourriture, ces objets permettent de se donner de l’amour à soi-même.

    Consommer contre la peur de ne pas être reconnu

    Le besoin de consommer s’alimente de la peur de manquer et de ne pas être reconnu. La première peur consiste dans celle de manquer, engendrant le besoin de posséder. Consommer permet de tenter de se donner de l’amour à soi-même ou de combler la peur de l’insécurité matériellement. Mais dans ce dernier cas, cette peur peut aboutir à accumuler non plus des biens, mais son argent et donc à l’inverse à consommer le moins possible cette fois.

    La seconde peur est celle de ne pas être reconnu, par peur de manquer d’estime de soi. Cette dernière est fondée sur la peur de ne pas être aimé pour ses compétences, sa puissance, donc la peur d’être faible. Elle génère un besoin de consommer pour être estimé aux yeux des autres et de soi-même.

    Le fait de consommer permet aussi de combattre la peur d’être faible, qui est une composante de la peur de ne pas être reconnu. Ainsi, consommer donne l’illusion rassurante de posséder les attributs du pouvoir et vise à refouler cette peur de la fragilité. Le détachement et l’acceptation vis-à-vis de ces peurs névrotiques permettent aux individus de retrouver une sécurité psychologique intérieure et finalement de se recréer de vraies valeurs, telles celles d’être heureux dans et par la sobriété.

    l'OBS
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