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Algérie. Ces binationaux qui dérangent

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  • Algérie. Ces binationaux qui dérangent

    Un avant-projet de révision de la Constitution, dévoilé le 5 janvier, écarte les binationaux des hautes fonctions de l’Etat. Instaurant une citoyenneté à deux vitesses, cette disposition soulève une grosse polémique dans le pays.


    Même si l’on ne se faisait pas trop d’illusions, on espérait un sursaut de sagesse et les prémices d’une Constitution qui sente moins le renfermé. C’est peine perdue. Le président ou ceux qui lui tiennent la main ont décidé de tout verrouiller pour éviter les mauvaises tentations. Ils ont fermé la porte derrière eux. Ceux qui espéraient – la crise aidant – un inventaire sérieux et des décisions courageuses en seront pour leurs frais. Non seulement on n’ira pas chercher nos enfants qui brillent sous d’autres cieux pour nous aider à combler le déficit de formation et nous sortir de cette mauvaise passe, mais on leur coupera carrément toute envie de revenir. A bon entendeur, salut !

    L’article 51 ne laisse pas de place au doute. Il stipule que ceux de nos enfants qui aspirent à occuper des postes à responsabilité dans la haute hiérarchie de l’Etat devront être exclusivement de nationalité algérienne [l’article stipule : la nationalité algérienne exclusive est requise pour l’accès aux hautes responsabilités de l’Etat et aux fonctions politiques ; le 11 janvier, l’annonce d’un amendement devant établir une liste des postes auxquels les binationaux n’auront pas accès n’a fait qu’envenimer le débat]. Ce qui laisse penser que la double nationalité porte les germes de la trahison, exclut toute forme de loyauté et rend le patriotisme douteux.

    Des formations acquises à l’étranger

    Faut-il donc en déduire que cette mesure de salubrité publique obéit à un réflexe de patriotisme exemplaire, d’honnêteté maladive et d’un sens sacerdotal de l’intérêt collectif ; toutes qualités dont aimeraient s’enorgueillir ceux qui veillent depuis des années à notre bonheur ? La ficelle est trop grosse et la manœuvre aurait pu prêter à rire, n’étaient la situation dramatique de notre économie, le délabrement largement entamé de nos institutions et, surtout, le niveau déplorable de notre système éducatif.

    Car enfin, comment peut-on imaginer un instant que le législateur ait poussé l’inconscience jusqu’à se priver de l’apport de milliers de cadres de haut niveau qui ont acquis à l’étranger des formations au prix de sacrifices immenses et qui seraient disposés à aider au redressement du pays ? Pourquoi faut-il que l’Algérie se singularise encore une fois et refuse de profiter de l’expérience des pays émergents qui font tout pour séduire leurs élites qui vivent à l’étranger ?

    Des hommes et des femmes de culture

    Les dirigeants les plus éclairés du monde arabe et du monde musulman sont ceux qui ont encouragé l’accès au savoir et qui ont dépensé sans compter pour faire venir chez eux, dans leurs universités, les plus brillantes intelligences du moment. Ils aimaient s’entourer d’hommes et de femmes de culture, de toutes nationalités et de toutes confessions. C’est Haroun Al-Rachid [763-809, calife abbasside] qui a créé la première “maison de la sagesse” (Dar ou Beït Al-Hikma), où se retrouvaient pour travailler et confronter leurs recherches les savants du monde entier. La civilisation arabe doit énormément à des sommités non arabes.

    Al-Farabi, Avicenne (Ibn Sina), Al-Ghazali sont perses. Averroès (Ibn Rouchd) et Léon l’Africain (Hassan Al-Wazzan) sont andalous. Abou Hanifa, Al-Boukhari et Jamal-Eddine Al-Afghani sont perses. Refuserait-on aujourd’hui d’ouvrir notre pays à ces esprits brillants qui ont tant apporté à la civilisation universelle ?

    A moins d’imaginer que notre ADN nous en empêche, quel législateur aurait aujourd’hui l’audace de nous faire croire qu’il n’y a pas, quelque part dans le monde, un de nos enfants porteur lui aussi de poudre de génie ? Et en vertu de quoi voudrait-on nous priver de ce qui reste, malgré tout, une partie de notre patrimoine, que nous avons égaré par suite des errements et de l’impéritie de ceux qui nous gouvernent ou qui nous ont gouvernés.

    Sans pour autant être chagrin, rien ne nous empêche d’imaginer, faute d’explication recevable, que frapper d’ostracisme plus intelligent que soi reste l’ultime stratagème pour garder le pouvoir et éviter les convoitises. Or en l’espèce, on ne parle pas de l’article 73, qui interdit l’accès à la fonction suprême [être éligible à la présidence de la République] à tout candidat né à l’étranger et dont les parents ne sont pas algériens pur sucre. On parle de l’accès aux postes de grands commis de l’Etat et de chefs d’entreprises publiques.

    Pour fixer les idées : un Algérien diplômé de Ponts et Chaussées Paris ou de l’Ecole des mines, né en Algérie et ayant acquis la nationalité française, ne pourrait pas être recruté pour redresser Air Algérie ou sauver Sonatrach, parce qu’il a la double nationalité. Beaucoup de binationaux sont diplômés d’HEC Paris, de l’Essec, de l’Insead et nous seraient bien utiles pour nous doter d’un système bancaire et sauver le dinar pendant qu’il est encore temps. Qu’on nous explique !

    Aziz Benyahia

    Algérie-Focus Alger, Paris
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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