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Tunisie # Révolution, cinq ans après : un passé qui ne passe pas

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  • Tunisie # Révolution, cinq ans après : un passé qui ne passe pas

    Alors que la Tunisie commémore le début du Printemps arabe, le chômage, l'inflation et un non-bilan de 23 ans de dictature constituent un venin social insidieux

    Ce sera sans signes extérieurs de joie. Sans gâteau ni bougies. La célébration du cinquième anniversaire de la révolution se fera a minima. Au palais de Carthage, on saluera le symbole en présence de personnalités. Avenue Bourguiba à Tunis, entre la porte de France et la place du 14-Janvier, drapeaux et éclairages ont été installés. Les partis d'opposition ont annoncé qu'ils boycotteraient les cérémonies. Une mauvaise humeur sans conséquence. Les Tunisiens bénéficieront d'un jour férié. Pour ceux qui ont un travail…

    Une démocratie malade de son passé

    Trente-six heures avant ce cinquième anniversaire, levée d'écrou pour l'un des gendres de Ben Ali, Slim Chiboub. Cet homme d'affaires s'était enfui le 13 janvier 2011, puis s'était ravisé en 2014. Après quelque 420 jours de détention, il a été libéré. Il se tient à la disposition de la justice. Sa libération n'a guère fait de bruit. De vulgaires photos ont circulé montrant ses premiers pas à l'extérieur de la prison, puis ses premiers visiteurs. Ancien patron de l'Espérance sportive de Tunis, l'un des deux clubs qui structurent la vie footballistique, Chiboub est l'un des rares hommes-clés du système Ben Ali à avoir payé d'une incarcération sa vie sous le despote. Explications.

    Une révolution contre la corruption et l'injustice

    Le 17 décembre 2010, un vendeur de fruits et légumes ambulant s'immole dans le centre du pays. Mohamed Bouazizi n'est pourtant pas le premier à avoir mis fin à ses jours, ce qui est interdit par l'islam. La vague de pauvreté et de désespoir qui recouvre les régions intérieures n'a jamais intéressé le pouvoir de Tunis. Alors, les régions intérieures viendront à Tunis. Malgré la répression policière, sans laquelle Ben Ali n'était rien, la contestation gagnera le reste du pays. Ben Ali traite les manifestants de « terroristes », puis se ravise le 13 janvier. Dans un discours télévisé, conçu par un communicant français, le raïs tunisien dit, somme toute, « je vous ai compris » et commet l'irréparable : il lève la censure qui cadenassait Internet. Dans l'heure, Facebook and co sont miraculeusement libérés. Et les Tunisiens partagent. Les fichiers des exactions policières, les photos des morts… Le lendemain, à 17 h 50, Ben Ali s'envole pour Djeddah avec femme et enfants. En moins d'un mois, la citadelle Ben Ali a chuté. Une révolution horizontale sans leader ni slogan, hormis le « dégage » qui s'est imposé spontanément, qui essaimera en Égypte, en Libye, à Bahreïn… Les vingt-trois années de règne Ben Ali ne suscitent que quelques qualificatifs : corruption, mafia, racket. Difficile de trouver l'exemple d'un pays pillé à ce point par une clique de prédateurs jamais repus. L'économie nationale a été littéralement vampirisée par Ben Ali et sa belle-famille, les fameux Trabelsi. Opérateurs télécoms, franchises, automobiles…, tous les secteurs d'activités seront accaparés par le pouvoir et ses affidés. Les règles du jeu sont faussées, truquées. Si McDo s'installe au Maroc, il ne le fera pas à Tunis. L'État y est trop gourmand. Cette cupidité creusera la tombe du régime. Pour autant, cinq ans après, quid de cette situation ?

    L'économie privée aux mains de quelques familles

    La Banque mondiale et autres institutions appellent fréquemment à une plus grande ouverture du secteur privé. Dans un rapport publié en 2014, la Banque mondiale estimait que plus de la moitié de l'économie privée était confisquée par quelques familles. « Le problème du capitalisme de copinage ne concerne pas seulement Ben Ali et son clan : il demeure l'un des principaux problèmes de développement auxquels la Tunisie est confrontée aujourd'hui », commente Antonio Nucifora, économiste principal de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA). Une situation qui découle d'une révolution qui s'est dénouée sans violence ni purge massive. Ce qu'on nomme justice transitionnelle peine à se mettre en place. Hormis Imed Trabelsi (neveu de Leïla Trabelsi, la seconde femme de Ben Ali) et Slim Chiboub, aucune grande figure de l'ancien régime n'a été inquiétée. Ils se sont murés dans une confortable discrétion en attendant des jours meilleurs. Quand d'autres vivent sous des cieux plus bienveillants : Seychelles, Canada, pays du Golfe… En ce cinquième anniversaire de la révolution, seul Imed Trabelsi regardera à la télévision, depuis sa prison, la cérémonie organisée au palais de Carthage. Pour avancer, la Tunisie a besoin d'affronter publiquement son passé. Et de faire sa révolution économique.

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